Un pont contre un pipeline?

Tout se paye... et cela n’est pas terminé!

Chronique de Louis Lapointe

Si nous avions gagné ce référendum en 1995, nous ne parlerions pas du port du foulard dans la fonction publique.
Nous ne parlerions pas davantage du passage du pipeline d’Enbridge à travers le Québec et nous aurions probablement déjà un nouveau pont Champlain.
Dire que l’un n’ira pas sans l’autre est une hypothèse qui a certainement traversé l'esprit de ceux qui se souviennent de 1982 et savent comment fonctionne le Canada lorsqu’il est question du Québec.
Tout se paye... et cela n’est pas terminé!
Le gouvernement fédéral n’entreprendra pas honnêtement le chantier du pont Champlain tant qu’il n’aura pas la certitude que son pipeline traversera le Québec.
Un euphémisme?
Comment voulez-vous qu’un gouvernement dans les câbles comme l'est celui de Pauline Marois puisse tenir tête au gouvernement fédéral lorsqu’il n’en a pas les moyens, entre autres parce qu'il n’a pas su manœuvrer politiquement en annonçant un équilibre budgétaire qu'il n'a pas pu atteindre alors qu’il se retrouve finalement avec un déficit prévu de 2.5 milliards pour l’année courante?
Alors qu’on ne sait toujours pas où va la Caisse de dépôt et placement qui n’a cessé de nous mentir sur sa comptabilité interne depuis le naufrage de 2007 et que rien n’indique que nous l’apprendrons un jour, le présent gouvernement étant aussi cachottier que le précédent, Hydro Québec a été littéralement dépouillée de sa marge de manœuvre au cours des neuf années qu’a duré le régime libéral. Les surplus d‘électricité à forts coûts provenant des filières thermique, éolienne et atomique ainsi que des petits barrages ont gravement grevé Hydro-Québec, si bien qu’on ne peut plus soutenir l’industrie de l’aluminium au même rythme qu’on le faisait jadis.
Nos deux vaisseaux amiraux sont dans un piteux état et ce qui s’en vient n’a rien de réjouissant pour l’avenir du Québec.
Le gouvernement fédéral revient à la charge avec son projet de commission des valeurs mobilières pancanadienne. Un projet qui, lorsqu’il aura enfin reçu l’aval de la Cour suprême, une question de temps, nous le savons tous, achèvera de dépouiller Montréal du peu qui lui reste depuis que la bourse de Montréal est devenue une filiale de Toronto.
L’actuelle stratégie de Pauline Marois n’est pas à la hauteur des défis qui nous attendent.
Alors que l’indépendance était une nécessité dans les années 80 et 90, elle est devenue une urgence nationale en 2013.
Le Québec s’appauvrit à vitesse grand V au sein d’une fédération qui ne lui a jamais autant serré la vis, maintenant qu’il est possible de former des gouvernements majoritaires canadiens sans que le Québec n’y concoure.
Pauline Marois pensait bien gagner des élections automnales en secouant l’épouvantail identitaire. Mais cela n’a pas fonctionné. Les nationalistes mous n’ont pas rallié le PQ sur la question de la charte de la laïcité pendant que les indépendantistes n'ont toujours pas trouvé le moyen d'unir leurs forces.
La mauvaise fortune de Jean Charest à l’occasion du printemps érable aurait dû inspirer Pauline Marois. Gagner des élections en semant la grogne est un pari fort risqué.
Pourtant, le Québec n’a jamais été aussi en péril et cela n’est pas le fait des quelques bouts de chiffons qui excitent la population.
Cela est surtout le résultat du travail d’un gouvernement fédéral qui sait qu’il peut gagner ses prochaines élections en étant intraitable sur tous les fronts à l’égard du Québec.
À chaque fois qu’il aura gain de cause contre le Québec, ce sera des votes de plus dans le reste du Canada.
C’est à se demander si ce gouvernement ne souhaite pas que le pont Champlain soit définitivement fermé à la circulation avant la fin de la construction du nouveau pont qui le remplacera, tant le ressentiment anti-Québec peut lui rapporter gros.
Nul doute que Stephen Harper est beaucoup plus habile que peut l’être Pauline Marois à ce petit jeu.
On le voit bien, manger du Québec unit le reste du Canada, alors que le projet de charte de la laïcité ne réussit qu'à diviser un peu plus le Québec.
Satisfaire les nationalistes mous pour espérer gagner des élections provinciales ne nous donnera pas un pays.
Alors qu’il n’y a jamais eu autant d’urgence à faire l’indépendance, la stratégie de Pauline Marois risque de nous en éloigner encore un peu plus.
Jean Martin Aussant l’avait bien compris lorsqu’il disait de son ancienne chef que jamais elle ne ferait l’indépendance.
Pour lui, le combat de l'indépendance devait se livrer sur le terrain de l'économie, pas sur celui de l'identité.
Il n’est donc pas étonnant qu’on ait trouvé le moyen de le rappeler à Londres, laissant Pauline Marois sans opposition crédible pour l’aiguillonner sur la nécessaire indépendance.
Ce qui est dans l’intérêt du Canada est dans l’intérêt de Londres, deux alliés inconditionnels qui ont intérêt à ce que le Québec et l'Écosse ne s'affranchissent pas.
Si la division du Québec renforce le Canada, quel est le véritable objectif de ceux qui dirigent le Québec?

