Rien

Chronique de Patrice Boileau


Attention : ça va faire mal! Mal parce que de nouvelles preuves apparues ces derniers jours attestent que vous n'êtes rien. Ajoutées aux autres indications qui s'accumulent depuis déjà trop longtemps, ces informations témoignent que la nation québécoise à laquelle vous appartenez n'existe pas au Canada.
Ceux qui aspirent à occuper la plus haute fonction à Ottawa ne se cachent même plus pour le dire ouvertement. Ainsi, Michael Ignatieff a répété sans coup férir, lors d'une allocution tenue vendredi dernier à l'Université de Montréal, que le peuple québécois forme une nation, mais que cette réalité ne se traduira pas par l'attribution de nouveaux pouvoirs. Le pauvre veut même faire enchâsser dans la constitution ce titre politique même si cosmétique! Voilà sans doute son astuce pour y entériner que les provinces de la fédération sont égales et ne peuvent pas jouir de compétences différentes.
Au même moment, un étage plus haut dans la même institution universitaire, Bob Rae, autre candidat déclaré à la course à la chefferie du PLC, déplorait le propos que son rival réitère depuis quelques jours. L'ancien premier ministre néo-démocrate de l'Ontario préfère éviter ce qu'il qualifie de « formules magiques.» Pas question pour lui de rouvrir la constitution, encore moins pour y inscrire des fadaises. La boîte de Pandore doit demeurer hermétiquement fermée, même si le Québec occupe un vide juridique depuis 1982. Cette situation gênante ne le formalise pas : tous s'y sont habitués maintenant. S'il est élu à la tête du Parti libéral du Canada, Bob Rae n'entreprendra aucune réforme constitutionnelle qui pourrait réparer les torts qu'ont subis les Québécois.
Le Premier ministre du Canada Stephen Harper aussi y est allé dernièrement de quelques déclarations qui montrent que l'existence de la nation québécoise est à ses yeux une lubie. Pour bien se faire comprendre des Québécois qui caresseraient encore l'espoir d'obtenir une quelconque reconnaissance dans la fédération canadienne, le leader conservateur a sommé les organisateurs du 400e anniversaire de la fondation de la ville de Québec de commémorer l'événement de 2008 dans les deux langues officielles. En conséquence, le chef de l'État canadien exige que la loi 101 soit suspendue durant les festivités sous peine de ne pas recevoir un sou d'Ottawa. De plus, le comité des fêtes du 400e devra diluer les Québécois dans la diversité canadienne. Hop: disparus dans la marmite multiethnique!
Lorsque les autorités politiques d'un pays ignorent de la sorte un peuple en attendant que l'assimilation fasse son travail, il ne faut pas se surprendre de voir le groupe majoritaire bafouer les frêles mesures de protection qui ont été établies par ceux qui se savent menacés. Ainsi, n'a-t-on pas découvert dernièrement que des écoles privées juives se rient des lois québécoises en matière d'éducation? D'autres maisons d'enseignement relevant d'autres communautés culturelles font sûrement de même. Idem pour des établissements scolaires anglophones privés qui ne reçoivent aucune subvention de Québec. Invité à justifier la décision d'agir dans l'illégalité à la télévision de Radio-Canada, le porte-parole de l'école juive démasquée y est allé d'explications dans la langue de Shakespeare. Unilingue anglais, incapable de s'exprimer dans la langue de la majorité au Québec, l'homme n'a jamais affiché quelques remords que ce soit durant son allocution.
Combien sont-ils à vivre au Québec sans connaître un mot de français? Chose certaine, ils sont de plus en plus nombreux à le faire, à la lumière de récentes statistiques qui confirment que 80% des nouveaux arrivants quittent le réseau scolaire francophone à la fin du secondaire pour poursuivre leurs études en langue anglaise. À quoi bon s'intéresser à la culture d'une nation que l'État canadien ne reconnaît pas? Qui veut y être associé, alors que des journalistes de quotidiens publiés dans tout le Canada la méprisent sans retenue avec la bénédiction de leur patron? Pourquoi adhérer à un peuple francophone si son propre gouvernement à Québec impose depuis cette année des cours de langue anglaise aux écoliers, dès la première année du primaire?
Depuis le référendum saboté de 1995, la nation québécoise subit un assaut tous azimuts de la part du gouvernement canadien. Celui-ci la menace ouvertement de dépecer son territoire, si elle devait décider de se protéger au sein d'un État indépendant. Il affame financièrement l'Assemblée nationale du Québec afin de nuire à son développement. En 2008 sera fêté le 400e anniversaire de la fondation du premier établissement européen permanent en Amérique du nord, Français, de surcroît. Irrité de devoir souligner cet événement qui atteste qu'un peuple différent occupe une portion définie du continent américain, le Premier ministre canadien ne se gêne même pas pour ordonner que soit plutôt célébré le multiculturalisme canadien.
Où est la riposte? Les souverainistes sont plutôt affairés à préparer la prochaine élection québécoise où sera essentiellement jugé le bilan du gouvernement libéral de Jean Charest... Advenant une victoire, ils hériteront d'un pouvoir provincial moribond qui ne suscite que le mécontentement général. Puis, un troisième et ultime référendum sera organisé. Toute une innovation, en réponse aux dernières charges d'Ottawa! Palpitant. Et qu'arrivera-t-il si un résultat électoral serré devait survenir, comme l'indiquent les derniers sondages? Allez relire le titre...
Patrice Boileau
_ Carignan, le 11 septembre 2006


