MARQUES DE COMMERCE

Touchez à la loi 101

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{{Vite ! Pendant qu'il est encore temps !}}

Philippe Couillard a eu beau affirmer pendant la campagne que sur le plan linguistique, le Québec a atteint l’«équilibre», de récentes décisions juridiques, dont le dernier jugement de la Cour supérieure sur la question de l’affichage des marques de commerce, devraient l’amener à reconsidérer cette conclusion. Et à légiférer, comme le suggère la Cour, afin de moderniser la Charte de la langue française.

Le jugement de la Cour supérieure en matière d’affichage des marques de commerce est tombé le 9 avril. Les esprits sceptiques ou portés sur les théories du complot l’auront remarqué : c’est deux jours après le scrutin. La date avait été fixée depuis longtemps, répondra-t-on. N’empêche, le contenu du jugement aurait sans doute attiré l’attention en pleine campagne électorale québécoise, où Philippe Couillard n’a montré aucune sensibilité à l’égard de l’importance du français (il s’en est même excusé quelques heures avant l’élection). Ce jugement déclare en effet que les entreprises dont la marque de commerce est enregistrée uniquement dans une autre langue que le français peuvent l’afficher seule. Ainsi, Best Buy, Costco Wholesale, Gap, Guess?, Wal-Mart, Toys ‘R’us et Curves ont réussi faire déclarer légale leur pratique de n’afficher que des mots anglais au fronton de leurs magasins.

Il faut dire que pendant plusieurs années, l’Office de la langue française a toléré cette pratique. C’est en 2011, devant la multiplication des cas, qu’il a, de manière légitime, tenté la sensibilisation ; puis a conclu qu’il lui fallait sanctionner certains commerces. Plusieurs entreprises fautives ont alors montré de la bonne volonté. Exemples : Second Cup a ajouté le générique « Les cafés » sur ses affiches. D’autres chaînes ont choisi, en guise de générique, un slogan permanent : « Michaels » ne se présentant jamais sans « tout pour vos projets créatifs ». Target ? « Trouvez mieux, payez moins ». Selon des sources, même Best Buy a failli s’entendre avec l’OQLF, mais le Conseil canadien du commerce de détail l’a finalement convaincu de se joindre à sa croisade…

De nombreux observateurs ricaneront encore devant ce travail de l’OQLF. De nos jours, tout ce qu’il exige pour préserver le caractère français du Québec leur apparaît risible. Se prétendant très cosmopolites et « ouverts à la diversité » (bref, à l’uniformité anglophone !), ils résument l’ensemble de ces protections à l’épisode déplorable du « pastagate ». Bien sûr, l’avenir du français au Québec ne tient pas aux génériques que l’on réussira ou non à imposer devant des noms de magasin. Il reste que le français langue minoritaire sur ce continent a besoin d’un ensemble de mesures (dont celle des génériques) afin de se maintenir en cette ère mondialisée.

La Cour supérieure, dans le cas qui nous occupe, conclut que la tolérance dont a fait preuve l’OQLF pendant des années confirme une certaine interprétation des grands magasins. Ce n’est pas « au Tribunal qu’il revient de changer maintenant le cours des choses par la magie d’un jugement déclaratoire », écrit-elle pertinemment. Non, « c’est au législateur québécois qu’il appartient de montrer la voie s’il estime que le visage linguistique français du Québec souffre d’une vague […] de marques de commerce de langue anglaise dans l’affichage public ».

Cette déferlante est indéniable, d’une part. D’autre part, que des marques de commerce ne s’affichent qu’en anglais viole l’esprit de « l’équilibre » établi en 1993 par Claude Ryan et le Parti libéral ; en somme, la notion de « nette prédominance » du français. Et c’est pourquoi les libéraux aujourd’hui au pouvoir devraient regarder la nouvelle donne linguistique et resserrer la loi 101 en ces matières.


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