***
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Louis Lapointe534 articles

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L'auteur a été avocat, chroniqueur, directeur de l'École du Barreau, cadre universitaire, administrateur d'un établissement du réseau de la santé et des services sociaux et administrateur de fondation.





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5 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    27 décembre 2013

    Erratum Erratum
    ...le salaire des députés de 88 000$ par année à 125 000$ doit lire comme ceci: le salaire des députés de 88 000$ par année à 135 000$.
    Merci
    André Gignac 27/12/13

  • Archives de Vigile Répondre

    2 décembre 2013

    Monsieur Lapointe
    Ça serait le meilleur temps pour Marois de nationaliser le pont Champlain pour la modique somme de 1.00 $ puisque les Québécois l'ont payé depuis longtemps avec leurs impôts. Par ce geste, elle enverrait un signal sérieux aux indépendantistes, à l'effet, qu'elle veut vraiment leur donner un pays en héritage.
    André Gignac 2/12/13

  • Archives de Vigile Répondre

    2 décembre 2013

    Je ne connait pas bien l'histoire, on pourra me le reprocher. Mais je me souviens que le Québec à été conquis avec la colaboration d'un traître. Je me souviens aussi qu' il y en avait un au PQ, trop près de René Lévesque. A observer ce qui s'est passé sous Lucien Bouchard, je doute qu'il y ait encore un traître au sein du PQ ou plusieurs car ne serait ce pas une bonne stratégie pour contrôler et canaliser les esprits indépendentistes que de diriger le parti de l'intérieur. Créer de l'illusion, jamais de vérité.

