Le décrochage scolaire est un problème majeur auquel font face toutes les sociétés modernes, à quelques exceptions près. C'est pour cette raison, mais aussi pour remettre les choses en perspective, que la dernière sortie publique de l'ancien premier ministre Jacques Parizeau mérite qu'on s'y arrête.
Au Québec, le taux de décrochage scolaire varie énormément selon le quartier, le sexe, l'âge des candidats et le réseau qu'ils fréquentent. Au privé, on le devine, le taux de décrochage est très bas, mais les renvois d'élèves au moindre échec faussent les données.
Dans certaines commissions scolaires francophones de quartiers défavorisés, le taux de décrochage grimpe à 60 %, voire encore plus haut si on ne retient que le sous-groupe des garçons.
Pour ce qui est de l'âge de référence, si on utilise 19 ans, on constate que le pourcentage de ceux qui n'ont pas obtenu le diplôme d'études secondaires atteint 28 %, mais ô surprise! il chute à 12 % avant l'âge de 30 ans. En d'autres mots, les ados d'aujourd'hui sont friands de liberté, vraie ou fausse, mais la plupart raccrochent plus tard pour terminer leur secondaire, apprendre un métier ou même poursuivre des études postsecondaires.
On pourrait continuer ainsi longuement, mais contentons-nous de redire que le décrochage scolaire définitif avant la fin du secondaire est un phénomène dramatique, tant pour les individus que pour la collectivité. Lors des États généraux de l'éducation, en 1996, on avait fixé à 2010 l'échéance pour faire passer le taux de diplomation des jeunes de 19 ans à 85 %. Force est de constater qu'il s'agissait d'un voeu pieux.
Cela dit, la question n'est pas de savoir si la commission scolaire est francophone ou anglophone, comme le soulève Jacques Parizeau, mais quelles clientèles fréquentent ces écoles. À sexe, revenus et origines semblables, les jeunes réussissent dans la même proportion en français et en anglais. Ce n'est donc pas un hasard si le taux de décrochage est moins élevé dans les Laurentides, ce dont parle M. Parizeau, puisque le revenu moyen des familles y est plus élevé qu'à Montréal-Nord et le nombre d'immigrants très faible.
À qui la faute du décrochage? Au système d'éducation public? En partie, certes, notamment en ce qui touche à l'encadrement des adolescents, qui est nettement insuffisant dans le réseau public. Mais surtout à notre mode de vie et à nos valeurs. L'école et son personnel n'arriveront jamais à contrer les modes et les vagues de fond qui influencent les parents et les adolescents dans le choix de leurs priorités. On aura beau réduire le nombre d'étudiants par classe et rapatrier les élèves du privé pour relever la moyenne, cela ne changera rien aux conditions socioéconomiques des familles d'où provient la majorité des décrocheurs définitifs. Le meilleur instrument de lutte contre le décrochage est la lutte contre la pauvreté et le rétablissement de l'éducation au rang de priorité sociale absolue. Ce qui est beaucoup plus facile à dire qu'à faire!
Tout en reconnaissant la gravité du problème, il est exagéré de conclure que notre système d'éducation est «un gâchis». Ainsi, aux examens pancanadiens et internationaux de lecture, de mathématiques et de sciences, les jeunes Québécois de deuxième secondaire se classent parmi les premiers. Lorsqu'il a atteint 30 ans, un Québécois a passé en moyenne la moitié de sa vie sur les bancs d'école, comme le jeune Ontarien. Puis, franchement, qui peut affirmer sans rire que les techniciens, ingénieurs, médecins, gens de métier ou simples manoeuvres qui ont aujourd'hui 30 ans au Québec sont moins compétents ou même moins cultivés que leurs prédécesseurs? Celui-là est un nostalgique fini!
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