Bush a peu de chance de faire la paix entre Palestiniens et Israéliens

Dans cette mascarade, les dirigeants locaux ne font que jouer le rôle qui leur est attribué pour contenter Washington. Et une chose est sûre : le président Bush devra trouver son héritage ailleurs.

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Le cercle vicieux : colonisation, résistance, répression


George W. Bush et Mahmoud Abbas, président de l’Autorité palestinienne. (Phototèque Le Soleil)




« Ne soyons pas trop optimistes. Nous avons affaire à deux dirigeants affaiblis, d'un côté comme de l'autre. Des dirigeants qui ont eux-mêmes une autonomie très réduite (...) On peut dire sans risquer de se tromper qu'il ne se produira pas de miracle. »
Voilà ce qu'a écrit le journaliste israélien Yoel Marcus dans Ha'aretz, à la veille de la visite du président George W. Bush en Israël. Les deux dirigeants « affaiblis » auxquels il fait référence sont le Premier ministre israélien Ehoud Olmert et le président de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas. Mais ce qualificatif s'applique tout aussi bien au président américain.
Le commentaire le plus positif que l'on puisse faire au sujet de la tournée éclair de sept jours de George W. Bush au Moyen-Orient (Israël, Cisjordanie, Koweït, Bahreïn, Émirats arabes unis, Arabie saoudite et Égypte, plus peut-être une escale surprise en Irak), est qu'elle n'aggravera vraisemblablement pas la situation. Disons qu'il faudrait faire preuve d'une grande créativité pour aggraver cette situation déjà critique.
Clinton jouissait d'un environnement plus favorable
Les experts en communication sont à l'œuvre, livrant des prévisions optimistes sur l'issue de cette initiative de l'administration Bush. Ce dernier rêve de laisser un héritage positif, sous la forme d'un règlement de paix israélo-palestinien, après avoir échoué sur presque tous les autres fronts. (Évitons de parler des discussions de Camp David, entreprise vaine du même genre signée Bill Clinton, dans la dernière année de ses huit ans de mandats à la Maison Blanche ; ce n'est pas très apprécié.) Cela dit, Clinton a bénéficié d'un environnement nettement plus favorable que Bush. Ce dernier n'est pas entièrement responsable du chaos qui règne au dans la région israélo-palestinienne.
Du temps de Clinton (1993-2001), il y avait encore de quoi croire dans une « solution des deux États » : un État palestinien indépendant coexistant pacifiquement avec Israël, sur le territoire de l'ancien protectorat anglais en Palestine. Les Accords d'Oslo de 1993 avaient abouti à un projet visant à atteindre cet objectif en passant par différentes phases de négociations et de concessions. Les opposants farouches à tout compromis de paix dans les deux camps se sont alors mis à craindre qu'un accord soit effectivement trouvé, mais leur obstructionnisme a largement contribué à ce qu'il ne se concrétise pas.
Après l'assassinat d'Itzhak Rabin, Premier ministre israélien en faveur de la paix, par un extrémiste juif en 1995, les Palestiniens radicaux du Hamas et du djihad islamique ont eu peur que les Israéliens élisent, dans un mouvement d'empathie, un gouvernement résolu à conclure la paix. Pour empêcher cela, ils ont organisé une série d'attentats terroristes en faisant exploser des bus. Leur but était de tuer suffisamment d'Israéliens pour provoquer une vague de colère et pousser les électeurs dans les bras du parti israélien de droite, le Likoud, qui était fondamentalement opposé à tout accord de paix en échange de territoires avec les Palestiniens.
Les explosions de bus qui ont ponctué la période électorale de 1996 ont, comme prévu, amené au poste de Premier ministre le dirigeant du Likoud, Benyamin Netanyahou. Ce dernier a passé les trois années suivantes à faire mine de négocier avec les Palestiniens (pour faire plaisir à la Maison Blanche de Clinton), tout en rechignant à faire ce qui était réellement nécessaire pour rendre viable un État palestinien. Les explosions de bus ont alors cessé, car il n'y avait plus aucun danger d'un règlement de paix sur la base de deux États.
La deuxième Intifada était en marche...
Au milieu de l'année 1999, le changement de gouvernement en Israël a recréé une mince chance de ressusciter le projet d'Oslo, même si les Palestiniens étaient largement désabusés quant à sa viabilité. En juillet 2000, l'administration Clinton a organisé les pourparlers de Camp David dans un ultime espoir d'arracher un succès in extremis, en vain. En 2001, lorsque George W. Bush est entré en fonction aux États-Unis, la deuxième intifada (insurrection palestinienne) était déjà bien en marche.
Depuis, les choses sont allées de mal en pis. Les Israéliens ont perdu l'espoir d'une paix négociée et sont passés à des mesures unilatérales, comme en témoigne le mur qui traverse la Cisjordanie et sépare les colonies israéliennes de l'arrière-pays palestinien. Chez beaucoup de Palestiniens, la mort d'Arafat, en 2004, a enterré la dernière once de crédibilité que pouvait revêtir la solution des deux États. Là aussi, la ligne dure de l'opposition est montée en puissance, avec la consécration l'été dernier: la prise de la bande de Gaza par le Hamas qui, de fait, divise en deux l'Autorité palestinienne.
Pas la faute de Bush
Tout cela n'est pas vraiment imputable au président Bush. Les choses ne se seraient vraisemblablement pas passées autrement même s'il s'était montré hyperactif plutôt que comateux dans la quête d'un règlement de la paix entre Israéliens et Palestiniens. C'est plus à l'est (en Irak) qu'il a causé de lourds dégâts. En conséquence de quoi le monde arabe va devoir faire face aux islamistes radicaux – qu'il a finalement renforcés – pendant de longues années. Mais s'agissant de la situation entre Israéliens et Palestiniens, il faut dire que le processus de paix était déjà moribond avant même que le président américain ne mette un pied à la Maison Blanche.
Un autre journal israélien, le Jerusalem Post, livre une juste évaluation des perspectives de l'initiative actuelle : « Une fois encore, les Israéliens opposés à toute concession territoriale peuvent être tranquilles. Les dirigeants arabes semblent décidés à condamner à l'échec le processus de paix en attendant que quelqu'un d'autre le fasse avancer. »
Un journal arabe pourrait écrire tout aussi justement que les Palestiniens opposés à toute concession territoriale peuvent être tranquilles. Le gouvernement israélien ne tarderait pas à chuter si le Premier ministre Olmert proposait des mesures assez fortes pour raviver l'espoir palestinien d'une paix négociée. Le rideau final est tombé. Dans cette mascarade, les dirigeants locaux ne font que jouer le rôle qui leur est attribué pour contenter Washington. Et une chose est sûre : le président Bush devra trouver son héritage ailleurs.
*L'auteur est un journaliste canadien, basé à Londres. Ses articles sont publiés dans 45 pays. Son dernier livre, Futur Imparfait, est publié au Canada aux Éditions Lanctôt.
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