Si l'on doit admettre les trois catégories créées pour le besoin de la démonstration qui est faite dans le [Manifeste pour un Québec pluraliste->25606], nous devrions tout au plus retenir ceci; ni la "laïcité identitaire", ni la "laïcité ouverte" ne sont à strictement parler cette véritable laïcité dont nous voudrions qu'elle fasse l'objet d'une charte. En ce sens, nous pourrions dire que, pour une fois, la nouvelle épithète trouvée par M. Weinstock et ses acolytes est juste; qualifier la laïcité de "stricte" n'est ni dénigrant, ni démagogique.
La "laïcité identitaire" rejette la religion des immigrants mais préserve les privilèges religieux catholiques opportunément qualifiés de "patrimoniaux".
Il s'agit alors effectivement d'un détournement ou d'une récupération identitaire de la laïcité. Que vaut une telle laïcité? Une société véritablement laïque pourrait-elle maintenir un enseignement de nature religieuse à prépondérance catholique dans ses écoles primaires et secondaires ? Est-il du ressort de l’école laïque d’accompagner le « cheminement spirituel » de l’élève en accaparant les ressources dédiées aux services complémentaires pour ce faire ? Une société laïque peut-elle permettre la récitation de prières lors de conseils municipaux ou tolérer qu’un symbole religieux domine son assemblée législative nationale ? Ne s’agit-il pas là d’énormes accommodements religieux ? Telles sont cependant les accommodements religieux que les promoteurs de la « laïcité identitaire» souhaitent voir perdurer sous prétexte de perpétuer une certaine conception, somme toute passéiste, certainement discriminatoire et inéquitable de l'identité culturelle des québécois.
D'autre part la "laïcité ouverte [aux accommodements religieux ]" est de fait "pluraliste" puisque qu'elle ne prône pas le maintient dans l'espace publique d'une seule religion, la catholique, mais d'une pluralité de religions.
Les religions sont inquiétantes lorsqu’elles manifestent des prétentions normatives et font des tentatives répétées pour réinvestir les champs de l’éthique, de la politique et de la justice. Les conservateurs religieux n’ont jamais renoncé à l’espoir de réinstaller les préceptes religieux en position de critère absolu du bien et rêvent toujours de reconquérir la position décisive occupée par les Droits de l’Homme depuis près de six décennies. Les conservateurs religieux se sont entichés du relativisme culturel lorsqu’ils ont découvert que cette conception de l’éthique met les pratiques religieuses à l’abri des critiques rationnelles à condition de lier irrémédiablement « culture » et « religion ». Bénéficiant d’un préjugé favorable à la diversité des expressions culturelles, certaines pratiques religieuses ne respectant pas la dignité humaine ou les lois civiles trouvent ainsi un semblant de légitimité. Cette pagaille conceptuelle permet aux religieux de confondre aisément les classes politiques et juridiques qui se croiront dans l’obligation, pour éviter d’être taxés d’intolérance, de prendre des décisions contraires aux fondements d’une société juste et démocratique.
Nous retrouvons plusieurs conservateurs religieux parmi les signataires de ce manifeste dont certains sont de fervents adeptes de la "laïcité identitaire". Cependant ceux-ci ont la prudence (ou la générosité ?!) de ne pas présenter les privilèges religieux qu'ils veulent à tout prix préserver au nom d'une certaine conception de l'identité "canadienne française catholique" comme une exclusivité réservée au seul peuple fondateur. Plus astucieux, (ou moins honnêtes que les tenants de la "laïcité identitaire"), ils laissent les immigrants passer devant pour mieux profiter, par derrière, de l'ouverture ainsi pratiquée. Ce sont de "fins stratèges dignes de la traditions des Jésuites", comme ils se plaisent à se qualifier eux-mêmes. Cette stratégie est cependant lourde de conséquences puisque une telle instrumentalisation des immigrants met ces derniers en porte-à-faux et par conséquent les expose à la vindicte identitaire des "non-immigrants" les plus «crispés».
***
Le Québec est pluraliste. C'est un constat. Il est donc futile de manifester pour que cela se réalise.
Le Québec est aussi une société moderne et démocratique. Les décisions publiques se prennent donc sur la base de considérations rationnelles et les finalités de ces décisions publiques sont humanistes.
L'article premier de la déclaration universelle des droits de l'homme se lit comme suit : «Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité.»
