Un troc

PLQ - La Grande Braderie des ressources naturelles



Nathalie Normandeau rayonnait jeudi aux côtés du ministre fédéral des Ressources naturelles, Christian Paradis. Après des mois de déboires dans le dossier du gaz de schiste, elle avait enfin une vraie bonne nouvelle à annoncer. Même Pauline Marois a dû se réjouir des perspectives qu'ouvre l'entente «historique» entre Québec et Ottawa sur l'exploitation des hydrocarbures du golfe.
Le Québec se voit garantir la totalité des redevances, mais il y a encore loin de la coupe aux lèvres. Tant qu'on n'aura pas foré, on ne connaîtra pas exactement l'importance du gisement Old Harry. S'il est à la hauteur des espérances, l'expérience du gaz de schiste laisse prévoir un débat acrimonieux sur l'environnement avant qu'on ne donne le feu vert à son exploitation.
Il suffit d'imaginer qu'une explosion comparable à celle de la plate-forme Deepwater Horizon, dans le golfe du Mexique, survienne à 80 kilomètres des Îles-de-la-Madeleine. Quelles qu'en soient les conclusions, l'étude écologique en cours ne fera sûrement pas l'unanimité.
Il est facile d'accuser l'Alberta de polluer la planète et de se donner bonne conscience quand on carbure à l'hydro-électricité. De là
à renoncer à pareil pactole... De toute manière, la partie terre-neuvienne d'Old Harry va être exploitée. Tant qu'à subir les inconvénients de la pollution, aussi bien en avoir aussi les avantages...
Un quart de siècle après avoir autorisé Terre-Neuve et la Nouvelle-Écosse à exploiter les ressources pétrolières et gazières du golfe, il devenait de plus en plus injustifiable pour Ottawa de laisser poireauter le Québec.
Le déclenchement des élections n'est sûrement pas étranger au timing de cette annonce, mais en permettant au Québec de devenir à son tour une province pétrolière, Stephen Harper, qui en a assez de se faire donner des leçons d'écologie par M. Charest dans les forums internationaux, espère aussi lui fermer le clapet.
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Il faudra maintenant régler la vieille chicane frontalière avec Terre-Neuve, qui ne reconnaît plus la «ligne Stanfield», fixée en 1964. D'entrée de jeu, l'idée de devoir recourir à un arbitrage déplaisait au premier ministre Charest, mais c'était une condition sine qua non pour la conclusion d'une entente. De toute manière, personne n'investira avant de savoir à quoi s'en tenir.
Danny Williams, qui se réveillait la nuit pour haïr le Québec, est maintenant à la retraite, mais sa successeure, Kathy Dunderdale, n'a pas mis de temps à dire qu'il était grand temps de trancher la question.
Tous les Terre-Neuviens partagent le sentiment d'avoir été floués par le Québec en 1969, lors de la signature du contrat qui lui permettra d'acheter à bas prix l'électricité produite à Churchill Falls jusqu'en 2041. Terre-Neuve n'a rien à perdre à un arbitrage, dans la mesure où Old Harry est situé à 70 % du côté québécois de la frontière. La lutte s'annonce féroce.
À prime abord, les chances que le Québec ait gain de cause semblent excellentes. En 1927, le Conseil privé de Londres était juge et partie, quand le Labrador a été concédé à Terre-Neuve. Le mécanisme prévu dans l'entente signée jeudi offre de meilleures garanties d'objectivité, mais un arbitrage comporte toujours une part d'incertitude.
En 1964, Jean Lesage et son homologue terre-neuvien, Joe Smallwood, étaient tombés d'accord sur le tracé de la frontière, mais Ottawa n'avait pas voulu ratifier une entente dont il n'était pas partie. Cette fois-ci, son représentant au comité d'arbitrage devra se prononcer. Voilà peut-être une autre raison qui incitera M. Charest à baisser le ton au cours de la campagne fédérale.
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Méfiante, Pauline Marois a demandé au premier ministre si, en échange de l'entente sur les redevances pétrolières, il avait donné son accord tacite au financement par Ottawa du câble sous-marin qui permettra à Terre-Neuve d'exporter, vers les provinces maritimes et la Nouvelle-Angleterre, l'électricité qui sera éventuellement produite par le développement du Bas-Churchill.
Après qu'Hydro-Québec lui eut refusé l'accès à ses lignes, Terre-Neuve avait été débouté par la Régie de l'énergie, ce qui avait décuplé la rage de M. Williams, qui avait mis le pays tout entier en garde contre l'impérialisme québécois.
Bien entendu, M. Charest s'est défendu énergiquement de s'être livré à pareil maquignonnage. Hydro-Québec n'a jamais demandé l'aide du gouvernement fédéral pour construire ses lignes de transport. Il n'y a donc aucune raison pour qu'Ottawa aide Terre-Neuve à concurrencer l'électricité du Québec.
Les propos tenus cette semaine par le ministre de la Défense, Peter MacKay, également responsable de l'Agence de promotion du Canada atlantique, étaient cependant très clairs: pour le gouvernement «national», les intérêts de l'ensemble du Canada doivent l'emporter sur ceux du Québec.
Dans leur quête d'une majorité à la Chambre des communes, les conservateurs semblent maintenant fonder plus d'espoir sur les provinces maritimes que sur le Québec. M. Charest n'a peut-être pas donné son autorisation au financement d'un câble sous-marin, mais il est permis de croire que, dans l'esprit du gouvernement Harper, il s'agit bien d'une sorte de troc.


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