LE «TUEUR DE SATELLITES» DE LA CHINE

Pourquoi la guerre des étoiles avec les États-Unis n'aura pas lieu...

17. Actualité archives 2007


«Le commandant de l'armée de libération du peuple (PLA) s’agita.
— Camarade Président, le Peuple chinois a toujours été une race fière. Le Parti et le Peuple sont unis pour rétablir l’hégémonie de la Chine. Le chômage et la pauvreté ne pourront rien contre la soumission des nations voisines à nos propres désirs.
— Camarade Général, il faut être fou, lança un autre membre du Politburo. Vous parlez d’une guerre, une guerre sans fin, dans toute la région.
— Non, camarade. Je dis seulement que si l’on fait tomber un domino, les autres tomberont tous seuls.»
(Tiré du roman de Jed Babbin et Edward Timperlake, Showdown : Why China Wants War With The United States, Washington, 2006)
Il existe une petite industrie florissante aux États-Unis qui fabrique des articles de magazines aux titres aussi accrocheurs que La prochaine guerre contre la Chine ou Comment vaincre la Chine. Il y a aussi l’œuvre littéraire de circonstance de J. Babbin et E. Timperlake, une fiction relatant une guerre entre Américains et Chinois. La «montée en puissance militaire de la Chine» est désormais un élément récurrent dans les documents émis chaque année par le Pentagone afin de justifier ses demandes budgétaires. Et maintenant, nous avons droit aux tant redoutés «tueurs de satellites» chinois.
C’est le site Internet de la revue spécialisée Aviation Week and Space Technology qui l’a publié en exclusivité : «Selon des informations détaillées de sources spatiales, le satellite météo chinois en orbite polaire Feng-Yun 1C, lancé en 1999, a été attaqué par un dispositif asat (antisatellites) mis à feu depuis ou à proximité du centre spatial de Xichang». Le 11 janvier, la Chine a testé son premier missile tueur de satellites ; le mouvement de critiques ne s’est pas fait attendre.
«Les États-Unis pensent que les essais et la mise au point de ces armes à l’initiative de la Chine vont à l’encontre de l’esprit de coopération auquel aspirent les deux pays dans le secteur spatial civil», a déclaré Gordon Johndroe, porte-parole du Conseil de sécurité nationale de la Maison Blanche. «[Les États-Unis] ainsi que d’autres pays ont exprimé aux Chinois leur inquiétude à propos de cette initiative.»
Les suspects habituels leur ont emboîté le pas et ont condamné de la même manière cette entreprise chinoise. Le ministre australien des Affaires étrangères, Alex Downer, a indiqué que «la capacité d’abattre des satellites dans le cosmos sont contraires à […] la position traditionnelle de la Chine, qui s’oppose à la militarisation de l’espace». En Grande-Bretagne, Tony Blair a servi le même discours : les essais chinois sont «contraires à l’esprit de la déclaration de la Chine devant l’ONU et d’autres organismes au sujet de l’utilisation militaire l’espace».
Un traité de démilitarisation de l'espace
Cette remarque est valable dans la mesure où, depuis dix ans, la Chine préconise un traité international qui engage les États dans un effort de Prévention d’une Course aux Armements dans l’espace (PAROS). Mais ce qu’a fait la Chine n’est en rien contraire à la position traditionnelle des États-Unis sur la militarisation de l’espace, à savoir : tout va bien tant que nous le faisons (le premier essai américain d’armes antisatellites a eu lieu il y a 22 ans).
Voilà dix ans que la Chine fait pression pour obtenir un traité de démilitarisation de l’espace. Et depuis dix ans, les États-Unis, largement supérieurs en termes de technologie spatiale, refusent d’accéder à sa demande. Bien sûr, les Chinois se servent peut-être simplement de l’hostilité dogmatique de l’administration Bush vis-à-vis de tout traité limitant l’utilisation des armes pour se donner une bonne image alors qu’en réalité, ils jouent exactement le même jeu que le Pentagone. Qui sait ? La manipulation et la tromperie sont une seconde nature chez les hommes (chez tous les primates supérieurs d’ailleurs). Ce n’est pas grave, ce qui importe c’est la nature du jeu.
Les satellites sont les yeux des armées
L’aspect stratégique d’un missile capable d’anéantir des satellites est que celui-ci peut déposséder l’adversaire de ses yeux électroniques et de sa faculté de contrôle de toute une zone de combat en temps réel. (83 % des communications des forces de la coalition sont passées par des satellites pendant l’invasion de l’Irak). La capacité de détruire les satellites américains serait une menace de taille si la Chine devait un jour affronter la Septième flotte américaine dans le détroit de Taïwan.
Mais soyons réalistes : la Chine ne pourrait jamais abattre tous les satellites américains. Il faudrait détruire les quelque 300 satellites en basse orbite : en quelques heures, le site de lancement du Xichang serait réduit à un tas de décombres fumant. Les satellites américains épargnés récupèreraient la fonction de commandement, les avions furtifs assureraient la reconnaissance et tout se passerait pratiquement comme dans les scénarios imaginés en cas de nouveau conflit avec Taïwan — à la différence qu’une cible au fin fond de la Chine, Xichang, aurait été touchée.
De la science fiction!
Maintenant, on parle de patries, alors cela devient effrayant ! Mais ne vous affolez pas : ils ne laisseront jamais les choses dégénérer. Les États-Unis et la République populaire de Chine sont indissolublement liés par le commerce, de sorte qu’une guerre est inconcevable.
Penchons-nous néanmoins sur ces remarques de Will Hutton, dont l’ouvrage sur la Chine contemporaine, The Writing on the Wall, vient d’être publié en Grande-Bretagne le mois dernier : «Très peu [de gens dans le monde] comprennent la sentiment bismarckien d’avant 1914 à l’égard de la politique des grandes puissances asiatiques […] L’Asie est une poudrière qui renferme des nationalismes rivaux, des conflits au sujet des ressources énergétiques rares et des inimitiés mutuelles non résolues […] Ce n’est plus être alarmiste que d’avertir non pas d’un petit risque mais d’un risque grandissant de guerre asiatique dévastatrice.
La Chine ne souhaite pas une telle guerre. Ni les États-Unis, le Japon ou quiconque d’autre. Mais personne non plus n’a souhaité la Première Guerre mondiale. Elle est survenue, comme disent les contemporains, «comme un coup de tonnerre dans un ciel clair ».
*Basé à Londres, l'auteur voit ses articles publiés dans 45 pays. Son dernier livre, Futur Imparfait, est publié au Canada aux Éditions Lanctôt.


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