Tarification des services: pour mettre fin à la «culture de la gratuité»

Rapport Montmarquette

«La tarification n’est pas un impôt déguisé, a plaidé jeudi l’économiste Claude Montmarquette (à droite) en rendant public ce document commandé par la ministre des Finances. (Le Soleil Erick Labbé)

Martin Pelchat - Indexation des tarifs de garderie, hausse de 34% de la facture d’électricité, droits d’immatriculation modulés sur le kilométrage parcouru, péages, tarification de l’eau au compteur, rattrapage des droits de scolarité universitaires: le rapport Montmarquette appelle à un virage majeur, jugeant qu’il y a urgence à mettre fin à la «sous-tarification» et à la «culture de la gratuité» au Québec.

«La tarification n’est pas un impôt déguisé, a plaidé jeudi l’économiste Claude Montmarquette en rendant public ce document commandé par la ministre des Finances. Au contraire, elle représente un instrument irremplaçable pour envoyer le bon signal. Lorsqu’elle s’applique à nos ressources, elle évite la surconsommation et le gaspillage (...). Globalement, elle permet de mieux financer les services publics tout en permettant une réduction à terme de la pression fiscale.»
Le Québec tarife moins que les autres provinces et le fait très mal, conclut le groupe de travail, auquel appartenait aussi l’ex-ministre péquiste Joseph Facal. Québec récolte 22 milliards$ par an en tarifant, mais ce sont 5 milliards $ de plus, soit 651 $ par habitant, qu’il percevrait s’il tarifait autant que le font les autres provinces, souligne le groupe. L’écart se vérifie également dans les municipalités, qui auraient perçu 576 millions $ de plus en tarifs en 2006 si elles avaient suivi la moyenne des villes canadiennes.
Plutôt que de fixer des tarifs «artificiellement bas» pour tous et d’ainsi subventionner par la bande les plus fortunés, poursuit le groupe de travail, vaut mieux imposer un prix reflétant les coûts réels et en contrepartie aider directement les ménages à faible revenu, en ajustant par exemple l’aide sociale ou des crédits d’impôts si on hausse les tarifs d’électricité.
Ou en bonifiant le régime de prêts et bourses tout en relevant le plafond des droits de scolarité, comme le souhaite le rapport. Le Québec percevait 2519 $ par étudiant en 2007. En rejoignant la moyenne canadienne de 5000 $, ce sont 415 millions $ de plus que recevraient les universités, dont 115 millions $ pourraient aller en bourses aux étudiants de milieux défavorisés, soumet le groupe.
Dans l’application de la tarification, une bonne partie de l’appareil public «manque de rigueur» et le processus de définition des tarifs se caractérise généralement par sa «grande opacité», dénonce encore le groupe, qui recommande l’adoption d’une loi-cadre fixant les balises.
Électricité
Le rapport constate que depuis 10 ans, la plupart des tarifs exigés au Québec pour des services publics ont augmenté moins rapidement que l’inflation. Pendant que l’IPC croissait de près de 20 %, les tarifs d’électricité ont augmenté de 13,5 % et les droits de scolarité de 3 %.
Les Québécois sont parmi les plus grands consommateurs d’électricité au monde, étant presque deux fois plus gourmands que les autres Canadiens, souligne le rapport. «À l’exclusion des taxes, les Albertains paient leur essence plus cher que les Montréalais, malgré l’abondance de la ressource chez eux», note M. Montmarquette. Le rapport juge qu’il serait «plus efficace» de vendre l’électricité sur notre marché à un prix comparable à nos voisins. Au prix moyen canadien, qui est 34 % plus élevé, Hydro récolterait 2 milliards $ de plus. La consommation, selon les projections du groupe, en serait réduite de 3,6 Tw/h, qui, vendus à l’exportation, rapporteraient 300 millions$. «La rente jusqu’ici versée aux consommateurs serait transférée à l’actionnaire, c’est-à-dire le contribuable.»
Pour mettre fin au gaspillage de l’eau, le rapport recommande un programme sur 10 ans d’installation de compteurs. Une «Régie de l’eau» réglementerait la tarification, basée notamment sur les coûts de production et de remplacement des réseaux d’aqueducs désuets.
Afin d’assurer de nouvelles sources de financement pour la rénovation d’infrastructures routières à bout de souffle, les auteurs recommandent une révision des tarifs aux automobilistes. À condition qu’existe une voie alternative et, autant que possible, toute nouvelle infrastructure devrait être à péage. De plus, le gouvernement doit envisager de moduler les droits d’immatriculation en fonction du kilométrage parcouru par les automobilistes, soumet le groupe. Il l’encourage aussi à suivre l’exemple de Londres et à examiner un péage autour de l’agglomération montréalaise.
Le rapport recommande enfin que les droits sur les permis et l’immatriculation soient versés dans un fonds de conservation et d’amélioration du réseau routier, pour en finir avec les «détournements». Car ses auteurs déplorent que les droits et taxes reliés à l’utilisation de l’auto, qui totalisent 2,5 milliards $, ne servent pas directement à financer le réseau, pour lequel on a dépensé 1,5 milliard $ en 2006-2007.


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