Le Parti québécois est encore loin du pouvoir que voilà repartis les débats entourant la démarche référendaire. Avant d'aboutir à « La Question », plusieurs se posent la question de l'obligation et du moment où il faudrait en tenir un. La question mérite réflexion, les adversaires de l'indépendance tiennent mordicus à un référendum, et ils veulent même approuver « La Question » ; encore un peu, et ils vont nous demander de la rédiger pour nous. Mais ça ne nous dit pas s'il faut ou non en tenir un. Plutôt que de se lancer dans des débats de droit et de légitimité, pourrait-on examiner ce qui s'est passé autour de nous lorsque ces questions se sont posées.
Nos voisins du sud ne se sont pas embarrassés de ces détails, ils ont pris les armes et ont foutu dehors les Anglais. Comme nous tenons à un processus démocratique, ça ne nous aide pas beaucoup. L'exemple du Canada est encore plus près de nous, dans le temps et l'espace. Examinons comment ont été adoptées notre irremplaçable Constitution et ses révisions.
Tout d'abord, en 1867, c'est le Parlement de l'époque et rien que lui qui l'a votée. Les discussions préalables ont été tenues à huis clos, et déjà, à cette époque, certaines photos témoignent que ces discussions étaient plutôt bien arrosées. Les très saints pères ont bien pensé à un plébiscite, mais ont abandonné l'idée de peur d'une défaite. L'autorité du Parlement, et cette seule autorité, a suffi à nous faire entrer dans le « plus meilleur pays au monde ». On aura beau dire que les référendums n'étaient pas populaires à cette époque, s'il y a une leçon à tirer de cet épisode, c'est que ce sont les élus réunis en assemblée qui ont l'autorité de changer de régime politique. Nous y reviendrons plus loin.
Plus près de nous, après le premier référendum québécois en 1980, Pierre-Elliot Trudeau rapatriait la Constitution en 1982, y incorporait une charte….après un party de pizzas et de grosses bières. Au moins la tradition s'est maintenue, mais nos représentants n'ont pas participé à cette farce grotesque et ont depuis refusé de signer le document en résultant. Ici, on n'a pas l'excuse d'une lointaine époque, il venait d'y avoir un référendum au Québec. Bien mieux, les questions constitutionnelles n'avaient même pas fait l'objet de débat lors des élections précédant leur adoption par le Parlement. Ni avant ni après, les Canadiens et les Québécois ne se sont prononcés sur ces questions en élection ou en référendum. Rappelez-vous les grandes leçons de démocratie servies par Trudeau et ses séides aux Québécois. Devant un tel gâchis démocratique, l'élève Trudeau mérite un gros zéro.
Mais est-ce que ce comportement anti-démocratique nous permet de passer à côté d'un référendum. D'un point de vue strictement légal, même un référendum gagnant à 99.9 % imposerait que l'Assemblée nationale nous sorte du Canada par une loi. Un référendum n'a pas force de loi. Il vient légitimer le geste, le justifier, mais le pouvoir reste entièrement aux mains de l'Assemblée nationale. C'est elle, et elle seule qui doit décider si elle a besoin d'un référendum, et à quelles conditions, pour nous donner un nouveau régime politique démocratique.
En effet, une démarche a besoin de quelques conditions pour donner un résultat valable. Il est vrai qu'une question claire en fait partie. Mais, bien plus important, toutes les parties intéressées doivent respecter la Loi référendaire. Autrement, que vaut le résultat ? Or nous savons tous que le Parlement fédéral s'estime au-dessus des lois québécoises et ne se gêne pas pour intervenir massivement et sans égard à la Loi lors d'un référendum, minant ainsi de façon irrémédiable le processus démocratique. Je ne fais pas de politique fiction, c'est arrivé aux deux référendums québécois, et je sais que l'argument d'Ottawa pour justifier sa conduite tient la route au plan légal. Non seulement a-t-il massivement dépensé, bien au-delà des limites prévues à la Loi, mais au-delà de tout ce qui est raisonnable. Il refuse même de nous dire combien il a dépensé. Il a continué même après le référendum avec le programme de commandite. Mais en agissant ainsi, le Parlement vient ruin
er le fondement même du processus référendaire.
