Élu député libéral de Mont-Royal en 1965, il avait été jusque-là un intellectuel de gauche très critique du parti et de son chef Lester Pearson. Après une montée fulgurante (la Trudeaumanie), il lui succéda en 1968 comme premier ministre libéral. Mais plus tôt dans sa vie, le jeune Trudeau était un séparatiste extrémiste de droite, opposé aux idées qui deviendront son leitmotiv en tant que grand leader canadien.
Ces informations sur Pierre Elliott Trudeau sont tirées des biographies de ses amis Max et Monique Nemni et de John English, son biographe officiel. English avait pleinement accès à ses écrits personnels jamais rendus publics tout autant que les Nemni, qui ont été surpris par ce qu’ils y ont découvert.
L’ado était un catholique fervent
Le jeune Trudeau acceptait la stricte moralité de l’Église ainsi que sa politique. L’Église croyait alors que le modèle à suivre était celui des États corporatistes tels l’Espagne de Franco et le Portugal de Salazar.
Comme les premiers ministres Bennett et Mackenzie King, le jeune Trudeau avait des opinions antisémites. Il écrit une pièce satirique dans laquelle un Canadien français naïf est manipulé par un rusé homme d’affaires juif.
Il admirait des auteurs de droite tels Charles Maurras en France et Léon Degrelle en Belgique, dont le mouvement nationaliste et catholique Rex se transforma en parti fasciste qui collabora avec l’occupant allemand.
Le jeune Trudeau était favorable au gouvernement du maréchal Pétain à Vichy. Pour lui, c’était l’Angleterre qui était responsable de la Seconde Guerre mondiale.
Provocant comme à son habitude, il était fier de conduire sa Harley-Davidson en portant un casque militaire prussien.
PHOTO FOURNIE PAR ARCHIVES DE LA VILLE DE MONTRÉAL, P100-5-1-D008-001
Affiche de Jean Drapeau, candidat pour le Bloc populaire canadien, 1944.
Le maître à penser de Trudeau
Né dans la richesse, il fit ses études au prestigieux collège Brébeuf où le jésuite Rodolphe Dubé (nom de plume François Hertel) fut son mentor. Charismatique, brillant et souvent outrageant, François Hertel était à l’époque de tous les débats sur la foi, la politique et le destin du Québec. Il misait sur la jeunesse canadienne-française pour bâtir une « Laurentie » catholique indépendante. Il quitta la Compagnie de Jésus en 1947.
À l’instigation de Hertel, en 1942, à l’âge de 23 ans, Pierre Trudeau devint membre d’un groupe révolutionnaire clandestin appelé « LX » ou « Frères chasseurs », dont le but était de réaliser un coup d’État menant à un Québec indépendant corporatiste et catholique. Le groupe était prêt à prendre les armes pour le créer, planifiant, entre autres actes de terrorisme, de faire sauter des usines de munitions.
À l’élection partielle fédérale dans Outremont en novembre 1942, Trudeau prononce un discours incendiaire, rapporté dans Le Devoir, en appui au jeune Jean Drapeau qui se présente sous la bannière du Bloc populaire anticonscriptionniste. Il termine sa harangue en demandant que les « traîtres » du gouvernement soient « empalés vivants ». Lui-même membre de la bourgeoisie outremontaise, il exhorte ses auditeurs « à éviscérer tous les maudits bourgeois d’Outremont ». Drapeau est néanmoins battu.
PHOTO TIRÉE DU SITE DE L’ACADÉMIE DES LETTRES DU QUÉBEC
François Hertel, maître à penser de P. E. Trudeau.
P. E. Trudeau et les femmes
Son biographe John English nous apprend que Trudeau a amené une série de femmes coucher avec lui au 24 Sussex Drive et à Harrington Lake avec la connivence de ses gardes de la GRC. Il semble que ce n’est qu’avec les femmes – d’abord sa mère, puis toutes les autres – qu’il se révélait vraiment. Ce qui ne l’empêchait pas de les traiter parfois avec une abjecte duplicité. English écrit qu’il a demandé Caroll Guérin en mariage alors même qu’il courtisait Margaret Sinclair. Après leur rupture, il a fait de même avec Barbra Streisand.
Pierre Elliott Trudeau a dit un jour que « l’État n’a rien à faire dans les chambres à coucher de la nation ». Pourtant, la police secrète de son gouvernement a installé un micro dans la chambre à coucher de l’indépendantiste Louise Beaudoin.
Le grand retournement
En 1944, Trudeau a obtenu une exemption d’enrôlement pour s’inscrire à l’Université Harvard. C’est alors que ses opinions ont commencé à changer.
Discutant du séparatisme avec le poète Gaston Miron à Paris en 1960, Trudeau lui a dit de faire attention, qu’il pourrait perdre tous ses droits en tant que citoyen si le Québec devenait indépendant. Dix ans plus tard, Miron était au nombre des quelque 500 personnes jamais accusées d’aucun crime (sauf des sympathies indépendantistes) à être emprisonnées par Trudeau dans la foulée de la Loi sur les mesures de guerre.