Une charte discriminatoire

Chronique de Louis Lapointe

10. Toute personne a droit à la reconnaissance et à l'exercice, en pleine égalité, des droits et libertés de la personne, sans distinction, exclusion ou préférence fondée sur la race, la couleur, le sexe, la grossesse, l'orientation sexuelle, l'état civil, l'âge sauf dans la mesure prévue par la loi, la religion, les convictions politiques, la langue, l'origine ethnique ou nationale, la condition sociale, le handicap ou l'utilisation d'un moyen pour pallier ce handicap.
20. Une distinction, exclusion ou préférence fondée sur les aptitudes ou qualités requises par un emploi, ou justifiée par le caractère charitable, philanthropique, religieux, politique ou éducatif d'une institution sans but lucratif ou qui est vouée exclusivement au bien-être d'un groupe ethnique est réputée non discriminatoire.
9.1. Les libertés et droits fondamentaux s'exercent dans le respect des valeurs démocratiques, de l'ordre public et du bien-être général des citoyens du Québec.
La loi peut, à cet égard, en fixer la portée et en aménager l'exercice.
*
*Charte des droits et libertés de la personne

***
En principe, la discrimination est interdite au Québec. (Art. 10)
Toutefois, il y a des exceptions. La religion en est une. (Art. 20)
La Charte québécoise permet la discrimination lorsqu’une distinction, exclusion ou préférence est justifiée par le caractère religieux d’une institution sans but lucratif. Cette distinction est alors réputée non discriminatoire.
Sachant que ces pratiques discriminatoires visent particulièrement les femmes, est-il raisonnable de permettre qu’une organisation religieuse puisse adopter de semblables pratiques à l’endroit de ses coreligionnaires de sexe féminin?
Est-il normal que l’interdiction pour les femmes de devenir ministre du culte soit réputée non discriminatoire sans que cela ne soulève le moindre doute dans l’esprit des juges et du législateur, alors qu’une semblable interdiction à l'endroit d'un homme de race noire soulèverait probablement leur opprobre?
Se trouvera-t-il un juge, un ministre, un député ou un avocat de la Commission des droits et libertés de la personne pour venir nous dire qu’une organisation religieuse peut discriminer une personne de sexe féminin, mais pas un homme de race noire?
La discrimination des femmes dans la religion au Québec serait-elle de la nature d’un héritage patrimonial comme le crucifix à l’Assemblée nationale ou la prière au conseil municipal de Saguenay?
Peut-on légitimement parler d’égalité des hommes et des femmes au Québec lorsque notre propre Charte des droits et libertés tolère au nom des valeurs démocratiques, de l'ordre public et du bien-être général des citoyens du Québec que les femmes puissent être discriminées au nom de pratiques religieuses héritées du Moyen-Âge?
Ridicule!
Pour moi, il ne fait aucun doute, la Charte québécoise telle que rédigée est discriminatoire et ne respecte pas les valeurs démocratiques, l'ordre public et le bien-être général des citoyens du Québec. (Art. 9.1)
Voilà pourquoi le législateur a le devoir d’en fixer la portée et d’en aménager l’exercice de façon à ce que la religion ne soit plus au-dessus des lois en étant cette ignoble exception qui permet des pratiques intolérables à l’endroit des femmes du Québec.

Pour ce faire, l'Assemblée nationale doit définir quelles sont les valeurs démocratiques dont il est question à l'article 9.1 de la Charte et qui concourent au respect de l'ordre public et au bien-être des citoyens du Québec.
Pas plus, pas moins!
***
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L'auteur a été avocat, chroniqueur, directeur de l'École du Barreau, cadre universitaire, administrateur d'un établissement du réseau de la santé et des services sociaux et administrateur de fondation.





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1 commentaire

  • Archives de Vigile Répondre

    23 août 2013

    Votre billet a du sens si l'on consent à faire de l'État le seul pouvoir régulant la vie des gens. On peut certes continuer à drainer vers l'autorité étatique les pouvoirs jadis partagés en différents segments, dont le segment religieux.
    La laïcité étatique me semble de plus en plus un cul de sac, ne serait-ce que parce que l'autorité morale de l'État moderne est de plus en plus disputée. Et souvent avec raison.
    Je commence à penser que la charte des valeurs québécoises ne pourrait être vraiment québécoise que si elle accorde un statut historique et particulier à la religion catholique. Cela me semble être la seule façon logique de mettre des balises qui enlignent tout le monde sur une identité culturelle fondatrice. La laïcité étatique telle que défendue, met sur un même pied toutes les pratiques religieuses, ce qui ne reflète pas l'histoire, l'identité et la culture du Québec profond.
    Pour la question d'égalité entre les sexes, nous en sommes rendus à l'extrême, à l'égalitarisme. Il serait peut-être temps de se retrouver dans nos corps physiques et de déplacer le paradigme vers la complémentarité des sexes, un concept qui m'apparaît plus fécond et plus en harmonie avec les différences sexuées.
    Gilles Verrier