Dans ces conditions, je ne vois pas pourquoi on fait tant d'histoires autour de cet argument. C'est à l'Assemblée nationale, et à elle seule que revient le droit de déclencher un référendum, et d'en fixer les conditions. Si elle estime que le processus est vicié dès le début en raison des velléités du Fédéral de se prévaloir de son droit pour se mettre au-dessus des lois de l'Assemblée nationale, elle est parfaitement légitimée de ne pas s'embarquer dans ce processus et d'aller de l'avant avec les modifications de régime politique, jusqu'à l'indépendance. Elle pourra tenir un référendum par exemple sur la Constitution d'un Québec indépendant si elle est assurée que tous vont respecter la Loi.
Avant de procéder ainsi, il faudrait toutefois que l'enjeu soit bien défini dans une campagne électorale aboutissant à une victoire sur cette question. Sans garanties allant jusqu'à une Loi du Parlement fédéral renonçant explicitement à se mettre au-dessus de la loi référendaire, l'Assemblée nationale devrait renoncer au référendum pour nous faire accéder à l'indépendance.
Louis Champagne, ing., 30 juillet 2010
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7 commentaires
Archives de Vigile Répondre
3 août 2010« Allumer des étincelles.. »
Monsieur Bousquet nous dit :
«Les éteignoirs peuvent être très utiles quand il y en a qui s’amusent à mettre le feu et qui pourraient bien être incapables de l’éteindre quand les conséquences très prévisibles NOUS frapperaient de tous les côtés...»
La question n'est pas de mettre le feu Monsieur Bousquet, mais d’allumer des étincelles afin de moduler notre culture politique et sortir de cette vision étriquée péquiste qui ne fait que nous enfermer dans une seule façon de voir : La sienne ; comme si un parti détenait la vérité.
Le PQ de par son obsession référendaire, ne prétend-t-il pas avoir institué une manière de faire ?
Pourquoi donc d'autres ne pourraient-ils pas en faire autant ?
Cette légitimité référendaire vient du fait que l'idée a circulé dans la société ; de là, sa légitimité.
Diffusons, justifions et défendons d'autres moyens d'accession à l'indépendance et ces moyens deviendront tout aussi légitimes que les vôtres.
De toutes manières, aucun gouvernement du Québec et même aucun parti politique n’a endossé la constitution de 1982.
Ça aussi, ça donne une légitimité.
L’adhésion du Québec au Canada est si ténue, qu’on pourrait facilement dire qu’elle ne tient que par un fil…
Alors...
Disons-le !
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Christian Montmarquette
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Louis Champagne Répondre
2 août 2010Les commentaires que j’ai reçus me font craindre que certains m’aient mal lu. Je fais la différence entre adopter une Constitution et proclamer l’indépendance. Mais je sais aussi que le processus démocratique d’adoption est assez semblable dans les deux cas, assez en tout cas pour les transposer. En outre, ça nous permet de vérifier le pouvoir des assemblées législatives qui nous régissent. Dans le cas de la proclamation d’indépendance, un référendum bien tenu simplifie normalement le processus de reconnaissance internationale; il doit vérifier que la majorité veut bel et bien l’indépendance. Rappelons qu’il s’agit de règles d’usage qu’il appartient à chacun de gérer selon ses traditions et son régime juridique. Notre cas présente quelques particularités intéressantes.
Je maintiens que L’Assemblée nationale a tous les pouvoirs et toute la légitimité pour débuter le processus d’accession à l’indépendance sans référendum à la condition qu’une élection l’ait clairement mandatée pour le faire.
Si je suis très réticent à voir l’Assemblée nationale s’embarquer dans un processus référendaire sans précaution, c’est que l’Histoire nous donne là aussi quelques leçons. La première, c’est qu’Ottawa ne suit pas les règles du jeu. M. Lévesque a pu croire au fair play des « Canadians » pour son référendum; après deux référendums, croire ça, c’est croire au Père Noël ! Avant de se lancer dans un référendum, il faudra s’assurer que le fédéral suivra les règles du jeu avant de le déclencher.
Idéalement, une telle entente devrait intervenir en début de processus, de sorte que le débat pourrait avoir lieu en toute sérénité, le référendum précédant toute la démarche.
