Que de grands mots pour dire si peu...

La nation québécoise vue du Québec


Accommodement raisonnable. Amendement constitutionnel. On emploie de bien gros mots dans nos débats existentiels ces temps-ci. Mais il y a tout de même un point commun entre ces deux débats qui se poursuivent, l'un au Québec à l'instigation de Mario Dumont, l'autre à Ottawa à l'initiative de Stephen Harper. Ils se résument à une question en fait : Qui sommes-nous ?
Les Québécois veulent bien être des Canadiens mais pas tout à fait des Canadiens comme les autres. «Distincts,», «particuliers», «différents» : ils ne veulent pas rentrer dans le moule Canadian, qui gomme trop facilement leurs différences.
Au Canada, cela ne dérange pas grand monde qu'un agent de la GRC porte un turban dans son unité, ou que l'on exige de cacher les jambes d'une jeune femme pour sa séance de gymnastique. Au Québec non plus d'ailleurs. Mais c'est la façon dont c'est demandé qui choque. Lorsque c'est demandé au nom d'une vision particulièrement étroite de la religion, cela hérisse le poil des Québécois. Et on comprend pourquoi : on leur a tellement demandé au nom de la religion.
C'est pour cela que la formule de Michael Ignatieff était la plus astucieuse. Qu'y a-t-il de mal en effet à dire «Ma nation, c'est le Québec ; mon pays, c'est le Canada» ? Mais le reste du Canada, comme toujours, a réagi viscéralement : le mot Nation, comme autrefois les mots «société distincte», ou encore «statut particulier», c'est plus que leurs oreilles peuvent en entendre.
Jusqu'ici, il ne s'agit que d'un débat de mots. Mais, une fois votée par la Chambre des communes, quelle valeur prendrait la reconnaissance du Québec ou des Québécois comme «Nation» ? Gilles Duceppe serait bien mal venu de nier toute signification, lui qui, le premier, a amené la question sur le tapis de la Chambre des communes.
Contre-offensive vicieuse
La contre-offensive de Stephen Harper était vicieuse. Affirmer que «cette Chambre reconnaît que les Québécois forment une nation au sein d'un Canada uni», cela peut être interprété comme la négation du droit du Québec à l'autodétermination, droit reconnu depuis des décennies par le Nouveau Parti démocratique, et affirmé dans une résolution adoptée par le Parti progressiste conservateur alors dirigé par Brian Mulroney. [Et en ajoutant que «les Canadiens auront leur mot à dire», Stephen Harper a évoqué la possibilité de tenir un référendum national sur la question, au cas où le résultat de la consultation populaire au Québec ne lui conviendrait pas.]
On comprend donc la réaction de Gilles Duceppe, manifestement envoyé seul au front cette semaine. Il est même invraisemblable qu'André Boisclair ne l'ait pas consulté plus sérieusement sur la réaction appropriée à donner au gouvernement fédéral. La formulation de Duceppe - «Cette Chambre reconnaît que les Québécois forment une nation actuellement au sein du Canada» - est tordue et presque incompréhensible.
Mais ce qui a fait le plus mal au chef du Bloc, c'est que tous les leaders politiques du Québec ont trouvé la formule de Stephen Harper acceptable en ce sens qu'elle représente un pas dans la bonne direction. Dès lors, Gilles Duceppe pouvait-il se permettre d'être le seul à voter contre un texte affirmant solennellement que le Québec est une «Nation» ? Rappelez-vous combien de fois Lucien Bouchard et Jacques Parizeau se sont fait reprocher d'avoir voté contre la reconnaissance du caractère distinct de la société québécoise. Au référendum de 1992 sur l'Accord de Charlottetown, reprenant les grandes lignes de l'Accord du lac Meech, Lucien Bouchard et Jacques Parizeau se sont retrouvés dans le même camp du Non que Pierre Elliott Trudeau. Embarrassant, en effet...
Lundi soir, Gilles Duceppe aurait très bien pu se retrouver dans le camp des refuzniks avec les radicaux du National Post et autres obsédés de toute concession accordée au Québec.
La solution la plus simple pour Gilles Duceppe était de faire une autre volte-face, de se rallier au consensus québécois et de voter pour la résolution de Harper. Autrement dit, de laisser le premier ministre du Canada se battre, seul, pour sa propre résolution !
Quelle signification ?
Par ailleurs, il n'est pas certain que cette résolution soit sans signification. Je me souviens très bien qu'à la veille de sa démission de son poste de ministre fédéral, Lucien Bouchard affirmait à qui voulait l'entendre que cette résolution sur l'Accord du lac Meech, adoptée par la Chambre des communes, le Sénat et les législatures de toutes les provinces, cela voudrait certainement dire quelque chose un jour, devant la Cour suprême. Alors, qui sait si cette affirmation unanime des partis politiques représentés aux Communes n'aura pas, un jour, une signification devant quelque instance des Nations unies ?
«Cela est un grand progrès», a dit le pauvre Gilles Duceppe, qui n'a pas connu sa meilleure semaine. Mais on se souviendra que celui qui ne fut pas à la hauteur, c'est le président du Parti québécois, celui sur lequel repose le succès de toute stratégie référendaire. Ce n'est pas très encourageant...
Jusqu'ici, il ne s'agit que d'un débat de mots
Cochon qui s'en dit !
Nos chefs politiques sont parfois difficiles à suivre. Pour mémoire, voici ce que les uns et les autres disent depuis six mois sur cette question...
Stephen Harper : «Le Québec n'est pas une nation, mais une personnalité unique au sein de la famille canadienne. Bien franchement, je ne sais pas ce que cela signifie sur le plan légal...» Puis, cinq mois plus tard : «Les Québécoises et les Québécois forment une Nation au sein d'un Canada uni.»
Gilles Duceppe : «Le Québec forme une Nation, point.» Le lendemain : «Les Québécoises et les Québécois forment une nation actuellement au sein du Canada.»
Michael Ignatieff : «Ma nation, c'est le Québec ; mon pays, c'est le Canada.»
Stéphane Dion : «Si on dit que les Acadiens sont une nation, que les autochtones sont une nation, pourquoi ne pas dire que les Québécois sont une nation ? Tant qu'il n'y a pas de conséquences légales, je n'ai aucun problème avec cela.»
Bob Rae : «Avec les problèmes de ratification que nous avons, il ne faut pas promettre de faire des choses qui ne sont franchement pas faciles à faire. J'ai travaillé au lac Meech et à Charlottetown, est-ce qu'on veut revivre ça ?»
Un Québécois moyen : «Bof !»
Un Canadien moyen : «Never !»


