Québec veut-il vraiment ravoir sa colline ?

Le gouvernement Charest pourrait renoncer à la rétrocession des terrains fédéraux

1759-2009: récupérons les Plaines

Québec -- Craignant de faire le jeu du Bloc et du Parti québécois, le gouvernement Charest pourrait abandonner la demande, faite en 2006, de récupérer des terrains que l'État québécois loue au fédéral devant le Parlement, là où se trouvent les bronzes des Lévesque et Bourassa, entre autres personnalités.
Les ministres des Affaires intergouvernementales fédéral et québécois, Josée Verner et Jacques Dupuis, ont discuté de ce sujet, hier matin, lors d'une rencontre à Ottawa. C'est ce qu'a déclaré la ministre en Chambre, hier, en réponse à une question du Bloc québécois. La rencontre Dupuis-Verner n'avait pas été annoncée. «Nous avons discuté de plusieurs dossiers, dont ce dossier, et nous avons convenu d'en reparler plus tard», a soutenu Mme Verner, qui est aussi ministre responsable de la région de Québec.
Le Devoir a révélé samedi qu'en juillet 2006, le précédent ministre des Affaires intergouvernementales, Benoît Pelletier, avait réclamé officiellement que le fédéral transfère la propriété d'un lot -- parmi les quatre -- lui appartenant devant le Parlement. Québec n'avait même pas reçu un accusé de réception, mais n'avait pas relancé le dossier non plus.
Dans l'entourage de M. Dupuis, on refusait hier de dire si Québec avait réitéré sa demande ou non. «Je ne peux pas vous dire qu'on a réclamé la rétrocession des terres. Je ne peux même pas vous dire cela», a déclaré l'attaché de presse de M. Dupuis, David Couturier. Ce dernier a souligné que la demande de transfert était «celle de M. Pelletier en 2006». «Le contexte a changé», a-t-on indiqué. On ne s'attendait pas à ce que ce dossier serve de munitions aux péquistes «à ce point-là», selon ce que l'on nous a confié.
En conseil national en fin de semaine à Québec, le Parti québécois a adopté une motion par laquelle il a réclamé que la propriété des terrains devant le Parlement soit transférée à l'État québécois. La motion mentionnait aussi les plaines d'Abraham.
À Ottawa, le Bloc québécois a transmis la demande, hier, lors de la période de questions. Le député de Longueuil-Pierre-Boucher, Jean Dorion, s'est indigné: «aucune nation au monde ne peut accepter qu'une partie du terrain occupé par son Assemblée nationale appartienne à une autre nation». Mme Verner a rétorqué que le Bloc était en retard: «La statue de René Lévesque a été installée sur les terrains fédéraux par le premier ministre péquiste Lucien Bouchard en 1999. Pourquoi ne se sont-ils pas levés à ce moment-là?»
De New York, l'attaché de presse de Stephen Harper, Dimitri Soudas, a raillé les requêtes du Bloc et du Parti québécois. «Pendant que M. Duceppe et Mme Marois se préoccupent d'être des agents immobiliers, nous on va se concentrer sur l'économie», a-t-il indiqué.
Précédent
Par ailleurs, le dossier des terrains fédéraux loués sur la colline était bien connu dans les années 70, mais «a été par la suite négligé» par les gouvernements successifs, raconte-t-on sur la colline à Québec. Lorsque le gouvernement Lévesque ressort la statue de Maurice Duplessis en 1977, il la place stratégiquement sur un terrain appartenant au Québec, sur le côté sud du Parlement, le long de la Grande-Allée, «précisément pour éviter qu'il se trouve en terrain fédéral!», raconte un historien.
Dans les années 70, un ministre libéral avait déjà essuyé un refus de la part du fédéral de transférer ces terrains à l'État québécois. Dans le livre L'Hôtel du Parlement, témoin de notre histoire (Publication du Québec, 1986) de Luc Noppen et Gaston Deschênes, on comprend que ce n'était pas la première fois.
En 1877, «assez curieusement», Ottawa, qui avait déjà vendu une petite portion du terrain entre les fortifications et le Parlement à un Skating club pour la construction d'une nouvelle patinoire, refuse toutefois de vendre les terrains à Québec, «invoquant des impératifs militaires». En 1881, «le gouvernement fédéral consent néanmoins à louer l'espace convoité [devant le Parlement], déjà divisé en deux par la percée du boulevard Dufferin», aujourd'hui Honoré-Mercier.
Joint à Québec, Gaston Deschênes précise que le petit lot (bien visible sur la carte annexée à la lettre de M. Pelletier: voir www.ledevoir.com/pdf/lettre_pelletier.pdf) a été acheté par Québec en 1888 du Skating Club, lequel l'avait lui-même acquis du fédéral. C'est, encore aujourd'hui, la seule parcelle de terrain dont Québec soit propriétaire dans le quadrilatère qui va du tracé de l'ancienne rue Saint-Eustache aux fortifications et de la Grande-Allée à la rue Dauphine. «C'est amusant, note M. Deschênes, la Couronne fédérale a déjà vendu du terrain "stratégique" pour un club de patinage, près des remparts. Pourquoi a-t-elle refusé de le faire pour le Parlement?»
Fait cocasse, c'est sur ce même lot, en novembre 2006, près du monument Garneau, que la Commission de la capitale nationale du Québec a installé un buste du Mahatma Gandhi. «Le père de la nation indienne et apôtre de la non-violence», comme on le présentait dans le communiqué, se trouve donc en terre québécoise, alors que les Lévesque, Bourassa, Mercier et Lafontaine, sont sur un terrain fédéral loué.


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