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3 commentaires

  • Luc Bertrand Répondre

    13 septembre 2006

    À la question de Crépo, je lui poserais la question suivante: Savez-vous lire? Si oui, avez-vous déjà suivi un cours d'histoire du Québec et du Canada? Si oui, il est probable qu'il s'agissait d'une version endossée par Jean-Marc Fournier et probablement conforme à celle entrée dans le crâne du Canada anglais comme l'a dénoncé Normand Lester dans "Le livre noir du Canada anglais". Sinon, il est grand temps que vous vous y mettiez si vous voulez arrêter de faire rire de vous (à moins que vous ne viviez dans un "British stronghold" à Westmount, TMR, NDG ou autre et en étiez heureux).
    Si vous connaissiez notre histoire, vous vous rendriez compte que les intérêts du Québec (plus précisément le "Canada français" qui a été réduit essentiellement à la majorité francophone du Québec) ont toujours été sacrifiés au profit de ceux de l'Ontario (ancien "Upper Canada"). Lorsque le Québec obtenait finalement (après combien de tordages de bras et de faveurs à rendre aux bons ministres "canadians") une partie des investissements dûs par le gouvernement fédéral (toujours moins que la part représentée par sa population), ces retombées ont toujours bénéficié à la bourgeoisie anglophone de l'ouest de Montréal, aux bailleurs de fonds du parti au pouvoir et aux "French Canadians" qui ont accepté d'exploiter les leurs et à diffuser la propagande fédéraliste à leurs employé(e)s. Les premiers ministres fédéraux soi-disants "québécois" tels Wilfrid Laurier, Louis Stephen St-Laurent, Pierre Elliott Trudeau, Jean Chrétien (et peut-être Stéphane Dion?) étaient ou bien redevables aux intérêts financiers de Toronto ou bien totalement soumis aux intérêts de la Couronne britannique, au point de défendre les exactions de leur Canada contre les francophones, particulièrement du Québec.
    Et ceci est sans parler des tentatives incessantes d'assimilation des descendant(e)s de la Nouvelle-France. De plus de 95% de la population en 1763, nous sommes passés à moins de 50% vers 1840, 33% en 1867, 25% en 1980 et ce n'est pas fini. Tout ceci a été rendu possible par l'immigration massive contrôlée par le fédéral, le développement délibéré de l'Ontario et de l'Ouest du Canada au détriment du Québec, sans compter les répressions armées de 1837-38 (alors que pourtant le Haut-Canada - l'actuelle Ontario - s'était également soulevé contre le gouvernement colonial anglais sans effusion de sang) et la saignée de population de la fin du 19e siècle et du début du 20e qui a dû s'expatrier aux États-Unis pour être capable de vivre. Si vous voulez d'autres exemples, écrivez-moi!
    La morale de toute cette histoire, c'est que vous ne devez certainement pas attendre le salut de la part de Bob Rae, Michael Igniatieff, Stéphane Dion, Stephen Harper ou Jack Layton, à moins que de voir la minorité anglophone du Québec et les intérêts de Bay Street ou de Calgary s'enrichir à nos détriments vous laisse indifférent.

  • Luc Bertrand Répondre

    13 septembre 2006

    Excellent article! Si les Québécois(e)s veulent mettre fin à cette existence de "chiâleux(ses) perpétuel(le)s", ils (elles) devront régler la question une fois pour toutes et forcer le Parti Québécois à aller au bout de la logique: Si un gouvernement provincial ne peut plus assumer ses responsabilités et qu'aucun Premier ministre québécois n'a jugé approprié de signer la Constitution de 1982, qu'il démontre son sérieux en faisant de l'indépendance du Québec l'enjeu de la prochaine élection provinciale, en soumettant son projet de Constitution québécoise. De cette façon, il signifiera clairement au Canada son intention de quitter la Confédération (dans laquelle il était entré sur un simple vote de ses députés) et, devant la communauté internationale, sa contestation du processus de "négociation" de la sécession ("Bill C-20) qui lui a été imposé par le gouvernement fédéral. Autrement, nous n'avons pas fini de nous faire endormir (si ce n'est pas d'autre chose!) jusqu'à ce que nous nous dissolvions dans le tout "canadian". Pour cela, les gens devront cesser de jouer à l'autruche et de se fier à "Pierre-Jean-Jacques" et aux médias pour faire leur opinion!

  • Archives de Vigile Répondre

    13 septembre 2006

    * S'il est élu à la tête du Parti libéral du Canada, Bob Rae n'entreprendra aucune réforme constitutionnelle qui pourrait réparer les torts qu'ont subis les Québécois *
    Mais de quels torts vous parlez exactement ?
    Comment le parti libéral pourrait réparer les torts ? Vous avez une solution ?
    Merci
    Fc