Santé: Charest nie avoir violé son pacte

«J'ai honoré l'engagement de 2003», a assuré le chef libéral après avoir évité la question à quelques reprises

Santé - le pacte libéral


Montmagny — Alors que le taux d'occupation des salles d'urgence frôlait encore les 150 % hier, le chef libéral Jean Charest a soutenu qu'il avait bel et bien honoré le «pacte» qu'il avait proposé aux Québécois en 2003, c'est-à-dire résoudre les problèmes du système de soins de santé. «Je suis capable de regarder les Québécois dans les yeux et de leur dire que j'ai honoré l'engagement que j'ai pris en 2003», a-t-il assuré hier après avoir évité la question à quelques reprises.
Peu avant le déclenchement des élections, en mars 2003, après quelque cinq ans passés dans l'opposition à mener une critique impitoyable des gouvernements péquistes au sujet de la gestion des soins de santé, M. Charest avait littéralement mis sa tête sur le billot dans un entretien à La Presse: «Je propose un pacte à la population du Québec. Je veux que mon gouvernement et moi soyons jugés là-dessus. Au bout de notre mandat, la population aura à évaluer si on a livré ou non les engagements qu'on a pris en santé ou on ne méritera pas d'être élus.» Un gouvernement libéral réglera les problèmes dans le réseau de la santé ou ne méritera pas d'être réélu, clamait-il.
Dans la bouche de M. Charest, cela prenait l'allure d'un défi: «Je dis aux Québécois: faites-moi confiance, je vais remettre sur pied le système de santé. Jugez-moi sur ces résultats. Et si je n'y arrive pas, vous saurez quoi faire!»
Quand on lui a rappelé ce serment hier, au moment où une nouvelle crise des urgences se manifestait, M. Charest a paru quelque peu ébranlé. Il était à Montmagny pour présenter ses priorités en matière de développement régional. Il a ensuite fait valoir que «la santé, c'était ma première priorité en 2003, c'est encore la première aujourd'hui. Et il y a une raison derrière ça, c'est que c'est la première priorité des Québécois. On est le seul parti politique qui dit que la santé est la première priorité».
Par la suite, il a soutenu que le problème des urgences est aggravé par le vieillissement de la population et des crises cycliques: «Il y a des pics, pendant l'année, de gastro-entérite, épidémie de grippe, ça fait partie de la réalité», a-t-il déclaré. Mais les autorités médicales ont indiqué mercredi que le réseau n'était affligé d'aucune de ces épidémies à l'heure actuelle. Il s'est alors réfugié dans l'humour: «C'est tellement vrai que même le Canadien de Montréal a eu sa crise de gastro-entérite. Le Canadien de Montréal, c'est pas une population vieillissante!» (En point de presse, le 9 février 1999, le chef de l'opposition officielle qu'il était alors avait fustigé la ministre du temps, Pauline Marois, qui avait tenu des propos analogues aux siens: «Mme la ministre [...] banalise [le débordement des urgences] au point de dire que c'est comme de la neige qui arrive en hiver. Pour Mme la ministre, ce n'est pas plus important que ça.»)
Mais hier, le premier ministre a insisté: la situation des urgences s'est améliorée depuis 2003. Il a expliqué que la durée moyenne de séjour sur civière en 2002-03 était de 16,2 heures. Or, en 2005-06, elle a été ramenée à 15,4 heures. Quant au nombre de périodes de 48 heures et plus passées sur une civière, il s'élevait à 61 317 en 2002-03, alors qu'en 2005-06, on l'évaluait à 48 737. «C'est donc dire que la situation, dans l'ensemble, s'est améliorée», même si la demande s'est accrue.
«Efforts sincères»
Le chef libéral prie en somme les Québécois de croire que les membres de son gouvernement et lui ont fait «des efforts sincères, réels, de tous les jours, pour faire de la santé [sa] première priorité». En tout, il a réinvesti 5,7 milliards de dollars dans le domaine de la santé depuis 2003, soit 65 % de tout l'argent nouveau, «que le gouvernement a dépensé dans un contexte où il n'y en a pas beaucoup».
Est-ce à dire que le problème du système de soins de santé est insoluble? Qu'il est comme ce «trou noir» qu'il aimait évoquer jadis pour désigner la souveraineté du Québec? Le chef libéral ne le croit pas. Il faut continuer, selon lui, à «réinvestir» et à améliorer la «performance des réseaux» en refilant par exemple une partie du travail des médecins aux «infirmières praticiennes». Il faut faire face à l'alourdissement des cas en augmentant le nombre de groupes de médecine familiale, lesquels sont passés de 17 à 127 depuis 2003. Le PLQ promet de former 1500 médecins et 2000 infirmières de plus et d'étendre la «garantie d'accès» pour la chirurgie dans les délais raisonnables à toutes les chirurgies.
Le cheval blanc de Napoléon
Informé de la déclaration de Jean Charest sur son «pacte» de 2003, le chef adéquiste Mario Dumont a eu ces mots hier: «Au lieu de dire qu'il regarde les Québécois "dans les yeux", il devrait plutôt baisser les yeux et s'excuser de son piètre bilan en matière de santé.» Du côté du Parti québécois, la porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé, Louise Harel, jointe en tournée à Alma, a déclaré que «M. Charest peut dire n'importe quoi, c'est comme s'il s'entêtait à dire aux Québécois que "le cheval blanc de Napoléon est noir"! Il atteint de tels sommets de déni, c'est incroyable», s'est-elle exclamée hier. Plus tôt, le chef André Boisclair avait déclaré à des étudiants à Neuchâtel, en banlieue de Québec, que la santé, c'était certes très important, mais que le Québec est «plus qu'un hôpital». En soirée à Asbestos, M. Charest a affirmé que les problèmes structurels en santé sont d'abord et avant tout attribuables à la tourmente postréférendaire et aux décisions qui ont été prises à cette époque.
«On a eu un référendum en en 1995. On sait quel prix on a payé pour ça. Ça arrêté le développement hydroélectrique au Québec. Ça a été les chicanes. Ça a été des années où on s'est concentrés là-dessus au lieu de se concentrer sur l'éducation, sur la santé. [...] C'est les décisions qui ont suivi le référendum qui ont mis à mal notre système de soin de santé. Mais là, André Boisclair, lui, veut qu'il veut qu'il y ait un référendum le plus vite possible. Et si ça marche pas, on en fera un autre après!»
Par ailleurs, le chef libéral, lorsqu'il était dans l'opposition, n'était jamais aussi dur dans la critique que lorsqu'il traitait de santé. En 1998, il avait accusé le premier ministre Lucien Bouchard d'être un «sans-coeur» et d'avoir fait un «carnage» dans le système de soins de santé. En février 1999, il avait accusé le gouvernement de manipuler les statistiques des urgences et de mentir à la population. «Le gouvernement péquiste est passé maître dans l'art du mensonge», avait-il déclaré. Notons qu'en novembre 2006, La Presse avait révélé l'existence «d'unités de débordement» qui permettaient de ne pas comptabiliser le séjour de dizaines de patients à l'urgence. «Ces unités de débordement reflètent un problème majeur. La situation dans les salles d'urgence de Montréal, après s'être améliorée quelque peu ces dernières années, est revenue depuis quelques mois à l'état déplorable connu entre 1998 et 2003», avait déclaré le chef urgentologue de l'hôpital du Sacré-Coeur, le Dr Michael Garner.


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