L'identité québécoise n'est pas à vendre

Par André Marceau

La nation québécoise vue du Québec

À Cambridge en 1992, devant Pierre Trudeau et un fort groupe de juges canadiens dont j'étais, le professeur Yoram Dinstein, alors président de l'Université de Tel-Aviv, en Israël, une autorité incontestable en droit international, avait affirmé tout haut que le Québec constituait de toute évidence un peuple (en anglais, people signifie «nation»), sinon, il n'y avait aucun peuple sur Terre. («If Quebec is no people, there is none on Earth.»)
M. Trudeau, contrarié par cette affirmation, leva la main et lui demanda ironiquement: «Et les Palestiniens du Golan, M. le professeur, constituent-ils un peuple eux aussi?» Et le savant professeur lui répondit devant tout le groupe: «Certainement, M Trudeau, et je dois ajouter qu'ils le sont encore plus depuis que nous avons créé l'État d'Israël.»
Les Canadiens juifs, qui sont très nombreux aux alentours des libéraux et dont les ancêtres ont parcouru le monde pendant des siècles avant de s'apercevoir, avec l'Israël d'aujourd'hui, qu'il est extrêmement difficile de se refaire un vrai pays à soi-même, devraient expliquer au nouveau chef du Parti libéral du Canada qu'il est sur une fausse piste s'il croit que le peuple québécois continuera d'accepter longtemps le joug du Canada.
L'identité de notre peuple repose depuis Champlain sur 399 ans de vie commune, sur des vagues d'immigration d'origines diverses, sur une vie tricotée serré aux alentours du grand fleuve, sur l'humanisme de l'Évangile, et son histoire commune est pleine d'énormes injustices et de spoliations de toutes sortes. C'est sa patience séculaire et la nécessité de perdurer comme tel en français qui ont réussi à cimenter sa résistance à l'assimilation. Son identité n'est pas à vendre.
André Marceau

Juge retraité de la Cour du Québec et vice-président de la Société historique de Québec

Québec, le 3 décembre 2006


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