Je ne vous comprends pas, M. Parizeau. Vous avez écrit une lettre de deux pages qui a été publiée dans le Journal de Montréal hier. Vous êtes scandalisé par les taux d'obtention de diplôme des jeunes au secondaire et vous tombez en bas de votre chaise en constatant que les élèves du privé sont meilleurs que ceux du public.
Vous trempez votre plume dans l'encre écarlate et vous accusez. Terrible, terrible, dites-vous, le système d'éducation s'effondre, le Ministère doit s'expliquer, il faut poser un diagnostic. Où s'en va le Québec?
Et vous jetez vos chiffres à la figure du lecteur en prenant soin de déchirer votre chemise à chaque paragraphe.
Mais où étiez-vous au cours des 15 dernières années? C'est vous, oui, vous, premier ministre du Québec, qui avez lancé les états généraux sur l'éducation en 1995 parce que, et je vous cite, «il faut trouver la lumière à travers ce drame national que représente un taux de décrochage de 36% au secondaire».
Les états généraux, je vous le rappelle, ont viré le Québec à l'envers pendant plus d'un an. Consultations régionales et nationales. Tout le système d'éducation a été ausculté, scruté, analysé, palpé, du primaire au secondaire, en passant par les cégeps et les universités. Et ce gigantesque exercice a débouché sur la réforme.
Et aujourd'hui, vous arrivez, comme ça, bang! Vous sonnez l'alarme. Vous réveillez le brave citoyen. Et vous vous réveillez vous-même, si je comprends bien. J'ai l'impression que vous venez de découvrir la corde à linge sans épingle. Mais d'où sortez-vous?
Reprenons vos chiffres qui sont rigoureusement exacts à la virgule près. Je les ai vérifiés. Tous. Ce qui me fait rigoler, ce ne sont pas vos chiffres, mais votre absence totale de regard historique, vous, un ancien premier ministre.
Commençons par le décrochage, ce «drame national» qui vous préoccupait tant en 1995. Eh bien! il est à la baisse depuis quelques années. En 2001-2002, à Montréal, 43% des garçons décrochaient, comparativement à 27% des filles. Quatre ans plus tard, en 2005-2006, 39% des gars décrochaient et 24% des filles. Une baisse de trois à quatre points. Une petite victoire.
Prenons maintenant le taux de réussite. En 2000, 65% des garçons obtenaient leur diplôme d'études secondaires en sept ans. En 1989, ce chiffre s'établissait à 67%. Pour les filles, même constat, les chiffres bougent peu: 79% en 2000, 80% en 1989. Rien de nouveau sous le soleil.
Par contre, vous avez raison de vous inquiéter, car les taux de réussite, eux, ont baissé depuis quelques années. Et la dégringolade est sérieuse.
En 2000, 90% des filles et 88% des garçons avaient réussi les examens du Ministère. En 2007, ces chiffres tombaient à 86% pour les filles et 83% pour les garçons. Une chute de quatre points pour les filles et de cinq pour les garçons.
Le pire, c'est que ces élèves de quatrième et cinquième secondaire n'ont pas connu la réforme. Dans deux ans, les rejetons de la réforme passeront ces examens. Les résultats risquent de dégringoler. Que ferez-vous, M. Parizeau, lorsque vous lirez les résultats? Vous risquez de manquer de superlatifs. Et de chemise.
Mais la cerise sur le sundae, c'est votre cri d'alarme sur l'écart entre le privé et le public. En 2002, 53% des élèves du public obtenaient leur diplôme en cinq ans, contre 83% au privé. «C'est proprement effrayant», écrivez-vous.
C'est vrai. Et ce le sera davantage si rien n'est fait pour corriger la situation. Mais les gouvernements ont toujours refusé de s'attaquer à ce problème. Tabou.
J'ai déjà demandé à Bernard Landry, lorsqu'il était premier ministre du Québec, s'il envisageait de remettre en question les subventions à l'école privée. Il m'a regardée comme si j'avais la gale.
Et que dire de Lucien Bouchard à qui j'ai posé la même question lorsqu'il dirigeait la Belle Province. Il a chassé ma question d'un geste large et noble avec l'air de dire: Holà! Mais qui est ce manant qui ose m'importuner?
Bernard Landry et Lucien Bouchard. Deux péquistes. Votre parti, M. Parizeau. Alors vous pouvez repasser avec votre «déchirage» de chemise sur l'écart «effrayant» entre le privé et le public. Pour moi, vous avez zéro crédibilité parce que vous n'avez rien fait lorsque vous étiez aux commandes.
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