Trudeau en Inde: un voyage diplomatique qui tourne au fiasco

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Une catastrophe diplomatique

Déjà critiqué pour son manque de substance et plombé par un accueil tiède du gouvernement, le voyage de Justin Trudeau a dérapé encore davantage après qu’un ancien extrémiste sikh eut été invité à une réception officielle.


« Ce déplacement-là est un fiasco », a affirmé sans détour Louis Aucoin, stratège en communication et président de la firme de relations publiques Tesla RP.


Selon lui, la tuile s’ajoute à un voyage « improvisé » durant lequel le bureau du premier ministre a choisi de miser sur les photos de famille, critiquées d’ailleurs pour leur forte utilisation d’habits traditionnels, « sans avoir autre chose à offrir ».


La presse internationale a largement rapporté comment le premier ministre indien Narendra Modi avait « snobé » Justin Trudeau en ne l’accueillant pas à l’aéroport. L’incident de l’invitation a soulevé un tollé dans les médias indiens jeudi, où cette proximité entre M. Trudeau avec Jaspal Atwal, ancien membre d’un groupe terroriste, a été sévèrement critiquée.


« C’est le signal que la lune de miel internationale de Justin Trudeau commence à s’estomper », a jugé M. Aucoin. 


L’enjeu du nationalisme sikh est une épine dans le pied du gouvernement fédéral depuis le début du voyage.


Alors que la controverse battait son plein, le premier ministre Justin Trudeau, son épouse Sophie Grégoire Trudeau et leurs enfants Xavier, Ella-Grace et Hadrien (à droite) ont visité hier une des plus imposantes mosquées de l’Inde, à New Delhi.


Une Inde « unie et forte »


Mercredi, lors d’une réunion avec le ministre en chef du Pendjab, Justin Trudeau a été obligé de réitérer le soutien du Canada envers une Inde « unie et forte ».


Le ministre Amarinder Singh accusait depuis quelque temps les ministres sikhs du gouvernement Trudeau de complaisance envers les nationalistes qui militent pour la création de l’État du Khalistan.


« Ça va faire du tort. Et ça nuit à la visite bien plus que les critiques sur les photos en costumes traditionnels », a commenté l’ancien haut-commissaire du Canada au Pakistan, Ferry de Kerckhove. 


Considérant que la relation entre l’Inde et le Canada avait déjà besoin de raccommodage, l’impair va renforcer les appréhensions de Narendra Modi sur la question sikhe, selon lui.


« Le premier ministre a besoin de resserrer sa performance diplomatique », a évalué M. de Kerckhove.


Les deux homologues devaient se rencontrer durant la nuit de jeudi à vendredi, heure de Montréal.


« Cauchemar consulaire »


Selon le spécialiste en défense nationale Joe Varner, l’incident compromet le Canada tant au niveau de la communauté internationale qu’aux yeux de futurs partenaires économiques.


« C’est un cauchemar consulaire », a indiqué le conseiller de l’ex-ministre fédéral Peter MacKay.


D’autres intervenants doutent des répercussions potentielles de l’affaire à long terme.


« C’est très embarrassant, mais les relations diplomatiques vont au-delà d’une telle maladresse », a constaté l’ancien diplomate canadien Daniel Caron.


Le premier ministre a reçu une centaine d’invités à la représentation diplomatique du Canada en Inde, encore vêtu d’habits traditionnels. Toutefois, ce qui a retenu l’attention des convives est plutôt son talent de danseur, selon qu’on peut lire sur les réseaux sociaux.



LA GESTION DE LA SÉCURITÉ DU PM TRAITÉE D’AMATRICE


Amateur, voire incompétent. L’entourage du premier ministre est vivement critiqué après qu’un extrémiste condamné pour tentative d’assassinat a été invité à assister à un dîner d’honneur avec Justin Trudeau en Inde.


« Il y a un certain amateurisme et un traitement très cavalier de la sécurité du premier ministre [...] Au bout du compte, il y a quelqu’un dans le Bureau du premier ministre qui n’a pas fait sa job », analyse l’ex-employé au Service canadien du renseignement de sécurité, Michel Juneau-Katsuya. Son analyse est partagée par cinq experts en sécurité nationale ou en relations internationales consultés par Le Journal.


Annulation


Mercredi soir, le Bureau du premier ministre (BPM) a annulé in extremisl’invitation de Jaspal Atwal à une soirée organisée par le Haut-commissariat canadien à New Delhi. Sa présence avait même été recommandée par le député libéral Randeep Sarai.


