Lettre ouverte

Pour un Québec souverain

Par Jean-Pierre Pfisterer

2006 textes seuls

Lettre ouverte
Au chef du Parti Québécois, monsieur André Boisclair
_ Aux députés du Parti Québécois
_ Aux présidents et présidentes des exécutifs des circonscriptions électorales du Québec
_ Aux 140,000 membres du Parti Québec
_ À tous les citoyens et citoyennes du Québec qui aspirent à gérer leur avenir sans tuteur
Québec, le 29 mars 2006

Monsieur Boisclair,
Le 30 septembre 1964, à mon arrivée au Québec, je recevais de Canada immigration un certificat attestant que j'étais bien un immigrant reçu.
J'avais 27 ans. Un nouveau monde, une terre d'espoir m'ouvrait grand ses bras.
Élevé dans la tradition républicaine, sous la devise “ Liberté, Égalité, Fraternité ”, il me fallu peu de temps pour découvrir qu'en matière de liberté, ce pays était irréprochable. Il pouvait en apprendre à ce petit français que j'étais.
Par contre, il en va autrement en ce qui concerne le droit à l'égalité. À Montréal, où, j'ai établi mes pénates, (malgré les avis des fonctionnaires fédéraux qui me conseillaient Toronto), il y avait l'est et l'ouest. Pas de cohabitation entre les « boss » anglophones et les cols bleus canadiens-français. La St-James street, à l'heure du midi, grouillait de complets trois pièces et d'attachés-cases qui se dirigeaient vers les restaurants huppés du quartier alors qu'à la même heure, sur la rue Sainte-Catherine coin St-Hubert, c'était surtout les boîtes à lunch qui déambulaient d'un autobus à l'autre. Quant à la fraternité, il était surtout centré autour des solidarités linguistiques. Les anglais d'un bord et les « canadiens-français » de l'autre. Autre patrie, autres visions des valeurs fondamentales
Malgré ma volonté première de m'intégrer à l'ensemble canadien, je vous fais grâce de mes expériences anecdotiques dans le milieu anglophone de Montréal, j'ai rapidement choisi mon camp. J'étais né, par les hasards de la vie, francophone, je le resterais. Libre, fraternel et oeuvrant à cette égalité des chances pour tous, à laquelle je crois au plus profond de mon être.
Le 9 avril 1970, à 11 :00 du matin, dans l'immeuble fédéral coin Bleury et Dorchester, je recevais le certificat qui attestait que je devenais citoyen canadien aux termes de la Loi sur la citoyenneté canadienne. À ce titre, je jouissais de tous les droits et privilèges et j'étais assujetti à tous les devoirs, obligations et responsabilités d'un citoyen canadien.
À 11:45, j'accomplissais mon premier geste de citoyen « canadien » responsable, je devenais membre de ce parti crée par René Lesvesque 15 mois plus tôt, le Parti Québécois.
J'étais devenu péquiste et pour les représentants du peuple québécois à Ottawa, j'étais devenu un séparatiste.
Aujourd'hui nous sommes en 2006.
Certes les choses ont quelque peu changées. Liberté ? Oui toujours. Égalité ? Nous devons toujours revendiquer notre québécitude sur le plan international et plus que jamais quêter à Ottawa ce qui nous appartient pourtant en propre. Fraternité ! Qu'en est-il de cette fraternité entre les deux peuples fondateurs ? Et que penser de la fraternelle loi sur la clarté ?
Oui, je suis toujours souverainiste. En fait, plus que jamais.
En juin 2005, le Parti Québécois s'est doté d'un programme qui se veut un projet de pays. Projet qui devrait rallier une majorité de Québécoises et de Québécois à la nécessité de réaliser enfin la souveraineté du Québec.
Le Parti Québécois demeure toujours le porteur de notre espoir de souveraineté.
Je lis à la page 5 de son programme, à la suite de l'énoncé des 12 principes fondamentaux qui orientent ce programme, ce qui suit :

« Le Québec s'appuiera sur un véritable contrat social.
Le Parti Québécois croit que le Québec doit développer sa vie communautaire sur les bases d'un véritable contrat social définissant non seulement les droits et libertés des personnes et des institutions politiques, mais également les responsabilités des différents partenaires de la collectivité que sont le citoyennes et les citoyens, les organisations de la société civile, les élues et élus politiques et l'administration publique.
En d'autres termes, le vivre ensemble et l'organisation du bien commun doivent s'appuyer sur des valeurs et des principes partagés par l'ensemble des membres du peuple, au-delà des divergences idéologiques quant aux modalités d'action à choisir.
Le Parti Québécois croit nécessaire l'établissement des grandes lignes de ce contrat social après un vaste exercice de démocratie participative.
Aussi entend-il faire le nécessaire pour que cela se produise le plus tôt possible après son retour aux commandes de l'État. »

Ce programme est un projet de pays, un beau projet. Aussi je reviens sur cette phrase et je la souligne :
« Le vivre ensemble et l'organisation du bien commun doivent s'appuyer sur des valeurs et des principes partagés par l'ensemble des membres du peuple, au-delà des divergences idéologiques quant aux modalités d'action à choisir ».