À défaut toutefois d’une telle entente, il faudrait enclencher le processus unilatéralement et reporter le référendum jusqu’à ce qu’il puisse avoir lieu sans intervention indue d’Ottawa. Je ne m’oppose pas à l’idée d’un référendum, il sera nécessaire tôt ou tard, il devra toutefois se tenir dans des règles démocratiques respectées de tous.
J’ai maintenant une question pour mes détracteurs. Croyez-vous vraiment que le fédéral est légitimé de se placer au-dessus des Lois québécoises dans un contexte démocratique, de dépenser sans compter pour gagner et de refuser de nous dire combien le tout a coûté, le tout en flagrante violation de notre Loi ? Si vous le croyez, ça clôt le débat, je crois le contraire, et nos positions sont inconciliables. Sinon, que proposez-vous pour garantir le respect de la démocratie et de ses règles par Ottawa?
Gilles Bousquet Répondre
1 août 2010D’accord ici avec M. Richard Le Hir.
Pas de souveraineté ou d’indépendance du Québec sans une volonté claire et quantifiable des Québécois. Est-ce assez clair pour ceux qui prônent qu’un gouvernement élu par une minorité de Québécois, pourrait réaliser la souveraineté du Québec pendant qu’il y aurait encore une majorité de fédéralistes ici, ce qui serait un manque élémentaire à la démocratie. Une réprobation mondiale suivrait même si nous n’avions pas les précédents des 2 référendums perdus.
Les éteignoirs peuvent être très utiles quand il y en a qui s’amusent à mettre le feu et qui pourraient bien être incapables de l’éteindre quand les conséquences très prévisibles NOUS frapperaient de tous les côtés.
La souveraineté se fera avec une majorité de Québécois ou ne se fera pas comme le fédéralisme a besoin d'une majorité de Québécois qui choisissent cette option constitutionnelle, pour se maintenir au Québec.
Archives de Vigile Répondre
1 août 2010M. Champagne
Je suis totalement d'accord avec votre point de vue. Dans les circonstances que vous décrivez, comme le proposait René Lévesque en 1971, un référendum sur une Constitution qui, dans un de ses articles, proclame la république indépendante du Québec, constituerait le dernier geste à faire approuver par le peuple québécois.
Quand on parle "de dernier geste", ça veut dire que l'Assemblée nationale en aurait poser d'autres avant, actions résultat d'un mandat clair demandé à la population lors d'une élection décisionnelle.
Quand on n'a pas intégré à sa réflexion le concept d'élection décisionnelle, on ne comprend pas votre point de vue et donc on ne peut pas l'approuver.
Votre idée d'exiger du Parlement d'Ottawa qu'il respecte les lois québécoises encadrant un référendum québécois m'apparaît nouvelle. Il ne serait plus question pour les fédéralistes (Option Canada) ou pour Ottawa de jouer aux cowboys (comme dirait Gilles Bousquet...) et de dépasser à coup de millions le plafond des dépenses permises par la loi québécoise. (Sinon, il y aurait des conséquences politiques dramatiques pour les fédéralistes.)
Par conséquent, j'approuve votre conclusion et je la cite tellement elle m'apparaît importante et valable.
"C’est à l’Assemblée nationale, et à elle seule que revient le droit de déclencher un référendum, et d’en fixer les conditions. Si elle estime que le processus est vicié dès le début en raison des velléités du Fédéral de se prévaloir de son droit pour se mettre au-dessus des lois de l’Assemblée nationale, elle est parfaitement légitimée de ne pas s’embarquer dans ce processus et d’aller de l’avant avec les modifications de régime politique, jusqu’à l’indépendance. Elle pourra tenir un référendum par exemple sur la Constitution d’un Québec indépendant si elle est assurée que tous vont respecter la Loi.
Avant de procéder ainsi, il faudrait toutefois que l’enjeu soit bien défini dans une campagne électorale aboutissant à une victoire sur cette question. Sans garanties allant jusqu’à une Loi du Parlement fédéral renonçant explicitement à se mettre au-dessus de la loi référendaire, l’Assemblée nationale devrait renoncer au référendum pour nous faire accéder à l’indépendance."
Et j'ajouterais: "en agissant unilatéralement pour ce faire".
