Un don ou un devoir?

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Blais, le père punitif

Il était un peu surprenant d’entendre, jeudi dernier, le ministre Blais parler de l’Éducation comme d’un DON plutôt qu’un DEVOIR de la part d’une société à l’endroit de sa jeunesse. Un DON selon lui que, dans le contexte actuel, certains – entendre ceux qui ne « grèvent » pas – acceptent de recevoir et que d’autres – ceux qui « grèvent » – refusent. Ainsi, puisque qu’il s’agit d’un don, que voulez-vous que vienne faire là-dedans un droit de grève ? La boucle est bouclée.
Monsieur le ministre, chez qui, pour reprendre la formule de Josée Legault, « le jupon d’ex-recteur dépasse », n’a donc aucune intention d’encadrer le droit de grève étudiant, comme le lui demandent de nombreux acteurs, car ce droit, dans sa logique, n’existe pas. Il appuie sa certitude sur la présomption que nulle part au monde on ne trouve la trace de sa reconnaissance juridique. Qu’il soit acquis « de facto » depuis des décennies chez-nous, comme nous le rappelle la même Josée Legault après Serge Ménard*, ne compte pas. Et si nous étions les premiers, monsieur le ministre, à le reconnaître ? Vous n’y tenez pas bien sûr.
Ce changement de dénomination – le « don » de l’éducation, plutôt que le « devoir » – semble être passé inaperçu mais il est loin d’être anodin puisqu’il supporte la logique du ministre et, sans doute, celle de son gouvernement.
C’est une logique qui se tient, hélas, et qui, à d’autres niveaux, fait peur : un don est un don, on peut l’offrir ou pas. Comme une aumône. Ou, plus fondamentalement, comme celui de la vie. À la limite, la logique pourrait s’appliquer à tous les programmes sociaux. Ce sont des dons, des gentillesses, des bontés que l’on pourrait bien décider de retirer ou de restreindre. En ce sens, l’appellation État-providence fait un peu problème puisque le mot Providence a pris aussi le sens de Bonté divine. Ne devrait-on pas parler plutôt d’un État socialement responsable et redevable envers ses citoyens plutôt qu’envers ses amis ? Qui remplit ses devoirs plutôt que de distribuer ses cadeaux ?
Car, de fait, dans cette logique, si ce n’est plus un devoir pour l’un, ce n’est donc plus vraiment un droit pour l’autre.
Heureusement, le droit à l’Éducation fait bel et bien partie des droits universels de la personne. Et les opposants à la grève n’hésitent pas à s’en réclamer. Mais, il ne s’agit pas d’un cadeau, comme le ministre a choisi d’en parler. Bien sûr, il parlait d’éducation supérieure mais le terme y a encore plus de quoi surprendre. D’autant plus que, rendu là, il ne s’agit vraiment pas d’un cadeau. Les étudiant.es – surtout universitaires – gagnent bel et bien leur « instruction » et leur diplôme, malgré que l’État en assume une importante part. Donnant, donnant. Surtout que les diplômés remettent ensuite en compétence et en expertises ce qu’ils ont reçu, et ce leur vie durant. Alors…
On pouvait remarquer aussi, M. Blais, qu’avec la même propension au don, vous dotiez le recteur de l’UQUAM de la possession de SON université – « VOTRE université » lui disiez-vous… Et ce, bien sûr, en l’appuyant sans réserve et en l’encourageant à se conduire avec SES étudiants comme avec des enfants. Pour parler ainsi, il faut bien que, du temps où vous étiez recteur, vous ayiez franchement confondu ce rôle avec celui d’un « chef de famille », comme en témoignaient vos récents propos de ministre. Ce n’est donc pas seulement votre « jupon de recteur » qui dépasse mais celui du père punitif aussi… Peut-être M. Couillard devrait-il revoir attentivement avec vous le rôle, MAJEUR dans notre société, qu’il vous a confié ? Il avait négligé de le faire avec votre prédécesseur, son confrère médecin qui pensait que l’appauvrissement des bibliothèques scolaires ne ferait pas mourir les élèves et, vous connaissez la suite… Heureusement, vous avez commencé hier à parler de « dialogue ». Sera-ce d’égal à égal ? On verra…


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