Monsieur Boisclair, peut-être que le Parti Québécois saura regagner la confiance du peuple du Québec et former le prochain gouvernement.
Toutefois, une question demeure. Les québécois vont-ils pleinement choisir le Parti Québécois ou vont-ils plutôt montrer la porte de sortie au Parti libéral du Québec ?
Comment le saurons-nous ?
Si ce devait être la seconde hypothèse, doit-on se souhaiter que le Parti Québécois forme seul le gouvernement ? Et quel sera le pourcentage des voix obtenues ?
Alors il lui faudra gouverner, bien gouverner, sans faire d'erreurs, encore une fois ménager la chèvre et le chou. Et en plus, il lui faudra ....convaincre.
Gouverner et convaincre. Convaincre le peuple du Québec de la justesse de notre projet de pays.
Vous le savez ! Nous le savons ! Un gouvernement du Parti Québécois sera, comme les fois précédentes, otage de son option souverainiste.
Or, vous le savez, ce sera le référendum de la dernière chance pour le Québec.
Il n'y aura pas de quartier de la part des fédéralistes.
Oui, j'ai confiance en nous québécois. C'est cette confiance qui fait que je nous souhaite ce pays. Car nous pourrons enfin nous réaliser pleinement, sans intermédiaire. Nous sommes un pays riche. Riche de la créativité de nos citoyens. Riche de nos valeurs humaines. Riche de nos ressources naturelles.
Nous ne le répéterons jamais assez. Un Québec indépendant, par son produit intérieur brut (PIB), par capita, serait au 10ème rang des pays de l'OCDE, devant le Japon et la France. Ce n'est pas rien.
Les fédéralistes canadiens et les financiers de Bay street le savent aussi très bien. Ils ont beaucoup à perdre si le Québec se retire de la confédération canadienne. Il leur faudra négocier de nouveaux pactes, d'égal à égal avec le Québec, ce qui ne s'est encore jamais fait.
Pourquoi pensez-vous qu'ils ne veulent pas que nous accédions à la souveraineté ? Parce qu'ils nous aiment ?
Je vous laisse répondre.
Peut-être que la question référendaire saura convaincre 50 % + 1 de la population du Québec.
Peut-être ? Peut-être ? Mais je doute tellement ! Plus que jamais !
Et puis, que ferions-nous avec un tel pourcentage ? Oui, il n'y a aucun doute, cela serait légitime, démocratique. Mais quel pourcentage faudra-t-il pour que Ottawa et les autres capitales provinciales acceptent de négocier ? Avez-vous remarqué que personne du coté d'Ottawa ou des provinces ne s'est formellement prononcé sur le pourcentage demandé au monténégrins, soit 55%. Pourquoi laisserait-on 50%+1 aux québécois ?
Moi, je n'ai aucune confiance dans les fédéralistes canadiens, quels qu'ils soient !
Voyez-vous monsieur Boisclair, pour moi, un résultat concret dans cette voie est tellement douteux et improbable. Encore une fois, non parce que les québécois ne le veulent pas mais bien parce qu'ils ne le pourrons pas, on ne leur permettra pas. Et je sais que je ne suis pas seul à penser ainsi.

Monsieur Boisclair, il reste quelques mois avant la prochaine élection, il y a urgence.
Pour moi, deux questions de fond se dégagent :
1) Compte tenu du contexte québécois actuel, le Parti Québécois peut-il, avec un maximum de certitudes prendre le pouvoir lors des prochaines élections provinciales ?
2) Compte tenu des incertitudes actuelles face au comportement politique du gouvernement fédéral, le Parti Québécois peut-il, avec un maximum d'affirmation nationale gagner un référendum portant sur la souveraineté du Québec dans les années qui suivront cette élection ?
À la question 1), je réponds; « les probabilités sont bonnes ».
À la question 2), je réponds; «les chances d'un “ Oui ” à la souveraineté est très improbable».
Je spécule ! Oui je le sais ! Mais ne spéculons-nous pas tous ?
Aussi, voici la modeste proposition que je vous soumets. Je suis convaincu que celle-ci mérite une attention de votre part. Il faut ouvrir publiquement le débat car le projet de la souveraineté du Québec n'appartient plus au seul Parti Québécois, cela même s'il demeure le leader en la matière.
Je crois que si nous voulons notre pays, il nous faut maintenant faire un choix qui saura nous donner des résultats clairs et incontestables.
Ma proposition s'articule autour des deux grands axes suivants :
1- Une stratégie électorale de concertation;
2- Une stratégie de concertation, populaire et souverainiste.

