Un refus massif des accommodements raisonnables

Le Québec beaucoup moins conciliant que le reste du Canada

Accommodements - Commission Bouchard-Taylor

Une «écrasante majorité» de Québécois souhaite imposer des limites aux accommodements raisonnables. Une forte majorité n'en veut tout simplement pas.
Plus de deux adultes du Québec sur trois refusent toute forme d'accommodements culturels ou religieux dans les lieux publics comme les écoles, les hôpitaux et édifices gouvernementaux (64 %), les lieux de travail (65 %), les centres de loisirs ou le sport amateur (72 %). Dans tous ces cas de figure, moins d'un Québécois sur cinquante (1,7 %) se dit favorable au «plein accommodement».
Les autres Canadiens adoptent une position plus conciliante, mais tout de même assez critique des passe-droits. Un Canadien des autres provinces sur deux ne veut «aucun accommodement» dans les institutions, au travail ou dans les loisirs.
Un sondage de l'Institut de recherche en politiques publiques, dont Le Devoir a obtenu copie, met en évidence cette autre distinction de la société québécoise. Les données sont divulguées aujourd'hui dans le numéro de septembre de la revue Options politiques. Le think thank montréalais lance sa publication lors d'un déjeuner-causerie organisé à la Grande Bibliothèque. On y retrouve plusieurs textes d'analyse du contexte ayant mené à la formation de la commission Bouchard-Taylor, en travaux cette semaine dans la couronne de Montréal. Le sondage en ligne, avec une marge d'erreur de trois points de pourcentage, a été réalisé auprès de quelque 1083 personnes par la firme SES Research.
«L'opposition aux accommodements raisonnables est plus tranchée au Québec qu'ailleurs», résume Sarah Fortin, rédactrice adjointe de la revue. Les Québécois demeurent cohérents en refusant les aménagements en bloc dans les institutions, les écoles, les hôpitaux ou au travail.» Elle note qu'un Québécois sur dix se dit favorable (3 %) ou plutôt favorable (9 %) à «l'aménagement gratuit de lieux de prière dans les installations collectives pour accommoder les minorités religieuses». Par contre, seulement un Québécois sur quatre désire «ne jamais tenir compte» des exigences alimentaires des groupes religieux ou culturels.
Le sondeur Nik Nanos tire une leçon politique très large de ce panorama. «Les Québécois semblent adhérer plus fortement à la vision d'un Canada reposant sur deux peuples fondateurs et deux communautés linguistiques», dit le président de SES Research dans le texte de la revue Options politiques accompagnant les résultats du sondage. «Et c'est sous cet angle qu'ils envisagent un débat comme celui des accommodements raisonnables. Car ils estiment que cette vision des peuples fondateurs est en voie d'érosion.»
La rédactrice adjointe Sarah Fortin n'ose pas aller jusqu'à ce point d'affrontement entre une vision fondatrice et une vision multiculturelle du Canada. «Moi, je comprends surtout que le Québec parle plus des accommodements raisonnables et qu'on y retrouve des positions plus fermes qu'ailleurs au pays, dit-elle. Je ne suis pas convaincue que les résultats auraient été les mêmes si on avait mené l'enquête il y a trois ans.»
Dans tout le pays, 64 % des répondants ont eu connaissance du débat sur ce sujet. La proportion grimpe à 90 % au Québec. C'est là aussi que l'on retrouve la plus forte majorité (77 %) des répondants en faveur de l'option disant que «les immigrants devraient s'adapter pleinement à la culture canadienne». Cette proportion tombe à 36 % dans les provinces de l'Atlantique et à 50 % en Ontario. À peine 5 % des Québécois (mais le quart des gens de l'Ouest) jugent qu'il est «raisonnable de s'adapter dans toute la mesure du possible aux minorités religieuses et culturelles».
L'enquête met aussi en évidence une division nette entre les jeunes et les vieux répondants, et ce, partout au Canada. Dans toutes les réponses, la tranche d'âge des 18 à 24 ans s'avère beaucoup plus tolérante et conciliante que les différentes catégories regroupant des gens âgés de 35 ans et plus. En même temps, un jeune Canadien sur deux (48 %) n'a pas entendu parler des accommodements raisonnables. Les jeunes Québécois n'ont pas été sondés à part sur cette connaissance.
Dans le dossier de la revue Options politiques, la professeure Marie McAndrew du département d'études en éducation de l'Université de Montréal se désole de la tournure des débats actuels, en particulier de la «dichotomie nous/eux» ravivée par le débat sur l'intégration et l'identité. «On a parfois l'impression de vivre un mauvais rêve éveillé, comme si on était transporté dans le Québec d'avant 1977 où la nation canadienne-française se concevait comme homogène et vivait son rapport à l'Autre sur le mode de la menace identitaire», écrit l'experte de l'éducation interculturelle, membre du comité d'experts de la commission Bouchard.


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