Servir la justice

Chronique de Louis Lapointe

Je me souviens encore du jour où le vice-président du Barreau du Québec me fit monter d’urgence à son bureau.
Il m’exhiba alors une lettre portant l’entête de la Cour d’appel du Québec.
À tort ou à raison, un juge de cette honorable Cour se plaignait des résultats obtenus par son enfant inscrit à l’École du Barreau dont j'étais le directeur.
Pour le futur Bâtonnier du Québec, utiliser le papier officiel de la plus haute cour du Québec pour traiter une affaire personnelle était une faute grave et inexcusable qui démontrait le peu de jugement de ce magistrat.
Étonnamment, le vice-président m’ordonna aussitôt d’oublier cette histoire et de n’en parler à personne.
Cette affaire, si elle était révélée au public, risquait de porter atteinte à l’autorité des tribunaux.
En vertu de l’article 2.06 du Code de déontologie des avocats alors en vigueur:

« L'avocat doit servir la justice et soutenir l'autorité des tribunaux. Il ne peut agir de façon à porter préjudice à l'administration de la justice.»

Si l’utilisation de papier entête par un juge de la Cour d’appel peut inspirer une telle réserve de la part d’un des plus hauts officiers du Barreau, imaginez le sentiment qui anime ces mêmes officiers devant le manque de transparence de la Cour Suprême du Canada relativement aux révélations de Frédéric Bastien dans son livre La bataille de Londres.
Qui protège le public lorsque le Barreau préfère inviter ses membres à la prudence plutôt que de poser toutes les questions qui s’imposent devant des événements aussi graves ?
Quelle est la valeur d’une enquête de la Cour Suprême sur ses propres agissements?
Qui défend la justice lorsque ceux qui en ont la responsabilité préfèrent se taire?
Ne s’agit-il pas là d’une des plus insidieuses formes de corruption de nos institutions démocratiques?
L’omission d’agir et d’accomplir le devoir qu’impose leur mission : servir la justice.
La Cour Suprême a choisi le silence, le Barreau la prudence.
Ce n’est donc pas un hasard que si peu d’avocats aient fait connaître leur point de vue sur les agissements des juges Estey et Laskin.

***
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Louis Lapointe534 articles

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L'auteur a été avocat, chroniqueur, directeur de l'École du Barreau, cadre universitaire, administrateur d'un établissement du réseau de la santé et des services sociaux et administrateur de fondation.





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1 commentaire

  • Archives de Vigile Répondre

    27 avril 2013

    Si le but de la charte de Trudeau était du judiciariser la politique puisque c'est de fait ce qui est arrivé, il est compréhensible que Trudeau et Laskin aie à se parler... Laskin voulant bien comprendre en quelque sorte...ou d'autres juges de la cours suprême. Il est vraisemblable que le tournant qu'a pris le canada à ce moment-là apparaissait sous un éclarage dramatique "c'est cela ou c'est la fin du canada à brève échéance..."
    Me semble que la réflexion sur les cours suprêmes pouvant être croches doit être développé. Une spéculation supérieure qui permette d'évaluer au-dessus du droit et ensuite essayer d'organiser un comité extrornidaire avec des autorités d'autres nations pour accuser la constitution du canada...