LA STRATÉGIE ÉLECTORALE DE CONCERTATION


Essentiellement, c'est une stratégie ouverte, transparente et publique. Elle se déroule en trois temps.

LA PROCHAINE ÉLECTION PROVINCIALE


Il importe que le mouvement souverainiste assume un fort leadership lors de la prochaine campagne électorale provinciale. Celui-ci se ferait de façon concertée en collégialité avec tous les partis prônant la souveraineté du Québec. Parti Québécois - l'Action démocratique du Québec - Québec solidaire - Parti vert - etc. (Un protocole serait formellement proposé aux Partis membres de cette coalition).
L'objectif étant, pour la coalition, de recueillir un pourcentage de voix supérieur à 50% +1 et bien sûr, d'élire le plus possible de candidats.

Le protocole (principes généraux)


1- Les députés, actuellement élus et qui souhaitent se représenter dans leur circonscription, pourront le faire, conformément aux règles de leur propre parti, sans qu'aucun représentant des Partis signataires du protocole ne se présente contre lui;
_ (PQ = 45 députés - ADQ = 5 députés)
2- Les chefs de Partis signataires du protocole, non actuellement élus à l'Assemblée nationale, pourront se présenter dans la circonscription de leur choix où il n'y a actuellement aucun représentant de Partis signataires du protocole. Aucun autre représentant de Partis signataires du protocole ne se présentera contre ce candidat;
_ (Un choix de 75 circonscriptions détenus par le PLQ)
3- Dans les circonscriptions actuellement détenues par des députés non signataires du protocole, le choix du candidat se fera par élection au suffrage universel de tous les membres des Partis signataires du protocole. Tous les Partis signataires du protocole s'entendent pour travailler ensuite à l'élection du candidat représentant la coalition;
4- Au niveau des circonscriptions électorales, il n'y aura pas de lutte entre les Partis signataires du protocole.
Convention spécifique pour l'ADQ. (Si celle-ci signe le protocole)
1- Pas de lutte électorale entre le PQ et l'ADQ dans les circonscriptions où il y a actuellement un élu;
2- Pas de lutte électorale entre le PQ et l'ADQ dans les circonscriptions où un de leur candidat arrivait deuxième lors de la dernière élection, générale ou partielle.
(Pour le PQ = 29 circonscriptions - pour l'ADQ = 8circonscriptions)
3- Le PQ et l'ADQ s'entendent pour que les autres chefs de parti se présentent dans une circonscription où il n'y a actuellement aucun député membre de la coalition et ces Partis s'engagent à ne présenter aucun candidat et à travailler à son élection avec le soutien de leurs organisations respectives.

UN GOUVERNEMENT DE TRANSITION (PÉRIODE PRÉ-RÉFÉRENDAIRE)


Il conviendra de mettre en place un gouvernement de transition qui fonctionnerait à deux niveaux.
1- D'une part, une coalition gouvernementale pour les affaires courantes et pour un minimum de temps selon les termes des ententes spécifiques signées avant les élections entre les partis politiques signataires du protocole.
Cette l'entente devrait reposer sur les engagements suivants :
1- Les candidats élus, quelle que soit leur allégeance politique, seront tous impliqués dans l'action gouvernementale
2- La coalition gouvernementale s'engage en collaboration avec les signataires du protocole, élus ou non élus, à revoir la loi électorale du Québec.
Dans l'hypothèse d'un gouvernement de coalition élu avec un pourcentage de 50% + 1, l'Assemblée nationale devrait voter une déclaration de principe s'inspirant de la déclaration d'indépendance des États-unis d'Amérique. À titre indicatif, rappelons que la déclaration d'indépendance des États-unis d'Amérique se termine comme suit :
« ... Que ces colonies unies sont et doivent être en droit des États libres et indépendants; qu'elles sont relevées de toute fidélité à l'égard de la Couronne britannique, et que tout lien entre elles et l'État de la Grande-Bretagne est et doit être entièrement dissous. »
Déclaration d'Indépendance par Thomas Jefferson le 4 juillet 1776.

