Remonter la rivière

Kyoto

L'attitude adoptée cette semaine par le gouvernement conservateur et plus particulièrement par la ministre de l'Environnement, Rona Ambrose, à propos de la mise en oeuvre de l'accord de Kyoto, a laissé perplexes bien des observateurs. Les signaux envoyés vont dans tous les sens, laissant croire qu'un virage se prépare.
La semaine a commencé avec cette manchette du Devoir annonçant que, contrairement à ce qui avait déjà été dit, le Canada aura son marché du climat où s'échangeront les crédits de gaz à effet de serre (GES). L'annonce était d'autant plus étonnante qu'elle venait de la bouche même de la ministre Ambrose, qui a surpris tout le monde, y compris ses collègues conservateurs. Il aura d'ailleurs fallu deux jours au premier ministre Stephen Harper pour confirmer que telle était bien l'intention de son gouvernement.
Cette annonce visait bien sûr à manifester une ouverture du gouvernement Harper alors que s'amorce à Nairobi la conférence des signataires du protocole de Kyoto pour préparer Kyoto 2. On n'en est pas à une adhésion totale du gouvernement Harper, car il n'est toujours pas question pour lui d'adhérer aux objectifs auxquels le Canada doit se plier d'ici 2012. Mais on veut se faire rassurant, au point où la ministre se dit prête à recevoir des cibles de réduction contraignantes pour la période venant après 2012.
Rona Ambrose se comporte depuis quelques jours comme un saumon remontant la rivière pour tenter de corriger peu à peu l'impact négatif de la politique environnementale conservatrice. L'inquiète, outre la réaction des autres pays signataires de l'accord, celle de l'opinion publique canadienne, qui n'a jamais été aussi soucieuse de la protection de l'environnement. Un sondage réalisé pour la Société Radio-Canada faisait état cette semaine du fait que l'environnement vient désormais tout juste derrière la santé, et bien avant les questions d'éthique publique, comme sujet de préoccupation des Canadiens. Ce sondage indiquait également que 71 % d'entre eux rejettent comme insuffisant le projet de loi sur la qualité de l'air déposé il y a trois semaines par Mme Ambrose.
Ce décalage entre l'opinion publique canadienne et le gouvernement conservateur tient au fait que celui-ci ne partage pas le sentiment d'urgence des citoyens qui, presque tous les jours, ressentent les effets des changements climatiques. Ils n'ont cure de savoir que le gouvernement libéral n'a rien fait et que les cibles de réduction des GES à atteindre en 2012 ne pourront l'être. L'effort à réaliser pour y arriver serait certes démesuré puisque, plutôt que de diminuer, les GES produits au Canada ont augmenté de 26,6 % entre 1990 et 2004. Mais ils voudraient, tout au moins, que cesse l'inertie actuelle et que l'on s'attaque à leur réduction sans attendre.
Quel discours tiendra la ministre Ambrose la semaine prochaine à Nairobi? On peut espérer qu'elle nuance encore un peu plus la position de son gouvernement, mais pas qu'elle soit frappée d'une illumination soudaine et se convertisse. Ce n'est d'ailleurs pas sans raison qu'elle s'est opposée à ce que le ministre québécois de l'Environnement, Claude Béchard, intervienne devant la conférence. Elle a invoqué la nécessité pour le Canada de parler d'une seule voix sur la scène internationale, mais ce n'était là qu'un prétexte. La vraie raison est tout autre: à Nairobi, Mme Ambrose se trouvera en porte-à faux. Les positions qu'elle exprimera seront celles de son gouvernement, pas celles des Canadiens et des Québécois, dont le point de vue aurait été beaucoup mieux exprimé par la voix du Québec. Cela, elle ne pouvait le permettre sans risquer de perdre la face.
bdescoteaux@ledevoir.ca


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