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1 commentaire

  • Archives de Vigile Répondre

    28 novembre 2006

    M. Vastel surréagit. Nous sommes dans ce "Canada uni" jusqu à que l on décide d en en sortir et cette motion de la reconnaissance de la nation Québécoise va nous y aider si le PQ saisit la balle au bond. L erreur de M. Harper aura été de dire que cette motion sur la reconnaissance de la nation n avait aucune implication politique et juridique. C est faux et les 85% (sondage TVA 28 nov) de la population du ROC qui s opposent à cette reconnaissance l apprendront bien assez vite. La question que soulève cette motion est celle de savoir: qui est Québécois. Et le seul gouvernement qui peut répondre légalement et politiquement à cett question c est le Gouvernement du Québec. Donc le PQ au pouvoir aura l occasion de nous donner une Constitution du Québec avec un code de la citoyenneté rattaché au territoire.l occasion donc de préciser les contours politique et légal du pays à venir. Quand le ROC va réaliser que la motion des Conservateur aura été le feu vert que nous permettra de créer l armature de notre état nation leurs réactions seront terribles. Le Lac Meech part two peut ëtre. La réaisation de l indépendance est un long chemin (R M Sauvé) et il faut consolider les acquis à chaque étape et cette étape ci est fondamentale si on sait en tirer partie La balle est maintenant dans le camp du PQ.