M. Champagne, il me semble que vous prolongez valablement ce que René Lévesque, Jacques Parizeau et Jacques-Yvan Morin ont proposé dans "Comment se fera l'indépendance" (Editions du Parti québécois, 1972), propositions que j'ai tenté de résumer ici sur Vigile.
Cohérente, cette position crée un rapport de forces entre Québec et Ottawa à l'avantage du Québec.
Cela nous change du rôle d'éternelle victime qui se fait voler son pays par un référendum qui serait de nouveau volé comme en 1995...si référendum il y a, ce qui n'est pas obligatoire.
Voilà ample matière à renouveler notre approche quant à la démarche qui nous mènera à notre pays. Ce n'est pas parce que c'est difficile qu'il faut renoncer à y réfléchir.
Ceux qui, au nom des précédents ou d'une approche juridique, refusent de se remettre en question, pourraient bien jouer un rôle d'éteignoir. Nous ne les laisserons pas faire.
Déjà Danièle Fortin et Elie Pressault (après Christian Montmarquette) ont commencé à réagir vigoureusement contre ce genre d'éteignoir. Je les en remercie chaleureusement.
Robert Barberis-Gervais, 1er août 2010
@ Richard Le Hir Répondre
31 juillet 2010M. Champagne,
La Constitution et l'indépendance sont deux questions différentes.
Dans l'état actuel des choses, le Québec possède déjà le pouvoir de se doter d'une Constitution. Si l'Assemblée nationale prenait une telle initiative, il serait judicieux de demander à la population de ratifier sa démarche, mais rien n'oblige la tenue d'un tel référendum.
Si le Québec décidait de se doter dès maintenant d'une Constitution, celle-ci pourrait fort bien demeurer la même après son accession à l'indépendance.
La situation est différente dans le cas de l'indépendance. Pour ma part, compte tenu des précédents que, je le répète, nous avons-nous même créés, je ne vois pas comment nous pourrions faire l'économie d'un référendum sur l'indépendance sans nous faire rappeler à l'ordre en bout de piste.
La tenue d'un premier référendum sur la Constitution ne nous dispenserait pas de l'obligation d'en tenir un second sur l'indépendance.
Richard Le Hir
Archives de Vigile Répondre
31 juillet 2010Quel serait le résultat d'un référendum sur la question suivante:
"Avons-nous le mandat de signer la Constitution Canadienne, telle qu'elle est, en respectant les règles de la Clarté Référendaire?".
Sûr que le "oui" perd un autre fois. Pour moi, à la suite de ce référendum, le parlement est justifié de déclarer unilatéralement l'indépendance.
Si contre toute attente, le "oui" obtient le 60%, on la signe et le sujet est clos...peut-être....
Archives de Vigile Répondre
31 juillet 2010En un mot comme en cent,
Je vous dis : « Bravo ! »
Ceux qui me lisent et me suivent, comprendront aisément pourquoi…
Cela reprend nombre d'arguments que j'ai récemment exprimé à Monsieur Le Hir (que je continue de remercier d'avoir ouvert ce débat).
J'ajouterais qu'un des points qui fatigue le plus, c'est l'absence totale de mobilisation et d'action directe d'accession à l'indépendance «ENTRE» les élections.
Alors que le PQ demeure lui-même dans un aliénant attentisme, croyant, ou voulant bien laisser croire, qu'on ne peut rien faire sans le pouvoir.
« L'indépendance passe par l'élection préalable du Parti québécois » ..se plaisent-ils à marteler.
Terrible électoralisme et attentisme, doublés d'une déprimante passivité démobilisatrice, nous mettant sans cesse à la remorque son élection.
C'est ça, « mon » véritable projet :
Sortir de cet enfermement politico-électoral.
On «PEUT» "ajouter" d'autres approches et d'autres stratégies d'accès, qui de toutes manières ne feront qu'augmenter les appuis à l'indépendance si jamais nous procédions de manière plus conventionnelle et j'entends par là même la proclamation d'indépendance par L'Assemblée nationale.
Les votes et les appuis ne se créent pas à la dernière minute. L'indépendance n'est pas une vente de feu à pression !
Ça se construit, et tous les jours !
Merci de votre encourageante contribution.
C’est rudement réconfortant de voir qu’il y a encore du monde qui y voient clair et comprennent les choses.
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Christian Montmarquette
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