C'était le jugement que l'on attendait. Le juge Claude Leblond a reconnu la culpabilité de Vincent Lacroix à toutes les accusations portées par l'Autorité des marchés financiers. Coupable 51 fois! À ce jugement exemplaire, il faut espérer que s'ajouteront des peines tout aussi exemplaires qui inciteront tous les fiduciaires qui gèrent les fonds de petits comme de grands investisseurs à la plus grande responsabilité.
Le jugement rendu hier n'est pas l'épilogue de l'affaire Norbourg. Les 9200 investisseurs qui ont été floués y trouveront un peu de justice, laquelle pourrait cependant ne jamais être totalement rendue. Ils n'auront la paix que lorsqu'ils recouvreront les 115 millions qu'on leur a volés par l'effet d'une fraude qui, dans de très nombreux cas, a brisé leur vie. Au surplus, ils verront possiblement l'ex-patron de Norbourg continuer de nier toute responsabilité et en appeler de sa condamnation.
L'Autorité des marchés financiers entend requérir une peine de prison et des amendes au nom de l'exemplarité pour dissuader d'autres gestionnaires de fonds d'imiter Vincent Lacroix. La peine encourue sera cependant relativement légère. En théorie, Lacroix pourrait être condamné à 255 ans de prison puisque les peines maximales de cinq ans moins un jour prévues pour chacun des
51 chefs d'accusation sont cumulables. Les accusations ayant été portées en vertu des dispositions de la Loi sur les valeurs mobilières, il serait étonnant que le juge Leblond inflige à l'ex-p.-d.g. de Norbourg une peine plus sévère que celle qu'il encourrait en vertu, cette fois, des dispositions du Code criminel.
Des poursuites criminelles devraient être engagées contre Vincent Lacroix. Elles serviraient à montrer qu'un crime économique n'est pas un simple délit, mais un crime tout aussi grave qu'un vol à main armée. Cela, les victimes de Lacroix le savent et le ressentent fort bien. La Gendarmerie royale du Canada a entrepris une enquête parallèle à celle de l'AMF qui ne semble pas aboutir. Vingt-huit mois après le début de l'affaire Norbourg, ce corps de police est totalement muet, tout comme il l'est dans d'autres causes de même nature. Pensons ici aux poursuites qui ne viennent toujours pas contre les participants au scandale des commandites. Choquant!
Beaucoup de reproches ont été faits à l'AMF pour n'avoir pas agi de façon préventive dans ce scandale. La conclusion de ce procès redorera quelque peu son blason puisqu'elle y a présenté une preuve magistrale. Il lui appartient maintenant de déployer tous les efforts possibles pour que les investisseurs floués retrouvent au moins une partie de leur argent. Des recours collectifs ont été entrepris qui dureront des années, sans garantie de résultats. N'y aurait-il pas une autre voie à suivre pour compenser ne serait-ce qu'en partie ces victimes?
Parmi les leçons à tirer de l'affaire Norbourg, il y a certainement la nécessité de mettre en place un mécanisme de protection. Le nombre d'épargnants détenant des fonds de placement n'a cessé de croître. Ils sont devenus des produits de consommation au même titre que bien d'autres. Les agences de voyage assurent les voyageurs contre les fraudes et les faillites. Pourquoi les sociétés de gestion de fonds collectifs ne feraient-elles pas de même? Ce ne sont pas les moyens qui leur manquent.
La multiplication des scandales financiers illustre la nécessité d'assurer une surveillance accrue pour protéger les épargnants. Le gouvernement du Québec déposera prochainement un projet de loi qui visera à renforcer les pouvoirs de l'AMF et à donner plus de mordant aux mécanismes de dissuasion. Tant mieux! Mais il ne s'agit pas tant de faire peur aux fraudeurs que de s'assurer que tous les intervenants du monde des placements arrivent à se concerter autour d'un seul objectif, celui de bien servir les intérêts des épargnants.
bdescoteaux@ledevoir.com
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