Lorsque le ministre Raymond Bachand avance que le Québec est maintenant l'un des États «les plus exigeants» en matière de redevances minières, il ne démontre aucune étude détaillée qui appuie ses dires. Un bref regard sur ce qui se fait ailleurs permet toutefois de douter de l'exactitude des propos du ministre.
PHOTO: FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE
Depuis deux semaines, on entend sur toutes les tribunes le ministre québécois des Finances, Raymond Bachand, vanter les actions de son gouvernement en matière de redevances minières. Or, le discours du ministre Bachand est truffé de demi-vérités et occulte des problèmes fondamentaux du régime de redevances actuellement appliqué au Québec.
En avril 2009, le rapport du vérificateur Renaud Lachance était dévastateur sur la question des redevances minières au Québec. Alors que le secteur minier connaissait un essor important, avec plus de 17 milliards de dollars produits entre 2002 et 2008, le Québec n'a récupéré qu'un maigre 259 millions en droits miniers. Moins de 1,5% de la valeur brute produite.
Le Vérificateur constatait également que l'État québécois a versé plus de 624 millions en aides fiscales à l'industrie au cours de cette période. Un montant qui a depuis été révisé à la hausse à plus 700 millions. Du coup, tous les gains en redevances devenaient de facto annulés.
Le vérificateur a identifié deux problèmes fondamentaux concernant le régime de redevances au Québec: 1) un manque de transparence dans le flux des revenus versus les dépenses de l'État liés aux mines; 2) un régime truffé de déductions possibles pour l'industrie qui permet de réduire le profit calculé par les entreprises, voire même de le ramener à zéro.
Deux ans plus tard, ces problèmes demeurent entiers. Un: on n'a toujours pas d'étude détaillée qui permette d'avoir un portrait complet de l'ensemble des revenus fiscaux tirés du secteur minier, en contrepartie du revenu des compagnies, de leurs profits et des dépenses consacrées par l'État pour les soutenir. Deux: on applique toujours un régime de redevances sur les «profits» plutôt que sur la valeur brute produite, beaucoup facile à contrôler.
Lorsque le ministre avance que le Québec est maintenant l'un des États «les plus exigeants» en matière de redevances minières, il ne démontre aucune étude détaillée qui appuie ses dires. Un bref regard sur ce qui se fait ailleurs permet toutefois de douter de l'exactitude des propos du ministre Bachand.
En septembre 2010, la coalition Pour que le Québec meilleure mine! et MiningWatch Canada révélaient que le Québec était dernier de classe au Canada pour ce qui est des redevances minières.
Pour l'année fiscale 2008-2009, on estimait alors que le Manitoba, Terre-Neuve, la Colombie-Britannique et les TNO/Nunavut avaient récupéré, toute proportion gardée, de 10 à 20 fois plus de redevances que le Québec. Entre 2006 et 2009, ces mêmes provinces et territoires ont cumulé en moyenne de 3 à 5 fois plus de redevances que le Québec.
Il n'est donc pas étonnant aujourd'hui qu'on soit sceptique face aux propos du ministre Bachand.
Dans la plupart des États australiens - tous de très grands producteurs miniers - on applique déjà des redevances «planchers» sur la valeur brute produite. Celles-ci varient généralement de 3% à 8% sur la valeur brute produite et sont parfois combinées avec une deuxième redevance sur les profits (jusqu'à 30% dans les cas du fer et du charbon).
S'ajoutant aux impôts et aux taxes sur les entreprises, ces redevances assurent un plus juste retour à l'État pour compenser l'épuisement des ressources minières non renouvelables.
Si de telles redevances étaient appliquées au Québec, nous estimons que l'État pourrait récupérer le double, voire le triple des prévisions actuelles du ministre Bachand.
Le principe des redevances «planchers» s'applique à plusieurs autres endroits dans le monde, notamment en Chine, en Inde, aux États-Unis (Michigan, Arizona). Il s'applique également dans plusieurs provinces au Canada (Colombie-Britannique, Nouveau-Brunswick, Terre-Neuve, etc.). Il s'applique même au sein de l'industrie lorsqu'une compagnie vend un actif minier à une autre compagnie. Alors pourquoi pas au Québec?
S'il veut que les Québécois le prennent au sérieux, le ministre Bachand doit faire deux choses. Premièrement, dévoiler tous ses chiffres et toutes ses études lui permettant d'affirmer que le Québec est maintenant l'un des États «les plus exigeants» en matière de redevances minières. Ensuite, entamer de véritables consultations publiques afin de débattre ouvertement du meilleur modèle de redevances à appliquer au Québec.
Dans la foulée des critiques du Vérificateur général, le gouvernement avait d'ailleurs promis un projet de loi pour modifier les redevances minières. Deux ans plus tard, nous n'avons toujours pas vu la couleur de ce projet de loi. Cela s'ajoute au bilan négatif du gouvernement, dont le projet de réforme de la loi sur les mines du Québec, aussi promis en 2009, est maintenant tabletté...
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Ugo Lapointe, Christian Simard et Henri Jacob
Les auteurs sont cofondateurs et porte-parole de la coalition Pour que le Québec ait meilleure mine!
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