Ce principe, bien que «formulé abstraitement» par les philosophes rationalistes et humanistes, constitue le critère ultime permettant de juger les actions privées et publiques dans les sociétés modernes. Ce principe rend caduque tout précepte religieux ou pratique ancestrale qui ne rencontre pas cette exigence de respect mutuel de la dignité de tous les êtres humains.
Les accommodements religieux ont pour effet de réintroduire dans la sphère publique des sociétés modernes des considérations irrationnelles et aliénantes propres à faire régresser les acquis de la modernité. Les religieux ne reconnaissent toujours pas des droits pleins et entiers aux femmes, aux homosexuels et souvent même aux enfants. Les religieux contestent sans vergogne les faits scientifiques et font entrave à la création artistique.
Le débat sur la laïcité des institutions publiques est lié au processus de modernisation et de démocratisation des sociétés. Les problématiques de laïcisation des institutions publiques sont antérieures à l’immigration importante que le Québec connaît actuellement et par conséquent ne sont donc pas nécessairement liées aux phénomènes d’immigration ou de diversité ethnoculturelle. Le temps fort de la laïcisation (encore inachevée) des institutions publiques québécoise se situe autour des années 60. La société civile québécoise n’a donc pas attendu l’arrivée des dernières vagues d’immigration pour réclamer que les décisions médicales, l’administration de la justice et l’éducation soient indépendantes des dictats religieux.
Telle est la définition stricte de la laïcité à laquelle la société québécoise a adhéré au moment de réaliser les importantes et nécessaires réformes de la "révolution tranquille".
***
Le débat sur la laïcisation a cours dans tous les pays en voie de modernisation. Le débat sur la laïcité est universel ; ce débat aurait eu lieu au Québec sans l’apport de l’immigration et le débat sur la laïcité a lieu ou aura lieu dans toutes les sociétés d’où proviennent les immigrants. Il est donc tout à fait erroné de lier le débat sur les accommodements en matière de religion à l’immigration ou à la diversité ethnoculturelle.
Le Manifeste pour un Québec pluraliste est fondé sur l'a priori voulant que tous les immigrants soient contre la laïcité et ce faisant contre une gestion strictement rationnelle et résolument humaniste des institutions publiques. Cette perception erronée de l'immigrant est somme toute très condescendante en ce qu’elle suppose que l’immigrant est toujours en quelque sorte incapable d’avoir un recul réflexif sur les questions religieuses.
Loin de contribuer à éviter les dérapages racistes et xénophobes les déclarations alambiquées du Manifeste pour un Québec pluraliste sont au contraire susceptibles de nourrir le ressentiment de part et d'autre; les uns étant d'emblée taxés d'intolérance et les «autres» confinés à un rôle victimaire, maintenus dans un statu d'éternelle minorité*.
Le débat sur la laïcité des institutions publiques est un débat fondamental de philosophie politique qui interpelle tous les citoyens raisonnables au niveau des principes humanistes universels. L'enjeu de ce débat est le maintien, répétons-le, des principes fondamentaux de la modernité et de la démocratie.
Les intervenants qui font la part belle à l’éducation interculturelle et à l’idéologie du multiculturalisme (dont les intentions sous jacentes ne sont pas toujours louables) entraînent le débat sur les accommodements religieux dans une impasse et ne font que préparer un terrain politiquement miné pour les années à venir. L’éducation à la "tolérance mutuelle" et la gestion au «cas par cas» ne pourront jamais suffire à endiguer la volonté manifeste de plusieurs organisations religieuses, toutes confessions confondues, de réinvestir le champ politique.
Mais enfin, soyons clairs et allons à l'essentiel; le rôle de la laïcité authentique, cette laïcité qui ne souffre d'aucune récupération identitaire ou religieuse, est d'offrir un cadre constitutionnel et législatif permettant de prémunir les démocraties modernes contre le retour de la théocratie.
***
Marie-Michelle Poisson
*Le sens premier de cette expression selon le Petit Robert est "état d'une personne qui n'a pas encore atteint l'âge ou elle sera légalement considérée comme légalement capable et responsable de ses actes ( opposé à majorité)".
Un manifeste futile et alambiqué
Interculturalisme - subversion furtive, déniée (le progressisme a ses contraintes...)
