(rappel)

Sur le Québec, ils n'ont plus de pensée

UN PROBLEME posé contre la vérité des choses ne se règle jamais et l'on s'épuise interminablement à en rechercher les solutions. Celles qu'on prétend avoir trouvées font immanquablement problème à leur tour.

Projet d'Indépendance - un état des lieux automne 2011


Un système est une réalité tronquée. Quand le théoricien, quand le raisonneur se trouve en présence d'une réalité complexe, non point seulement compliquée de complications, mais complexe de complexité, son premier mouvement où il se tient, parce que c'est le mauvais, est de ne retenir qu'une partie de cette réalité complexe.
_ Charles Péguy

UN PROBLEME posé contre la vérité des choses ne se règle jamais et l'on s'épuise interminablement à en rechercher les solutions. Celles qu'on prétend avoir trouvées font immanquablement problème à leur tour.
Au Canada, les réponses fédéralistes successives posent chaque fois une nouvelle difficulté qui est encore la même ...
C'est que la vérité des choses, elle, ne cède pas. «Le fond des choses», disait de Gaulle.
Le problème qu'il nous faudra résoudre n'a guère de rapport avec les formules, ententes et négociations fédéralistes depuis 30 ans et davantage. La réalité déborde de toutes parts ce cadre étroit.
La chose qui marche le moins dans cette vieille histoire, c'est très révélateur, il semble que ce soit la conciliation. J'entends : une conciliation véritable, un échange, menant à du nouveau.
De toutes les approches, la conciliation est celle que la réaction dominante refuse avant tout. La résistance de l'impérialisme canadien fige absolument la pratique du fédéralisme au Canada et continuera sans doute de le faire.
Des signes de cet ordre rigide abondent invariablement. Comme ni l'institution, ni la pensée, ni la négociation, ni donc la réalité ne bougent, alors c'est tout le reste qui le fait. Les mystifications, les mises en scène et diverses dégradations en témoignent, y compris la menace, y compris les coups de force.
Tout cela n'est que succédanés d'événements, puisqu'aucun événement vraiment réel ne se produit. Conférences sur conférences, acclamations plus ou moins soviétiques dans les appareils, tentatives répétées de conditionnement des masses, etc. Ce qui est faux, postiche, purement verbal cela prospère, tenant lieu de ce qui n'arrive jamais.
Un fédéralisme purement formel
Mais, outre ces effets secondaires, la pensée fédéraliste canadienne elle-même est en cause, car elle est très pauvre de réalité. Je connais des gens qui n'ont pas inventé une idée depuis 40 ans, même dans le domaine de leur action. Leur esprit semble ne s'être jamais ressourcé, diversifié, complexifié, comme s'ils ne consultaient plus la réalité depuis ce temps, et singulièrement pas la réalité de notre peuple, au sujet duquel en vérité, ils n'ont plus de pensée.
De façon plus générale, d'ailleurs, le fédéralisme au Canada est une idée resserrée dans une orthodoxie intouchable, sans doute à cause du fait que, dans la fédération, il n'y a que deux parties, comme je l'ai déjà souligné, et que l'une d'elles, lourdement dominante et parfaitement déterminante, n'a pas la moindre intention de consentir à la révision de sa position privilégiée.
Pour ces deux types de raisons, c'est avec une persistance singulière que docteurs et partis fédéralistes s'en tiennent, les premiers à leurs maigres définitions, les seconds à leur politique de béton.
Le peuple que nous formons est, d'évidence, une profonde réalité. Il est en perpétuelle quête de réformes, de changements, de modifications de son statut, de modernisation radicale de ses rapports avec son voisin immédiat. Cela, et sa propre existence elle-même, d'ailleurs tout aussi singulière, indiquent déjà qu'il est besoin pour lui d'une autre pensée que celle que lui impose l'esprit de système et d'apriorisme. Il veut relever d'une pensée imprégnée des réalités de sa situation.
Mais justement dans ces quartiers, l'on ne se penche pas sur la condition de notre peuple, trop évidente pour être vue, je suppose, et trop complexe pour entrer dans les comptes de l'esprit de géométrie. Le fait québécois et l'insistance avec laquelle le Québec manifeste sa profonde divergence n'attirent pas l'attention fédéraliste, comme une abondante matière sur laquelle méditer, ou comme une occasion objective de remettre en question des postulats.
Que dire à ces fédéralistes ? Que leur suggérer pour qu'ils puissent au moins soupçonner le caractère essentiellement lacunaire de leur pensée ? De lire Péguy, peut-être, en effet. Ou Finkielkraut, qui vient de le réhabiliter.


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