Projet de loi 60 et désobéissance - Irrecevable

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En démocratie, la loi s'applique à tous, et tous sont égaux devant la loi

Dans la consultation qui s’engage aujourd’hui à l’Assemblée nationale sur le projet de loi 60, la fameuse charte des « valeurs de laïcité », plusieurs personnes et même certains organismes prôneront la « désobéissance civile ». La commission English-Montreal et l’Université Concordia ont déjà commencé à tenir ce discours. Si chevaleresque soit-il, il ne tient pas la route.

Si vous adoptez cette loi, on ne l’appliquera pas. Tel est en substance le discours que la Commission scolaire English-Montreal (CSEM) entend tenir lors de la consultation sur le projet de loi 60 qui s’entame mardi. Dans leur mémoire déposé à la commission, ses auteurs prennent soin de dire qu’ils respectent généralement les lois du Québec, même lorsqu’elles ne leur plaisent pas, comme la loi 101. Mais le projet de loi 60, lui, dépasse les bornes : ils ne l’appuient aucunement et ne mettront pas la loi en oeuvre si elle est adoptée.

Voilà qui rappelle la position adoptée par Amir Khadir lors du conflit étudiant de 2012. Le député QS avait placardé la fameuse phrase « Quand l’injustice devient loi, la résistance est un devoir » à la porte de sa maison. Il avait été arrêté lors d’une manifestation « illégale ». On se souviendra alors de sa phrase : « Je fais ce que Martin Luther King aurait fait, ce que Gandhi aurait fait. » Contraints à expliciter leurs réticences, ceux qui annoncent leur refus d’appliquer l’éventuelle charte tiendraient sans doute le même type de discours.

Au fait, y a-t-il un droit à la désobéissance en droit canadien, auquel se réfère la CSEM ? Aucunement. Dans nos pages, au mois d’août, l’avocat Hugo Tremblay l’a bien expliqué. Même pacifiques, même motivés par les objectifs nobles, désintéressés, les actes illégaux méritent sanctions, estiment les tribunaux. Et cela, afin de préserver « l’application systématique de la loi » parce que celle-ci « exprime la volonté de la majorité en démocratie ». Car oui, l’adoption d’une loi par un Parlement fait partie de ce que nous considérons comme démocratique.

La jurisprudence canadienne rejette d’ailleurs, soulignait M. Tremblay, toute comparaison que fera un accusé « avec des personnages historiques tels que Gandhi ou Mandela ». Pourquoi ? Parce que ces derniers vivaient dans des régimes qui ne leur « permettaient pas de prendre part au processus politique afin de changer la loi dans le respect du droit, comme cela est en principe possible au Canada ».

Il est déconcertant que des organismes publics — financés par des deniers publics : une université, une commission scolaire —, qui ne cessent pourtant de se référer au principe de la « démocratie », tiennent de tels discours. Surtout à propos d’une loi qui est loin d’être adoptée et qu’ils seraient libres de contester. C’est lancer une bombe atomique préventive qui révèle un rapport malsain aux institutions politiques québécoises légitimes, à son parlementarisme plus que bicentenaire.

L’éthicien Guy Durand a déjà énuméré, dans un « Devoir de philo », trois conditions à respecter pour qu’un acte de désobéissance soit éthique et légitime. D’abord, il faut démontrer qu’il y a atteinte importante aux convictions personnelles. Dans le cas présent, la CSEM l’affirme de manière convaincante. L’ennui : c’est une commission scolaire, pas un individu avec des « convictions personnelles » !

Deuxièmement, il doit exister une certaine « proportionnalité entre les conséquences de la désobéissance et celles du respect de la loi ou de l’ordre ». Sur ce sujet, la discussion pourrait se tenir, mais elle serait longue.
Enfin, M. Durand explique qu’il doit s’agir d’une « mesure de dernier recours », que l’on adopte une fois tous les autres moyens ayant été épuisés. Énoncer cette condition, c’est évidemment prendre conscience du caractère irrecevable de la position des « désobéissants », dans le cas qui nous concerne.


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