Marie-Michelle Poisson37 articles
Professeure de philosophie Vice-présidente du Mouvement Laïque Québécois
Collège Ahuntsic, Montréal
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9 commentaires
Archives de Vigile Répondre
9 mars 2010Je souscris entièrement à vos propos monsieur Drouin. La religion est une démarche personnelle et privée. C'est la seule façon de clore le débat et de mettre fin une fois pour toute à la montée du communautarisme et la dérive identitaire.
Je trouve scandaleux la nouvelle que nous apprenons ce matin à l'effet que le gouvernement Charest finance des garderies coraniques à Laval. Je m'oppose avec véhémence à ce que les fonds publics servent à l'endoctrinement religieux.
IL NOUS FAUT DÉNONCER CELA FORTEMENT!
Jean Archambault Répondre
10 février 2010Ce manifeste se trompe sur l'essence même du port du foulard en tant que signe religieux. Pour ma part, je crois sincèrement que le port du foulard n'est qu'un signe d'oppression des femmes dans le monde arabe. Tout doit être replacé dans son contexte historique. L'idée du port du foulard dans nos sociétés modernes matérialise simplement la volonté POLITIQUE ET CULTURELLE des islamistes de refuser la société moderne basé d'abord sur l'égalité de droit entre les hommes et les femmes. Elle nie tout autant l'égalité entre les parents face à leurs enfants
Au Québec, en 1970, la puissance paternelle a été remplacée par la Loi sur l'autorité parentale qui donnait les mêmes droits au père et la mère concernant leurs enfants. Dans le monde arabe et aussi dans d'autres cultures, la puissance paternelle reste la base des règles qui régissent la famille. Regardons simplement le cas de cette femme québécoise qui ne peut quitter son mari avec ses enfants en Arabie Saoudite car la loi de ce pays donne au père un droit de véto puisque la prédominance de la puissance paternelle reste le concept central dans les relations entre les parents et celles entre les parents et les enfants.
Quarante ans plus tard, les notions d'autorité parentale et d'égalité entre homme et femme, acceptées par l'ensemble des Québécois, sont refusées ailleurs. Notre modernité heurte les courants traditionnels, d'où cette volonté de maintenir à tout prix cette puissance patriarcale. Nos beaux esprits pétris de multiculturalisme n'y ont vu que du feu.
Archives de Vigile Répondre
8 février 2010Ce «manifeste», n’en est pas au sens strict du terme. Un « manifeste » n’est ni verbeux ni phraseur, c’est court, incisif, tranchant. Le terme manifeste (du latin manus main, comme prendre par la main, convaincu de…) a donné par extension > manifestation > manifestant > manif.
Un « manifeste » c’est le coup de poing de Borduas contre entre autres le Clergé de son époque, l’indignation d’Émile Zola contre le Président de la République française, la colère de Russel et d’Einstein contre la guerre nucléaire. Rien de tout cela dans le « manifeste » pour un Québec pluraliste harnaché par Daniel Weinstock.
Tendancieux, abusif, la première phrase de la version courte commence ainsi : «Le débat sur l’identité prend un virage dangereux». Comme si nous étions au Québec au bord de la guerre civile!!!
De plus, les rédacteurs de cette pétition - car il s’agit bien d’une pétition et non d’un manifeste - devisent du « Québec profond » comme d’une tare, comme d’un nationalisme passéiste attardé sur ses origines (voir la version longue, Les valeurs communes, 2e paragraphe. Curieusement, on ne fait nulle mention «d’un Québec profond» dans la version courte reproduite par le Devoir). C’est comme si on voulait signifier l’insignifiance de 90% du territoire québécois. (Voir aussi http://desencyclopedie.wikia.com/wiki/Qu%C3%A9bec_profond )
Beaucoup de réserve donc quant au texte, et encore plus de doute sur les raisons des signataires à parapher sur ce qui semble une soupe aux cailloux.
Nicodème Camarda Répondre
8 février 2010Aberrant ce manifeste. On se croirait, au beau milieu d'un triangle «amoureux» et pour en être s’en est tout un ! Faut être complètement dépassé par les évènements pour signer ce genre de truc ou alors avoir une peur morbide de l’autre…
Je cite le manifeste :
[…S'il est essentiel de s'entendre sur la signification et la portée de la laïcité, l'interdiction pure et simple de toute manifestation d'appartenance religieuse NE RÉPOND À AUCUNE NECCESSITÉ SOCIALE. Une telle interdiction aurait un effet discriminatoire, car elle ne viserait que les croyants appartenant aux religions comportant des prescriptions vestimentaires ou alimentaires. Mais surtout, elle serait disproportionnée par rapport aux objectifs, notamment la neutralité des services publics.]
