Qui trop embrasse mal étreint, dit le proverbe. C'est à ce travers que le Parti québécois a succombé hier en présentant des recommandations pour soi-disant assainir les mœurs politiques, mais qui vont dans tous les sens. Pourtant, ce n'est pas l'improvisation qui va contribuer à améliorer la situation actuelle.
Il y a eu bien de l'étonnement quand le premier ministre Jean Charest a annoncé, il y a peu, la mise en place d'une unité anticorruption permanente. L'idée, empruntée aux Américains, ne s'appuyait sur aucun plan précis. Un lapin sorti du chapeau, en pleine fin de session parlementaire, dans la foulée de la défaite libérale dans Kamouraska-Témiscouata et d'une motion de censure déposée, et battue, à l'Assemblée nationale.
Hier, c'était au tour de Pauline Marois de sortir du sac non pas un, mais 16 lapins afin de «redonner confiance aux Québécois dans leurs institutions démocratiques». Pourquoi ces mesures-là, pourquoi maintenant? Madame Marois et son équipe n'avaient pas de réponse claire à donner, et visiblement, le travail de réflexion avait été escamoté.
Ainsi de l'idée, la plus spectaculaire, de limiter le nombre de mandats du premier ministre et des maires, comme s'il y avait forcément un lien entre longévité politique et pratiques douteuses. Pourtant, comme le signalait au Devoir le politologue Louis Massicotte, c'est au cours de son premier mandat que le maire de Laval, Gilles Vaillancourt, aurait offert une enveloppe pleine d'argent à Serge Ménard, alors candidat péquiste. Et la commission Bastarache a été instituée en raison de gestes qui auraient été posés par un gouvernement Charest tout nouvellement élu...
Resserrer les règles, augmenter le nombre d'enquêteurs, revoir des modes de nomination est par ailleurs important, mais il ne s'agit pas d'une panacée. N'a-t-on pas vu, encore la semaine dernière, de curieux dépassements de coûts dans des contrats gouvernementaux récemment accordés et dont on pouvait croire qu'ils seraient scrutés à la loupe?
Quant aux enquêteurs, leur nombre importe moins que d'arriver à faire leur travail sans risque de se faire tabasser. La mystérieuse agression dont a été victime, vendredi dernier, un cadre de l'Agence du revenu du Canada ne rassurera personne, d'autant qu'il ne s'agit pas d'une première: la mise à jour de scandales a coïncidé, ces dernières années, avec d'autres agressions du genre. Il faut se croire bien au-dessus de tout pour frapper ainsi, alors que policiers, journalistes, citoyens sont aux abois.
C'est à cette réalité très terre-à-terre, qui se nourrit d'un sentiment d'impunité, qu'il faut s'en tenir pour le moment. On s'égare quand on s'attarde à la mécanique des mesures à adopter. Ce qu'il faut d'abord et avant tout, c'est une enquête publique qui nous révélera le scénario du mauvais film dans lequel le Québec est plongé: les acteurs, leurs complices, leur mode d'opération, les ramifications... Après on saura si les solutions passent par le Directeur général des élections, la Commission municipale ou le Vérificateur général.
Mais il faudra aussi se sortir de la mécanique. Un nouveau discours doit émerger sur la place publique. Il y a plus de 20 ans qu'on démonise l'État, accusé d'être lourd, dépensier, inefficace... On a cru, ici et ailleurs, que l'État devait se gérer comme une entreprise. Il est temps de lui redonner une mission plutôt que des objectifs de rentabilité. Ce sera, à long terme, la meilleure façon d'en éloigner les profiteurs.
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jboileau@ledevoir.com
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