Tout près du but

Chronique de Patrice Boileau

Le projet de loi sur la citoyenneté québécoise proposé par le Parti québécois la semaine dernière a suscité de vives discussions au Québec. Certes il n’est pas parfait. Il contredit même certains principes onusiens auxquels l’Assemblée nationale a adhéré. Ce qui n’est pas rien. Reste que les Québécois s’y intéressent. En peaufinant le tout, le PQ pourrait enclencher un processus de réflexion dans la société civile qui raviverait l’intérêt pour son article 1.
Car, au contraire de ce que pense la chroniqueure Chantal Hébert dans l’édition du Devoir du lundi 29 octobre dernier, la langue française constitue un enjeu fondamental dans le débat concernant les accommodements raisonnables. Il est vrai que la mise sur pied de la Commission Bouchard-Taylor découle grandement des effets qu’ont provoqués les attentats du 11 septembre 2001, comme le relate l’analyste dans le même article. Le désir d’accroître le sentiment de sécurité à l’intérieur de leurs frontières préoccupe dorénavant les nations. Ainsi, en amenant les nouveaux arrivants à se fondre davantage dans le groupe majoritaire d’un État, il est possible de diminuer les risques de tension.
Voilà pourquoi la protection de la langue française ne peut être soustraite des discussions qui animent présentement le Québec. Le Parti québécois doit plus que jamais convaincre la population de faire pression sur le gouvernement Charest. Des mécanismes efficaces doivent en effet être adoptés pour que ceux qui choisissent le Québec comme terre d’accueil épousent simultanément les us et coutumes de la majorité. Et seule l’usage de langue française représente l’outil inclusif qui peut les aider à y arriver.
En éliminant les irritants susceptibles de multiplier les contestations juridiques, le projet de loi péquiste sur l’identité québécoise peut devenir un motif valable pour faire tomber le gouvernement. Le PQ a intérêt de retirer les « sanctions démocratiques » qui nuisent présentement à son dessein. Peut-être pourrait-il remplacer le tout en ramenant son idée d’étendre l’obligation d’étudier en français au réseau collégial. Un séjour prolongé dans le monde de l’éducation francophone ne peut qu’aider par la suite à la francisation des entreprises. Qui s’objectera à cela, si le monde du travail au Québec devait devenir moins anglophone, alors que ce n’est pas le cas présentement?
Les troupes de Pauline Marois peuvent également ajouter un élément hautement historique à leur projet de loi. Pourquoi en effet ne pas proposer qu’il soit adopté à temps, en 2008, pour mieux honorer la mémoire des fondateurs du premier établissement permanent qui aura 400 ans l’année prochaine? Quiconque s’objectera à cet échéancier symbolique ne mérite pas de gouverner le Québec. Voilà donc une autre raison pour défaire le gouvernement libéral. Même Mario Dumont ne pourra s’en tirer indemne cette fois, s’il ne participe pas à sa chute.
Radier les articles qui ouvrent la porte à des contestations devant les tribunaux rendra le projet de loi du Parti québécois moins suspect. Certains interprèteront ce geste comme un recul. Reste que si d’autres mécanismes qui évitent les querelles juridiques sont ajoutés, le PQ peut espérer gagner la confiance de plus de Québécois. Suffisamment pour défaire légitimement le gouvernement de Jean Charest à qui on reprochera son manque de patriotisme envers la nation qu’il dit pourtant vouloir servir.
Il sera toujours possible, durant la campagne électorale, de rappeler aux Québécois que la meilleure façon d’intégrer les nouveaux arrivants à la famille est la souveraineté. Et qu’il n’est pas interdit de s’offrir ce superbe cadeau, alors que la visite sera nombreuse à la maison l’année prochaine, pour célébrer un anniversaire important…
Patrice Boileau



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4 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    31 octobre 2007

    Afin de ne pas détourner la discussion initiée par la chronique de M. Boileau, je me limiterai, en réponse à M. Bousquet, à formuler un bref commentaire sur le projet de coalition entre partis politiques en regard de l’appui au projet de pays. Un pacte entre partis politiques démontrerait que la volonté d’indépendance est partagée par des citoyens de toutes tendances idéologiques, initierait un débat sur cette question pendant la campagne et, par la suite, à l’Assemblée nationale et offrirait un espace de mobilisation pour de nombreux militants. Selon moi, ces trois facteurs permettraient d’augmenter l’appui de manière significative. J’ai développé ces idées dans un texte publié l’an passé.