S’Il faut s’entendre moi je veux bien mais s’il faut expliquer la signification ou la portée de la laïcité à des universitaire de l’UQAM il y a comme un sérieux problème. Mais expliquez-moi, s’il vous plait, comment – après avoir signé un tel manifeste –peut-on prétendre que l'interdiction pure et simple de toute manifestation d'appartenance religieuse ne correspond à aucune nécessité sociale ? Ah que je suis bête ! J’oubliais ! ils veulent en débattre. Un accommodement ce serait bien ici. C’est comme les religions, une interdiction en vaut bien une autre non ?. Quant aux manifestations qui ne visent que la neutralité des services publiques on gonfle un peu fort la «balloune»; comme la grenouille qui voulait se faire plus grosse que le bœuf…
La dernière phrase du manifeste m’étonne :
[La recherche constante de cet ÉQUILIBRE honore le Québec et demeure la condition d'un authentique vivre-ensemble. Nous souhaitons qu'elle se perpétue.]
Bravo pour l’ÉQUILIBRE !
À en tomber en bas de sa CHAIRE.
Archives de Vigile Répondre
5 février 2010Madame Poisson
Je souscris entièrement à vos propos et désire vous soumettre l'opinion qui suit.
La laïcité signifie pour moi que les lois civiles démocratiquement votées sont les seules lois que les citoyens et citoyennes d'un pays doivent respecter. Ceci s'applique évidemment à une démocratie. Il en va autrement pour une théocratie.
À titre d'exemple je rappelle que longtemps au Québec le seul mariage qui avait force de loi était bien le mariage religieux.
Exemple parfait de collusion entre l'État et les religions. Évidemment la situation a changée depuis que nos politiciens et politiciennes élu(e)s ont fait adopter le mariage civil qui confère aux époux les mêmes droits et devoirs que le premier.
Dans mon esprit toujours, il semble exister en sous entendu que séparation de l'État des religions et laïcité vont de pair.
Ainsi nous pourrons reconnaître que le Québec est devenu État laïque lorsque nous pourrons affirmer que:
" Aucune religion ne peut imposer quoique ce soit à qui que ce soit et en d’aucun temps dans l’aréna de notre modèle du vivre ensemble.
" Tous obéissent à des lois communes, peu importe la religion de chacun »
"Plutôt que de demander à la société de se torturer à accommoder les religions il est beaucoup plus simple de demander aux religions d’accommoder leurs fidèles pour qu’ils puissent vivre en société"
"L’État et les religions étant séparés, les dons remis aux organismes religieux ne peuvent pas être utilisés par les donateurs pour obtenir des déductions fiscales."
"Les organismes religieux sont considérés comme entreprises aux yeux du ministère du Revenu."
En attendant, attendons, débattons, dialoguons, tournons en rond.
Et rappelons nous que quelque part au Québec, sur un mur de béton, un précurseur ou prohète a gravé au ciseau: "Vous êtes pas écoeurés de mourrir bande de caves."
André Drouin Hérouxville
Yves Claudé Répondre
4 février 2010Je comprends mal l’acharnement de Mme Poisson contre les brillants universitaires qui ont l’immense mérite de nous guider vers la noble voie du Pluralisme, et de nous prévenir contre l’égarement dans les funestes et étroits sentiers du « nationalisme conservateur » et de la « laïcité stricte ».
Le seul reproche que je ferais à ces détenteurs diplômés de la Sagesse et de la Lumière (pas de manants, de « culs terreux » et autres besogneux parmi eux !), c’est de ne pas avoir élargi leur Mission en lançant plutôt un « Manifeste pour la Vertu » !
Grâce à Mesdames Leydet et Milot, à Messieurs Bosset, Maclure et Weinstock, etc., je suis enfin sorti des Ténèbres ! Je sollicite très humblement de leur part, la bienveillante rémission de mes péchés « nationalistes » et « laïcistes ».
