Les interventions répétées de Jean Charest dans la campagne électorale fédérale n'ont pas manqué d'étonner, d'autant plus qu'en promouvant certaines revendications autonomistes du Québec et en critiquant de façon à peine voilée le gouvernement Harper, il se faisait l'allié objectif du Bloc québécois. Peu importe ses récents bémols, son comportement n'est pas neutre dans cette élection.
S'il y a un secret de Polichinelle à Québec, c'est bien le fait que la communication entre conservateurs fédéraux et libéraux québécois est brouillée depuis la visite de Stephen Harper faite à Mario Dumont dans son fief de Rivière-du-Loup. L'accolade à son principal adversaire a été reçue par Jean Charest comme un soufflet. Il a compris le sens du dicton qui dit que l'ennemi de mon ennemi est mon ami. Qu'un Bloc québécois fort servirait bien ses intérêts.
Le pire scénario pour le gouvernement Charest serait qu'à l'issue de la présente campagne électorale Stephen Harper acquière une légitimité comme défenseur des intérêts du Québec. Avec une majorité de députés et de suffrages au Québec, il pourrait prétendre parler au nom des Québécois, comme le faisait le premier ministre Trudeau à son époque. Au surplus, une victoire conservatrice pourrait donner un nouveau souffle à l'Action démocratique de Mario Dumont.
Cela éclaire l'attitude de M. Charest. Devant un gouvernement minoritaire conservateur, les députés du Bloc seraient ses alliés. Leur mission première à Ottawa étant de défendre les intérêts du Québec, ils seraient obligés de relayer et d'appuyer ses demandes. Certes, les succès électoraux du Bloc pourraient revigorer le Parti québécois. Celui-ci n'est toutefois pas l'adversaire principal du Parti libéral du Québec pour l'instant, c'est l'ADQ qui joue ce rôle. Le discours autonomiste qu'il tient depuis quelques semaines ne vise qu'à ramener au bercail les électeurs nationalistes qui se sont détournés de lui à l'élection de 2007 en votant pour ce parti.
Les rumeurs d'élections précipitées qu'entretient l'entourage du premier ministre font aussi partie de la stratégie libérale. Le message est clair. Si jamais Stephen Harper acquérait une certaine légitimité le 14 octobre pour parler au nom des Québécois, Jean Charest irait demander à ses concitoyens un mandat fort pour défendre les intérêts du Québec. Cela offrirait aussi l'avantage de pouvoir prendre de vitesse l'ADQ avant qu'elle ne se relève de ses difficultés actuelles.
L'élection d'un gouvernement Harper majoritaire pourrait probablement justifier que Jean Charest aille devant le peuple. L'appui du Bloc lui serait de peu d'utilité, et on pourrait accepter qu'il veuille avoir un mandat clair. Dans le cas où les conservateurs resteraient minoritaires, cela serait difficilement défendable, car, pour parler d'une voix forte au nom du Québec, il aurait l'appui des partis d'opposition à l'Assemblée nationale. Il se ferait alors reprocher de faire passer les intérêts de son parti avant ceux de la nation.
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