Aujourd’hui prend fin le mandat d’Abdou Diouf à la tête de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), dont il a été le secrétaire général pendant 12 ans. Le 1er janvier, Michaëlle Jean prendra son fauteuil pour quatre ans. Son entrée en fonction sera délicate, voire difficile, car son élection a heurté plusieurs pays africains.
La Francophonie s’écrit avec un grand « F » depuis 1997, alors que, au sommet de Hanoï, les chefs d’État et de gouvernement des pays francophones décidaient de se donner une instance qui serait leur voix sur le plan international. Pour asseoir son autorité, on confia d’abord le poste de secrétaire général à l’ancien secrétaire général des Nations unies, Boutros Boutros-Ghali, puis à Abdou Diouf. Cet ancien président du Sénégal, par sa filiation avec le président Léopold Sédar Senghor, celui-là même qui, le premier, voulut la francophonie, a pu, par ses racines et son expérience, consolider cette jeune organisation, dont les assises sont désormais solides.
Dans son au revoir adressé ce lundi à ses collaborateurs, Abdou Diouf a dressé ce bilan de son passage à la tête de l’OIF : « Il est révolu le temps où la Francophonie était associée à une tentative désuète et frileuse de défense de la langue française. Aujourd’hui, […] la Francophonie incarne tout à la fois un front du refus et une autre vision du monde. » L’OIF est devenue, grâce à lui, l’instrument de rayonnement de la langue française — pensons à la Charte de la diversité culturelle, qu’il a contribué à faire adopter par l’Unesco — et d’une solidarité entre pays francophones autour des droits de la personne, de l’éducation, de la dignité des personnes.
Michaëlle Jean, toute ex-gouverneure générale du Canada qu’elle a été, n’arrive pas à ce poste avec l’autorité et l’expérience de ses deux prédécesseurs. Pour prestigieuse qu’elle fut, sa fonction de « chef d’État » du Canada était honorifique. Le premier ministre Harper lui avait d’ailleurs rappelé un jour que ce poste appartenait à la reine Élisabeth II, qu’elle ne faisait que représenter. Pour sortir de l’ombre d’Abdou Diouf, il lui faudra savoir porter plus loin la vision de l’avenir de la francophonie de ses prédécesseurs et proposer de nouvelles priorités. On la voit tout naturellement se préoccuper des jeunes et des femmes qui ont des attentes qu’elle saura sans doute mieux porter que ses prédécesseurs.
Le grand défi de Mme Jean sera toutefois de savoir mener ce qu’Abdou Diouf appelait la « diplomatie de consensus », laquelle est le seul mode d’action possible dans les organisations internationales. Cela exige une connaissance profonde des enjeux et une connaissance intime des acteurs, dont la grande majorité, dans le cas de l’OIF, se trouvent en Afrique. Or il arrive que, même si elle a des origines haïtiennes, elle est identifiée aux pays du Nord qui ont soutenu sa candidature, le Canada (y compris le Québec et le Nouveau-Brunswick) et la France, qui se sont solidarisés pour imposer sa candidature contre les quatre venant de pays africains.
Le magazine Jeune Afrique raconte, dans sa livraison du 15 décembre, les jeux de coulisses autour du choix du successeur d’Abdou Diouf et les interventions du président français, François Hollande, dont l’action aura consisté à diviser les pays africains, plutôt qu’à chercher à les rapprocher afin de leur laisser la seule organisation internationale qu’ils présidaient. Devant l’absence de consensus, certains prônaient la tenue d’un vote, mais la France et le Canada ont réussi par un bras de fer à faire désigner leur candidate.
La victoire de Michaëlle Jean a heurté plusieurs pays africains. Son arrivée ne transformera pas l’OIF en une organisation américaine. Son action demeurera centrée sur l’Afrique. Mais il y a des blessures à panser. Pour cela, la nouvelle secrétaire générale aura besoin d’un appui qui ne pourra lui venir que de la France et, tout particulièrement, du Canada, lequel a désormais à démontrer que son intérêt pour l’Afrique n’était pas passager, mais réellement sincère.
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