Il y a un an, l'ancien premier ministre Jacques Parizeau est venu jouer les... (Photothèque Le Soleil)
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Il y a un an, l'ancien premier ministre Jacques Parizeau est venu jouer les empêcheurs de tourner en rond en nous remettant sous le nez des chiffres affolants sur le décrochage scolaire au Québec. Tout à coup, quelque part, des méninges se sont mises à tourner très vite et un rapport non sollicité du banquier Ménard a vu le jour annonçant, semble-t-il, un Plan Courchesne destiné à calmer le scandale.
Nous avions lu le Rapport Ménard, deux fois plutôt qu'une, comme nous avons lu d'autres rapports qui l'ont précédé dans ce domaine, depuis le remarquable Rapport Parent des années 1960. Nous attendions donc avec beaucoup d'impatience la parution du plan Courchesne pour savoir comment il s'inspirerait, non seulement du Rapport Ménard, mais aussi d'autres enquêtes à avoir traité du même sujet dans le passé. À notre grand étonnement, le plan Courchesne semble plutôt imiter la Ligue nationale de hockey qui vient de mettre en place de nouvelles règles pour augmenter le nombre de buts comptés à chaque partie.
L'objectif principal du plan Courchesne est de déterminer des moyens d'accroître les taux de diplômation des écoles secondaires du Québec, soit de faire en sorte qu'elles améliorent leur «score». Ainsi, pour augmenter le pointage, le Plan Courchesne recommande de diminuer le nombre d'élèves par classe, d'établir des cibles à respecter par les commissions scolaires, de fournir un accompagnement individualisé là où il le faut, de mieux préparer les élèves issus des milieux défavorisés à entrer à l'école, etc. Comme au hockey, dans le domaine scolaire, la réponse consisterait à intervenir sur la «patinoire» et sur les «joueurs», alors que c'est peut-être davantage à l'échelle de la société qu'il faudrait frapper.
Plutôt, pourquoi ne pas faire en sorte que la valeur intrinsèque des jeunes soit reconnue? Par exemple, durant les années 1950-1960, la demande de travailleurs était si forte qu'on accusait les jeunes de gaspiller leur temps quand ils demeuraient trop longtemps sur les bancs d'école. L'idée même de persévérance scolaire n'avait aucun sens parce que les jeunes avaient alors une valeur marchande et sociale. De nos jours, paradoxalement, on veut tout mettre en oeuvre pour retenir les jeunes à l'école au moment où y demeurer longtemps pourrait bien constituer une perte de temps pour eux, mais pour d'autres raisons cette fois.
Fonction carcérale...
Ainsi, bien des gens diplômés, dont ceux qui possèdent des doctorats (Ph.D.), finissent dans des emplois précaires et sont condamnés à vivoter. Or dans le contexte économique que l'on sait, les jeunes, on ne veut surtout pas les lâcher dans la nature et risquer d'augmenter la criminalité. Rappelons qu'au XIXe siècle en Grande-Bretagne, l'instruction a été rendue obligatoire avant tout pour sortir les jeunes de la rue parce qu'on les percevait comme autant de candidats à la profession de pickpockets. À l'époque, la fonction principale de l'école n'était surtout pas d'améliorer les habiletés en français et en arithmétique, comme c'est supposé être le cas aujourd'hui. Mais à écouter les histoires d'horreurs qui se dérouleraient dans les classes de bien des écoles secondaires, on comprend que la fonction carcérale de l'école pourrait bien avoir repris le dessus sur celle de l'enseignement. «Ouvrir une école, c'est fermer une prison», écrivait Victor Hugo. Mais il n'a jamais dit de remplacer une prison par une autre!
Si l'on veut sincèrement reconnecter les jeunes à leur société, pourquoi ne pas leur offrir une alternative à l'école, ou à la prison, c'est-à-dire une combinaison formation-travail? On pourrait par exemple proposer pour les jeunes décrocheurs, ou candidats au décrochage, des expériences de travail dans des «Peace Corps». Par ces expériences on offrirait aux jeunes la possibilité de se rendre socialement utiles en oeuvrant auprès des gens mal pris dont le nombre va croissant, ici et ailleurs. Bien des jeunes ne demandent qu'à servir et nous savons tous à quel point ils sont sensibles à l'injustice sociale.
Pourquoi ne pas les écouter, surtout s'ils vibrent à l'engagement? Ils pourraient toujours décider, plus tard, de retourner à l'école. Même que des banquiers pourraient faire tous les calculs requis pour démontrer que l'opération pourrait s'avérer rentable, tant économiquement que socialement. Mais dans l'immédiat, oublions tous les plans de maintien des jeunes à l'école, des plans qui semblent voués d'avance à l'échec.
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Jules Lamarre, Ph.D., économiste et géographe et Édith Mukakayumba, Ph.D., géographe
Montréal
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