Avant même que l'expression ne voie le jour, le Canada a pratiqué le profilage ethnique sans aucun état d'âme. En furent victimes, notamment, les Canadiens d'origine japonaise qui furent dépouillés de leurs droits et de leurs biens pendant la Deuxième Guerre mondiale. Il y a eu aussi les Chinois, à qui on a imposé pendant 60 ans une taxe d'entrée, la fameuse «head tax». En principe, tout cela n'est plus possible, la Charte des droits et libertés interdisant depuis toute discrimination liée à «l'origine ethnique ou nationale». En principe... bien sûr!
Le cas des 24 employés de Bell Helicopter, à Mirabel, écartés de l'exécution d'un contrat militaire américain parce qu'ils détiennent une deuxième nationalité nous rappelle cette période disgracieuse. L'abus n'est pas aussi grave, mais la discrimination est patente et pourrait affecter de nombreux citoyens canadiens ayant une double nationalité et qui sont appelés à travailler à l'exécution de contrats comportant le transfert de données classées secrètes par l'armée américaine.
Les entreprises oeuvrant au Canada n'ont guère le choix de pratiquer une telle discrimination qui leur est imposée par l'International Traffic in Arms Regulation (ITAR). Ce règlement américain à portée extraterritoriale établit une liste noire de 26 nationalités. Un Canadien qui détient l'une d'elles se trouve exclu. L'employeur peut toujours demander une exemption, mais depuis un certain 11 septembre 2001 les États-Unis refusent systématiquement. C'est ce qui est arrivé pour les 24 employés de Bell Helicopter, qui doit fournir à l'armée américaine 368 hélicoptères.
Comme bien d'autres l'ont fait avant elle, l'entreprise de Mirabel a trouvé un accommodement en affectant ces employés à d'autres tâches. L'intention est appréciée, mais la discrimination demeure. Malgré l'article 16 de la Charte des droits qui est sans ambiguïtés, il y a des Canadiens qui sont moins Canadiens que d'autres. Même s'ils ont choisi de s'installer au Canada pour fuir un régime avec lequel ils étaient en désaccord (et que Washington combat par ailleurs), ils portent malgré eux le poids de leur nationalité d'origine, à laquelle souvent ils ne peuvent renoncer. Un droit ne serait donc pas toujours un droit?
Le gouvernement canadien essaie depuis de nombreuses années de convaincre Washington d'exempter les entreprises oeuvrant au Canada de ce règlement protectionniste qui limite leur capacité à obtenir des contrats militaires des États-Unis. Jean Chrétien n'a pas réussi et on peut croire que Stephen Harper ne fera pas mieux. À Washington, on s'en balance que la Charte des droits et libertés soit la loi fondamentale du Canada. Comment pourrait-il en être autrement quand l'actuel président américain multiplie les dénis de droits fondamentaux sur son propre territoire au nom de la sécurité? L'amitié entre ces deux pays, on le voit une autre fois, ne pèse pas lourd.
bdescoteaux@ledevoir.ca
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