Totalement canadien

17. Actualité archives 2007



Le premier ministre Stephen Harper doit être plus que préoccupé par le fait que les Américains viennent dicter qui a le droit ou non de travailler dans les entreprises canadiennes. Il doit redoubler d'ardeur pour bien faire comprendre aux États-Unis qu'il n'y a pas deux catégories de citoyens au Canada.
En quelques jours, trois cas révèlent que la Charte canadienne des droits et libertés est enfreinte par des règles américaines, dont l'International Traffic in Arms Regulation (ITAR). Ce règlement dresse la liste de 26 pays dont les ressortissants n'ont pas le droit d'être impliqués dans la conception d'armes militaires stratégiques.
Résultat ? Des entreprises canadiennes, qui ont obtenu des contrats avec les États-Unis, doivent mettre des employés à l'écart s'ils veulent continuer de faire des affaires avec le puissant voisin.
Vingt-quatre employés de Bell Helicopter, à Mirabel, subissent l'effet de l'ITAR parce qu'ils ont une double nationalité. Certains ont beau être citoyens canadiens depuis 20 ans et être de compétents et doués employés, ils sont exclus parce qu'ils sont d'une origine suspecte aux yeux des Américains.
General Dynamics, une multinationale qui a acheté l'an dernier SNC Technologies au Québec, exige pour sa part que les camionneurs chargés de transporter leurs produits soient de nationalité américaine. Rien de moins.
Notre imposant voisin s'immisce aussi dans notre réseau bancaire. Radio-Canada rapportait lundi que la Banque Royale refuse aux citoyens de six pays ( Cuba, Corée du Nord, Iran, Irak, Soudan et Myanmar ) de détenir un compte en dollars américains dans leurs institutions, suivant ainsi une règle états-unienne. Conséquence ? Certains citoyens canadiens peuvent posséder un compte en dollars américains dans des banques canadiennes, et d'autres non, parce qu'ils sont jugés douteux par les Américains. C'est carrément du profilage ethnique fait au nom de la sécurité.
Le Canada ne peut accepter ainsi de voir bafouer sa Charte des droits et libertés. Si nous estimons ici que tous les citoyens sont égaux, nous ne pouvons accepter que le voisin, soit-il un important partenaire économique, écarte ce principe sur notre territoire, selon ses caprices et ses préjugés. Les États-Unis n'ont pas à intervenir dans les politiques d'embauche ou les pratiques commerciales du Canada en présumant que tel citoyen a un potentiel de terroriste ou de voleur de secrets industriels plus élevé qu'un autre.
Il faut éviter de fermer les yeux sur la mainmise américaine, de crainte de nuire aux relations d'affaires entre les deux pays. À long terme, notre résignation pourrait nous jouer de mauvais tours.
Le Canada compte en effet sur l'immigration pour compenser le vieillissement de sa population et son faible taux de natalité, et pour combler ses pénuries de main-d'oeuvre spécialisée. Il ne sera plus une terre d'accueil attrayante si les immigrants de certains pays savent qu'ils seront considérés ici comme des citoyens de seconde zone. Ils s'installeront ailleurs.
L'exclusion et la ghettoïsation de certains immigrants risquent aussi de nuire à l'harmonie du pays. Le Canada a toujours valorisé la diversité ethnique et culturelle. Il a toujours veillé à ce que tous, Canadiens de souche ou d'adoption, puissent exercer leurs libertés et leurs droits dans le respect de nos valeurs fondamentales.
Jusqu'à maintenant cette approche a bien servi le Canada. Il n'y a pas ici de clivage. Les jeunes immigrants savent qu'ils ont un avenir au Canada. L'intégration et la cohabitation des uns et des autres sont réussies. Elles ne doivent pas être menacées par une intervention abusive de la part des États-Unis.
bbreton@lesoleil.com


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