De quoi pouvait bien parler Jean Charest, dimanche, quand il disait que le 8 décembre était «tellement important pour nous et pour notre avenir»?
Si le chef libéral parlait de son propre avenir, sa déclaration pouvait avoir un sens. Même si sa victoire n'a rien de convaincant, sa mince majorité lui permet d'envisager la suite de sa carrière politique avec optimisme. Si les circonstances continuent de lui être favorables, ses chances de devenir un jour premier ministre du Canada demeurent excellentes.
En revanche, si son «nous» désignait la collectivité québécoise, il est très difficile de voir un quelconque tournant dans les résultats d'hier, qui semblent plutôt traduire une incertitude sur la voie à emprunter. Si la campagne avait duré une semaine de plus ou si la participation avait été plus forte, M. Charest n'aurait sans doute eu droit qu'à un nouveau gouvernement minoritaire.
Ses projets de réingénierie -- conjugués, il est vrai, avec de grossières erreurs de jugement -- avaient presque été fatals à M. Charest au printemps 2007. Au cours de la dernière année, il a semblé comprendre que la population demeurait attachée au modèle québécois, mais celle-ci n'est pas manifestement pas convaincue que lui-même le soit.
Le peuple ne se trompe jamais, paraît-il. Encore faut-il qu'il se prononce. La seule chose qui a été historique hier est la faiblesse dramatique du taux de participation. Le premier ministre a le devoir de préserver la santé de la démocratie québécoise. En déclenchant des élections dont personne ne voulait, M. Charest a parié sur la lassitude. Certes, il a gagné, mais a-t-il vraiment rendu service au Québec?
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Il est vrai que la sous-performance de Mario Dumont et de l'ensemble de la députation adéquiste élue au cours des 18 derniers mois avait de quoi décourager n'importe qui de voter pour l'ADQ, mais on peut penser que les électeurs ont également rejeté le projet de société qu'elle proposait.
L'ADQ a réussi à conserver de peine et de misère quelques circonscriptions dans les vieilles terres créditistes, comme Lotbinière et Chutes-de-la-Chaudière, mais c'est l'effondrement en Mauricie et dans le Centre-du-Québec, sans parler du «450», où elle n'existe pour ainsi dire plus.
Dans la région de Québec, les victoires d'Éric Caire (La Peltrie) ou de l'ancien journaliste de TQS Gérard Deltell (Chauveau), de même que celle de François Bonnardel dans Shefford sont dues à leur popularité personnelle. Le leader parlementaire de l'ADQ, Sébastien Proulx (Trois-Rivières), aurait mérité un meilleur sort, mais le ressac de la vague adéquiste a été aussi brutal que son déferlement de 2007, qui avait amené à l'Assemblée nationale des gens qui n'y avaient pas leur place.
Pour M. Dumont, la chute est brutale. Il y a un an et demi, il pouvait raisonnablement espérer devenir le prochain premier ministre. Avec une représentation réduite à une poignée de députés, personne n'aurait dû être surpris hier soir en l'entendant annoncer qu'il quittait la direction de son parti. Il est difficile d'imaginer que ce dernier puisse lui survivre. Les survivants risquent plutôt de rejoindre l'un ou l'autre des «vieux partis».
Durant la campagne, il avait confié que son éventuel départ mettrait un terme définitif à sa carrière politique. Quand il avait claqué la porte du PLQ en 1992, il avait déclaré qu'il demeurait un libéral dans l'âme, mais on voit mal comment il pourrait retourner au bercail. À ceux qui voyaient en lui le futur lieutenant de Stephen Harper, il a toujours dit qu'à l'instar de Robert Bourassa, il n'était pas désireux d'oeuvrer au niveau fédéral.
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Malgré la perte symbolique de Mercier, Pauline Marois a tout lieu d'être satisfaite. Les résultats sont même inespérés. Il est très rare que le PQ fasse mentir les sondages, mais avec une cinquantaine de circonscriptions et 35 % des voix exprimées, elle a fait mieux que Bernard Landry en 2003. Hier soir, elle avait l'air d'une gagnante. Même si rien ne peut être tenu pour acquis au PQ, cela devrait mettre son leadership à l'abri de toute contestation.
Avec une équipe nettement renforcée, elle aura tout le loisir de préparer les prochaines élections et, une fois l'ambiguïté autonomiste dissipée, de reconstituer la coalition souverainiste. Nul ne peut prévoir ce qui arrivera dans quatre ans, mais elle peut maintenant envisager très sérieusement la possibilité de devenir la première femme à diriger le Québec.
L'avalanche de bonnes nouvelles a permis de dédramatiser la perte de la circonscription mythique de Mercier aux mains de Québec solidaire (QS). Dans l'entourage de Mme Marois, on avait prévu cette défaite. La gauche caviar du Plateau cherche simplement à se donner bonne conscience, disait-on avec une pointe d'amertume certaine.
Il n'en demeure pas moins que l'élection d'Amir Khadir donnera une voix beaucoup plus forte à QS. Le nouveau député trouvera maintenant tous les micros qu'il souhaite. On peut se demander combien de temps durera la direction bicéphale.
De son côté, le PQ doit-il se repositionner à gauche, au risque d'abandonner le centre aux libéraux, ou poursuivre dans la voie de la «modernisation» de la social-démocratie et laisser plus d'espace à Québec solidaire? Malgré son succès dans Mercier, QS n'a tout de même recueilli que 4 % des voix dans l'ensemble du Québec, alors que les adéquistes se retrouvent aujourd'hui orphelins.
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mdavid@ledevoir.com
Rien de convaincant
Si la campagne avait duré une semaine de plus ou si la participation avait été plus forte, M. Charest n’aurait sans doute eu droit qu’à un nouveau gouvernement minoritaire.
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