  • Archives de Vigile Répondre

    31 octobre 2007

    Le sondage Crop-La Presse tenu entre le 18 et le 28 octobre démontre 37 % d'intentions de voter en faveur de la souveraineté, 37 % en faveur de PQ et 37 % en faveur du Bloc ce qui est très logique. Les derniers sondages précédents du printemps sur la souveraineté-association était à 42 %. Ça voudrait dire que, quand on ajoute l'association, on gagne 5 % de plus...point.
    Fait que, ce n,est pas en ajoutant d'autres partis indépendantistes ni en promettant de faire l'indépendance si le PQ serait élu qui va faire pousser la souveraineté plus vite. Ça va prendre, au contraire, le chemin tracé par Mme Marois : Convaincre et passer à l'acte quand un assez grand nombre de Québécois seront convaincus des bienfaits de la souveraineté si jamais ça arrive.
    Entre-temps, le projet de constitution et de nationalité québécoise est probablement le plus loin que les Québécois vont permettre nos dirigeants d'aller. Ça prendrait probablement l'accord du PQ et de l'ADQ pour le réussir pendant que le PLQ est au pouvoir.
    Si le PQ et l'ADQ ne réussissent pas à collaborer, le PLQ pourrait bien gagner une troisième fois de suite la prochaine élection.

  • Archives de Vigile Répondre

    31 octobre 2007

    Je suis entièrement en accord avec vous lorsque vous proposez que le PQ utilise la prochaine campagne électorale pour faire la promotion de l’indépendance. J’irais même plus loin : pourquoi ne pas proposer un projet de pays (reprenant certaines idées des projets de loi déposés ou sous une nouvelle forme) comme plate-forme électorale?
    Ces deux projets de loi contiennent des principes intéressants à mes yeux, hormis quelques maladresses et certaines ratées dans l’articulation d’une citoyenneté québécoise réellement inclusive. En contrepartie, ils sont grandement limitatifs en ce sens qu’ils positionnent la démarche du PQ à l’intérieur du cadre politique canadien et ne peuvent être considérés que comme un pis-aller à l’indépendance. Ce début de mobilisation autour de l’idée de citoyenneté québécoise devrait être canalisé au sein d’un véhicule permettant l’accession du Québec à l’indépendance. L’idée qu’une coalition de partis politiques soumette à l’électorat un projet de pays lors d’une élection provinciale, projet de pays actualisable avec un appui majoritaire (50 %+ 1), me paraît porteuse d’avenir.
    Claude Bariteau, dans un article récent, suggère aux promoteurs du pays de s’inscrire dans cette voie « […] si tant est qu’ils privilégient la création du pays au repli identitaire, définissent leur démarche dans le cadre des règles démocratiques et entendent œuvrer sur l’essentiel sans faire fi des projets sociaux qui les animent, c’est-à-dire en s’animant à l’intérieur d’un pacte ou autrement pour sortir de la prison provinciale et instituer un État de droit à l’image et dans le respect de l’ensemble des futurs citoyens du Québec. ».

  • Archives de Vigile Répondre

    31 octobre 2007

    L'ADQ a aussi dans son programme la mise en place de la constitution et de la citoyenneté québécoise. Est-ce que ce parti va présenter prochainement ses projets aux Québécois pour qu'ils puissent voir ce qu'ils ont de différents de ceux de Mme Marois et aussi servir de base à une négociation PQ-ADQ pour qu'ils puissent présenter un projet de loi conjoint à notre Assemblée nationale pour 2008 comme vous le suggérez ?
    Probablement NON, considérant la nature humaine et politique et les jeux de pouvoir.
    Si, par contre, l'ADQ prend le pouvoir et se butte au mur fédéral pour son option autonomiste "principalement pour la collecte par le Québec de tous les taxes et impôts", il y a une bonne chance que les Adéquistes deviennent souverainistes par dépit mais, s'ils réussissent, la souveraineté va être reportée aux calendes grecques...minimum. Temps présent intéressant pour voir les développements.