3- En collaboration avec ses partenaires signataires du protocole, le Parti Québécois s'engage à préparer une Constitution provisoire, dont l'article 1 porterait sur une déclaration de souveraineté du Québec.
4- Le Parti Québécois s'engage en collaboration avec les signataires du protocole à faire des élections générales à très court terme après le référendum sur la constitution.
5- Dans l'hypothèse d'un gouvernement de coalition n'ayant pas été crédité du 50% + 1 nécessaire pour faire voter une déclaration d'indépendance par l'Assemblée nationale, selon les critères démocratiques universellement reconnus, le protocole signé entre les Partis deviendrait caduque. Le Parti Québécois, s'il forme le gouvernement, pourra mettre en marche le processus référendaire, seul ou avec de nouveaux partenaires, selon une nouvelle entente à négocier.
Toutefois, on peut se questionner sur la volonté du peuple québécois d'accéder à la souveraineté. En effet, s'il ne peut accorder sa confiance à une coalition composée de plusieurs partis politiques qui ont tous pour objectif une proposition de pays souverain, comment pourrait-il, quelques mois plus tard, voter “ OUI ” à un référendum portant essentiellement sur ladite souveraineté?

LE RÉFÉRENDUM


Essentiellement, le référendum ne devrait porter que sur une Constitution minimale et provisoire.
Il conviendra de déterminer avec les signataires du protocole quel sera le cadre de cette Constitution provisoire.
Il convient de rappeler que suite à l'adoption de la déclaration d'indépendance votée par une Assemblée nationale élue par 50% +1 des suffrages exprimés, le Québec est un pays souverain. Si le référendum portant sur un Constitution provisoire devait être rejeté par le peuple du Québec, cela ne remet aucunement en question la souveraineté du pays. Par contre cela peut remettre en question la légitimité du gouvernement.
Il se peut que des élections soient nécessaires. La nouvelle loi électorale s'appliquerait alors.

UNE STRATÉGIE DE CONCERTATION, POPULAIRE ET SOUVERAINISTE


Dès que le protocole électoral de concertation sera publiquement connu et signé avec un ou plusieurs Partis, le Parti Québécois met en place une équipe de travail multi - Partis afin de développer une stratégie de concertation populaire et souverainiste. Il conviendra de structurer un immense mouvement regroupant, de façon plus ou moins formelle, toutes les forces souverainistes du Québec.
Un protocole de paix sociale serait signé entre le gouvernement de transition et tous les groupes de la société civile qui voudrons y adhérer. Essentiellement, les signataires de ce protocole devraient s'engager à n'effectuer aucune action pouvant fragiliser le gouvernement de transition et de ce fait, l'ensemble du processus menant à la souveraineté et à la négociation avec le gouvernement fédéral. Ce protocole prendrait fin avec la première élection nationale post-référendaire.

UNE CONCERTATION POPULAIRE ET SOUVERAINISTE


Seraient invités à signer le protocole de paix sociale et à s'engager dans ce cheminement d'affirmation souveraine tant les organisations que les leaders. (Par exemple, dans le monde syndical, ce devrait être aussi bien les syndicats nationaux que le syndicat des éducatrices d'un CPE de Sherbrooke que celui d'une usine de pâte et papier de Masson.)
Les organismes communautaires devraient également être invités à se joindre à ce mouvement, tels les organismes en économie sociale, les organismes de bénévolat, les coopératives de travail, les caisses populaires, les associations étudiantes et les associations professionnelles.
Il conviendrait d'inviter le monde des affaires à se joindre à cette immense mouvance.
En fait, tous les groupes d'influence devraient être rejoint.
Cette concertation ayant pour objectif de faire connaître toutes les personnalités québécoises qui adhérent à la souveraineté du Québec. Il conviendrait de convaincre les leaders du monde des arts, de la scène, de la radio, de la télévision, du monde de l'information, de la chanson, du cinéma, les, écrivains, les peintres, les sportifs, les universitaires et autres intellectuels à s'impliquer et à s'afficher comme souverainiste.
Une revue ou un journal devrait être crée afin de faire connaître à l'ensemble de la population les adhérents à la cause souverainiste.
Monsieur Boisclair, c'est bien sûr un acte de foi que je fais à travers ces lignes.
Aujourd'hui en 2006, c'est vous, en votre qualité de chef du Parti Québécois, qui êtes le porteur de nos espoirs. Vous le savez, vous n'avez pas le droit à l'erreur. Certes, vous devez assumer un leadership, porter le flambeau, mais vous ne pouvez le faire seul et surtout pas en catimini.
Le Parti Québécois doit mener le peuple du Québec vers sa souveraineté. Il doit le faire au grand jour avec tous ses citoyens et ses citoyennes. Avec tous ceux et celles qui aspirent à voir leur pays s'ouvrir sur le monde entier, en direct, sans intermédiaire, pour afin dialoguer avec tous les autres pays du monde, d'égal à égal.
Nous comptons sur vous pour le faire.
Jean-Pierre Pfisterer
_ Conseiller en développement des ressources humaines
_ Spécialiste des sciences de l'éducation
_ Aujourd'hui retraité

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Un néo-québécois, souverainement québécois

Retraité, membre démissionnaire de l’exécutif de Vanier.





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