Yves Claudé – mal pensant repenti
Montréal, le 4 février 2010
ycsocio[@]yahoo.ca
Archives de Vigile Répondre
4 février 2010Votre réplique est intéressante et je me réjouis de vous voir répondre de belle façon à Daniel Weinstock et cie. Je me pose toutefois certaines questions et j'éprouve un certain malaise à vous lire. Je suis possiblement insuffisamment informé. La laïcité que vous défendez me semble un peu radicale et idéaliste dans le contexte actuel et je me demande si en pratique elle peut tenir la route. Enlever le crucifix de l'Assemblée nationale, je veux bien. Mais par quel symbole transcendant faudrait-il le remplacer ? Sous l'égide de quel symbole de fraternité rassembleuse et inspirante l'Assemblée nationale devrait-elle délibérer ? Que fait-on des églises qui encombrent le paysage, des oeuvres d'art religieux, des noms de rues et de villages qui rappellent le passé catholique des fondateurs ? On rebaptise (excusez le mot !) comme en Union soviétique pour faire table rase du passé ? Et je m'interroge sur ce que devraient être les rites de passage dans un État rigoureusement laïque. Par exemple, l'État devrait-il conserver la prétention d'unir les couples ? D'ailleurs, qui dit que le couple est la façon à privilégier pour lier les humains les uns aux autres ? Est-ce vraiment à un État laïc de trancher ? Et s'il le faisait, ce serait selon quelle morale, quels principes ? Le mariage constitue, selon moi, une institution privée dont les effets se prolongent dans l'espace public. La question n'est-elle pas un peu épineuse ? Dans un tel cas, est-ce la sphère privée qui devrait l'emporter sur la sphère publique ? Qui doit trancher lorsque des «individus» choisissent la polygamie ou la polyandrie plutôt que la monogamie comme mode d'union ? En quoi et jusqu'où un État laïc doit-il s'approprier le droit de dicter les choix privés ? Dans cet État canadien, qui reconnaît la suprématie de Dieu et de la Reine, ce sont les juges qu'on a investi de ce pouvoir. Dans un Québec libre de choisir les cadres de sa gouverne, qui tranchera et au nom de quoi ?
L'abandon de tout référent, de toute valeur transcendante m'inquiète un peu car, si je regarde en arrière, le recul de la foi religieuse (dans son acception la plus positive) a été remplacé par beaucoup de vide qui a eu tôt fait d'être comblé par l'adoration du veau d'or de la consommation à outrance. Or, dans le contexte de l'évacuation du patrimoine religieux catholique qu'on pourrait éventuellement éradiquer jusqu'à la racine, quels seront les valeurs assez puissantes pour cimenter une société pluraliste ? Les froides chartes et Déclarations des Droits de l'Homme (et de la laïcité) avec lesquelles tous les cultes religieux ne peuvent s'harmoniser pleinement, par ailleurs ? Ces abstractions ne sont-elles pas elles-mêmes un pur produit culturel de l'Occident chrétien ?
Je crains que votre combat se solde ultimement par la neutralisation des catholiques post-modernes, ceux qui, selon moi, seraient présentement les plus réceptifs à votre discours. Ces derniers, dont je suis, en dépit d'un abandon massif de la pratique du culte se reconnaissent dans les valeurs de la chrétienté au sens large (gréco-romain-chrétien-renaissance-révolution) et s'en inspirent toujours avec un naturel qui ne se feint pas. Ce sont eux qui ont le plus à perdre en renonçant à leur place dans le «marché» du religieux (Hélas !) et ce sont eux qui risquent de finir, à l'exemple des dindons de la farce, comme des laïcs post-chrétiens tissés serrés, peu pertinents, voire impuissants devant des fois religieuses militantes, réfractaires à la laïcité, déployant des ambitions universelles marquées et loin d'être prêtes à désarmer.
GV
Garcin Francine Répondre
4 février 2010Voici le lien avec un blog dont l'auteur aborde en sa qualité de néo québécois toute la question des accommodements autrement .
http://convergencesplurielles.blogspot.com/
Francine
Archives de Vigile Répondre
4 février 2010Merci Mme Poisson pour ce texte qui effectivement met les points sur les "i".
J'y souscris entièrement. Bravo !
J'espère que Mme Christianne Charette qui ce matin à invité ( et encencé ) Daniel Weinstock à son émission radiophonique, saura aussi vous inviter pour vous permettre de faire valoir votre très juste et excellent point de vue sur ce sujet.
Guy LeVasseur
Rimouski