Le Parti québécois n'en menait pas large en ce samedi de novembre 2001, alors que le conseil national se réunissait à Québec. Ce jour-là, un sondage accordait une dizaine de points d'avance au Parti libéral du Québec et le premier ministre Bernard Landry déplorait les «esprits chagrins» qui, faute de «conditions gagnantes», lui conseillaient de mettre le projet souverainiste en veilleuse pour améliorer ses chances de réélection.
Le Comité national des jeunes, présidé par l'actuel député de Matane, Pascal Bérubé, avait plutôt repris à son compte l'idée de son mentor et ministre de l'Éducation de l'époque, François Legault, qui proposait la tenue d'un référendum sur le rapatriement de points d'impôt.
Depuis qu'il avait succédé à Lucien Bouchard, M. Landry ne jurait que par un référendum sur la souveraineté, mais Joseph Facal, alors ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes, faisait partie de ceux qui refusaient de rester les bras croisés en attendant le Grand Soir. «Qu'est-ce que c'est que cette histoire qu'un souverainiste ne peut rien faire avant la souveraineté?», demandait-il. Du nerf, que diable!
Bien entendu, le référendum sur les points d'impôt n'a jamais eu lieu. Quand il est devenu ministre de la Santé, François Legault n'en a pas moins continué à marteler qu'un nouveau partage de l'assiette fiscale était nécessaire pour que le Québec puisse maintenir son niveau de services. «Il faut vivre selon nos moyens, disait-il, mais on ne peut pas faire de miracles, d'où la nécessité d'aller chercher de l'argent à Ottawa.»
Il proposait déjà la création d'une caisse santé, mais le déséquilibre entre les revenus et les responsabilités des deux ordres de gouvernement au sein d'une fédération de plus en plus centralisée faisait aussi partie du problème.
À Ottawa, on doit être ravi d'entendre qu'un parti dirigé par M. Legault laisserait ces petites chicanes si ennuyeuses de côté. Enfin, quelqu'un de sensé va se lever et dire aux Québécois qu'ils doivent cesser de prendre le reste du pays pour une vache à lait.
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Que cela constitue un désaveu de Pauline Marois, comme l'a dit le premier ministre Charest, cela ne fait aucun doute, mais il n'y a rien là de nouveau. C'est précisément parce qu'il n'approuvait pas ses orientations que M. Legault a démissionné en juin 2009.
Quant à Joseph Facal, il n'a jamais caché la déception que lui causait la timidité de la mise à jour de la social-démocratie que Mme Marois avait promise quand elle a succédé à André Boisclair.
Il est cependant douteux que cela complique beaucoup la vie de Mme Marois au congrès du printemps prochain, où elle devra se soumettre à un vote de confiance. Cela pourrait même avoir l'effet inverse. Bien des militants péquistes trouvent son «plan pour un Québec souverain» trop mou, mais tenter d'imposer une démarche plus radicale ne ferait qu'apporter de l'eau au moulin de M. Legault.
Ceux qui s'inquiètent de l'insistance de Mme Marois sur la création de la richesse, même si cela demeure de l'ordre du discours, y verront peut-être un moindre mal. On ne connaît pas encore les propositions que feront M. Legault et ses amis, mais on peut s'attendre à du costaud.
L'intérêt que suscite ce qui n'est pourtant qu'une possibilité donne à réfléchir. Les péquistes ont souvent tendance à refuser de voir ce qui se passe à l'extérieur de leurs murs. Les propos qu'avait tenus M. Legault sur le «déclin tranquille» du Québec traduisaient une opinion largement répandue. Ce serait une grave erreur de l'ignorer.
Le PQ étant ce qu'il est, on ne peut pas exclure totalement l'hypothèse d'une fuite en avant, mais ce qui est survenu au congrès de juin 2005 démontre à quel point l'immaturité politique peut saboter une conjoncture favorable.
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Rarement d'accord, Pauline Marois et Bernard Landry ne s'entendent pas non plus sur celui qui pâtirait le plus de la création d'un nouveau parti de droite. La première croit que le PLQ et l'ADQ en feront les frais; le second craint plutôt une division du vote d'opposition.
De toute évidence, les trois partis vont écoper, à des degrés divers. Le problème est qu'ils n'ont pas tous la même durabilité. Déjà en perdition, l'ADQ est sans doute vouée à disparaître ou à se fondre dans le nouveau parti.
Pendant le long règne de l'Union nationale, les libéraux sont restés seize ans dans l'opposition et ils sont revenus plus forts qu'avant. La solide base non francophone du PLQ assure sa pérennité.
Il en va différemment du PQ. Chaque séjour dans l'opposition constitue un véritable test de survie. Il a frôlé le désastre après les élections de 1985, jusqu'à ce que Jacques Parizeau remette le cap sur la souveraineté. Il a eu une autre frousse quand il s'est retrouvé troisième derrière l'ADQ au printemps 2007.
Cela fait plus de sept ans qu'il est retourné dans l'opposition. Depuis ce temps, il en est à son troisième chef. S'il devait perdre les prochaines élections, combien de temps résisterait-il à ses tensions internes? Et s'il disparaissait, qu'adviendrait-il du projet souverainiste? Un autre nouveau parti?
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mdavid@ledevoir.com
Qui écoperait ?
Le PQ étant ce qu'il est, on ne peut pas exclure totalement l'hypothèse d'une fuite en avant, mais ce qui est survenu au congrès de juin 2005 démontre à quel point l'immaturité politique peut saboter une conjoncture favorable.
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