La journée précédente, M. Atwal avait participé à une soirée où il avait été pris en photo accompagné de Sophie Grégoire Trudeau. Or, cet homme était un séparatiste extrémiste sikh qui a été condamné à 20 ans de prison en 1986 pour la tentative d’assassinat d’un ministre indien lors d’une visite au Canada.


L’histoire a plongé M. Trudeau dans une controverse diplomatique. Le PM s’est rapidement excusé tout en retirant l’invitation. L’opposition conservatrice réclame une enquête en bonne et due forme.


« Si les employés du BPM et le député qui a recommandé l’invitation n’ont pas fait une vérification au préalable, alors ils ont fait une faute d’omission. S’ils connaissaient le passé de cet homme, mais l’ont tout de même invité au souper, c’est carrément de l’incompétence », analyse Carl Vallée, ancien membre du BPM sous Stephen Harper.


Faire plus attention


Selon M. Juneau-Katsuya, M. Trudeau est loin d’être le premier politicien canadien à être vu en compagnie des mauvaises personnes. Il croit toutefois que les élus ont tout intérêt à faire beaucoup plus attention aux gens qu’ils acceptent de côtoyer.


« Les élus doivent absolument faire plus attention. Ne vous laissez pas transporter comme des valises par les membres de communautés dans vos districts [...] Toute la saga de M. Atwal aurait pu être évitée grâce à une simple recherche sur Google », avertit-il.


Pour sa part, une source gouvernementale indique qu’aucun pays dans le monde n’est capable de filtrer chaque personne qui se trouve sur une liste de convives. Pour l’événement en question, il y avait 1000 invités, dit-elle.


« M. Atwal s’est rendu lui-même en Inde et le gouvernement du Canada n’a pas fait d’efforts pour qu’il soit présent », a ajouté la source. Selon elle, son invitation a été retirée pour des raisons politiques et non pas de sécurité.


– Avec Olivier Charbonneau


JUSTIN TRUDEAU RECONNAÎT SA FAUTE


Justin Trudeau a reconnu jeudi que Jaspal Atwal n’aurait « jamais dû être convié » à un dîner qu’il présidait à New Delhi, en Inde, mercredi.


« Nous prenons cette situation extrêmement au sérieux », a déclaré le premier ministre canadien à sa sortie d’une conférence d’affaires dans la capitale indienne.


Jaspal Atwal avait été condamné à 20 ans de prison pour la tentative d’assassinat en 1986, au Canada, d’un homme politique indien dans le cadre de la lutte séparatiste au Pendjab, selon des médias indiens et canadiens.


Le parlementaire à l’origine de cette invitation « a assumé et assumera la complète responsabilité de ses actions », a ajusté Justin Trudeau.



QUI EST JASPAL ATWAL ?



CAPTURE D'ÉCRAN


Cette photo montrant Sophie Trudeau et Jaspal Atwal a circulé sur le web jeudi.



  • Un Indo-Canadien qui réside en Colombie-Britannique.

  • Il a déjà été un membre actif de la Fédération internationale de la jeunesse sikhe, une organisation armée prônant l’indépendance de la région indienne du Pendjab. Elle est considérée comme terroriste au Canada et en Inde.

  • Il a été jugé coupable en 1986 d’avoir tenté de tuer un ministre indien en visite au Canada. 

  • Un an plus tôt, il avait dû répondre à des accusations criminelles après avoir attaqué Ujjal Dosanjh, qui est devenu par la suite le premier ministre de la Colombie-Britannique. Il avait été acquitté dans cette affaire. 

  • Il a été trouvé coupable en 2010 d’avoir participé à un réseau de revente de voitures volées.

  • Il dit maintenant travailler dans les médias.

  • Plusieurs photos montrant M. Atwal dans des événements du Parti libéral du Canada ont circulé sur les réseaux sociaux jeudi.


Sources : AFP, CBC, gouvernement du Canada



CHEF CUISINIER


Le gouvernement de Justin Trudeau a invité, toutes dépenses payées, un chef cuisinier canadien d’origine indienne pour concocter un repas au Haut-commissariat du Canada en Inde, pendant son séjour. Vikram Vij, un militant libéral de longue date, a fait les 14 heures de vol avec l’entourage du premier ministre pour être derrière les fourneaux lors d’une soirée privée, a rapporté le réseau CTV News. Le Bureau du premier ministre s’est défendu en disant qu’il est coutume d’inviter des chefs lors de missions à l’étranger pour mettre en valeur les produits canadiens. M. Vij est une sommité de la cuisine indienne au Canada.