  • Archives de Vigile Répondre

    1 décembre 2013

    Monsieur Lapointe
    Très beau portrait du marasme (parole de Caouette ou de Samson?) québécois mais il ne faudrait pas oublier une chose si, aujourd'hui, nous sommes dans la m.... jusqu'au cou, c'est de notre propre faute ou de notre propre inconscience collective pour avoir laissé au pouvoir Charest, durant 9 années, ce qui a rendu l'indépendance presque impossible maintenant à réaliser. Combien de fois ai-je mentionné ce fait sur Vigile?
    Le PLQ crée les déficits, le PQ les corrige bien que ça commence à changer un peu puisque Marceau nous a dit ces derniers jours qu'il ne pourra pas régler notre déficit avant 2 ans. Hier, dans le journal Le Soleil de Québec, j'ai lu une nouvelle à l'effet que le gouvernement veut faire passer les salaires des députés de 88 000$ par année à 125 000$ par année. Le temps des Fêtes étant tout près et les gens ayant la tête ailleurs, cette augmentation va passer haut les mains. Plus ça change, plus ça empire!
    Ceci dit, je trouve que Marois ne fait pas le poids devant Harper et pourtant ce ne sont pas les munitions qui lui manquent pour faire avancer l'indépendance du Québec. Marois me donne l'impression de n' avoir aucune stratégie sur la question de l'indépendance. Un pont contre du pétrole, ce n'est pas très brillant entre vous et moi surtout que le pont Champlain, nous l'avons payé depuis belle lurette avec nos 50 milliards $ d'impôt que nous versons annuellement à Ottawa.
    Et en ne coupant pas dans les quotas d'immigration qui sont trop élevés pour le Québec, elle fait le jeu du multiculturalisme "canadian", pas très brillant là non plus. Et quand l'entend-t-on dénoncer ou critiquer les politiques de Harper et du fédéralisme "canadian" dirigées contre le Québec? Ça nous donne l'impression que c'est normal et que nous devons nous la fermer et ramper en chiens battus. Pas très vendeur pour l'indépendance!
    Si elle n'est pas encore prête a affronter Harper dans un vrai duel politique, qu'elle se fasse la main en mettant le West Island à sa place, cette minorité qui nous maintient en otage au Québec. Je suis allé à l'école de Pierre Bourgault et en regardant agir le PQ face à Ottawa, ce parti me fait penser à une équipe de "pee wee". Nous ne sommes pas sortis du bois, je vous l'assure. Votre texte était très stimulant.
    André Gignac 1/12/13

  • Marcel Haché Répondre

    30 novembre 2013


    Je partage votre sentiment de l’urgence Louis Lapointe. Également votre analyse de la dynamique canadian, mais certainement pas celle à l’égard du gouvernement Harper.
    Le problème vient moins de Pauline Marois elle-même que du « péquisme » qui suinte toujours à l’intérieur de la mouvance indépendantiste. Cette idée très péquiste qu’un bon programme et de bonnes législations sauront retourner une mauvaise conjoncture politique, que de nouveaux programmes et nouvelles mesures, comme de nouvelles annonces de miracles économiques québécois, sauront retourner l’opinion publique. Toute cette approche élitiste, fantoche, bureaucratique, qui a déjà pu faire la fortune du P.Q. il y a longtemps n’a plus aucune prise sur l’électorat. Les indépendantistes sont encore aux prises avec une spirale descendante, et ne peuvent plus descendre beaucoup plus bas.
    Si le gouvernement péquiste ne devient pas rapidement plus combatif, mais com-ba-tif s’tie, les libéraux du West Island vont réussir à l’entraîner dans l’échéancier comme dans un couloir ben noir, et qui pourrait mener le gouvernement au « budget » comme à un abattoir.
    Mais « combatif » contre « Qui », Louis Lapointe ? Contre Ottawa ? Le temps n’est pas propice. Le temps n’est pas venu. Bien au contraire… en ce qui regarde ce qui Nous vient actuellement d’Ottawa, qui « feed » davantage la stratégie péquiste qu’il ne l’écorche. Mais ce temps pourrait advenir rapidement si le P.Q. répondait sérieusement à ceux qui lui administrent des baffes ici-même au Québec, depuis que Pauline Marois a été élue au gouvernement. C’est ma conviction que la prochaine élection provinciale portera en elle un sens plus lourd que les deux référendums québécois perdus. Je n’ose pas imaginer les résultats d’une vague rouge succédant à une vague orange. Voilà pour l’urgence.
    Cependant, tout n’est pas encore perdu à court terme. L’avenue « économiste » proposée par J.M. Aussant garderait tout son sens si, et seulement si, le gouvernement péquiste était majoritaire.
    Tôt ou tard, les indépendantistes devront « répondre », mais « répondre » sérieusement…au West Island. Toute autre avenue ne servira qu’à continuer une fuite en avant, et à maintenir la mauvaise spirale qui accable l’indépendantisme québécois depuis 1995.