Peu importe les critiques, dit Trudeau

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L'insignifiance faite homme : Pee Wee Trudeau en interview

Des problèmes éthiques qui ne veulent plus mourir, des ministres dans l’eau chaude, des tirs groupés contre l’entente Netflix et des sondages à la baisse. L’automne a été difficile pour le gouvernement libéral fédéral. Mais qu’importe ce que peuvent dire ses détracteurs, les citoyens ordinaires qu’il rencontre sont très positifs et c’est tout ce qui compte, insiste Justin Trudeau, déterminé à garder le cap. En entrevue avec notre bureau parlementaire au Pub Chelsea, le premier ministre est revenu sur les derniers mois et a mis la table pour ceux à venir.




La session dernière a été plutôt difficile pour vous. Il y a eu plusieurs affaires, scandales, problèmes. Un sondage vous donne un taux d’insatisfaction à la hausse (39 %). C’est similaire à ce que Stephen Harper avait avant la dernière élection. Comment allez-vous convaincre les citoyens que vous allez livrer la marchandise en 2018 ?


Les sondages, il y en a toujours qui disent toutes sortes de choses. Nous, on ne fait pas trop attention à ça. On reste ancrés dans ce que les gens nous disent. [...] C’est sûr qu’à travers le Québec, les gens sont plutôt positifs par rapport à ce qu’on est en train de livrer et on va continuer de livrer la marchandise [...] On va continuer de mettre l’emphase sur ce dont les gens nous ont parlé [...] Ce qui s’en vient, on est encore en train d’investir : dans les infrastructures, que ce soit le transport collectif, les ponts, les routes, on a beaucoup d’investissements qui ont un impact concret dans la vie des gens. Je comprends que dans les milieux politiques, il y a toujours des atta­ques et des préoccupations, mais quand on parle aux gens, ils parlent du concret, ce qui les amène à avoir plus d’opportunités de réussir.




Les problèmes éthiques vous ont collé à la peau (entre autres, M. Trudeau a été blâmé pour son voyage sur l’île privée de l’Aga Khan). Vous engagez-vous à réformer les lois et règles qui entourent l’éthique au fédéral pour leur donner plus de dents ?


Ce qu’on est en train de voir, c’est que notre système avec la commissaire à l’éthique fonctionne. Elle est là pour s’assurer que tous les députés, incluant le premier ministre, suivent de façon appropriée et exacte les règles. Et quand elle a dit que non, on n’avait pas travaillé assez avec elle par rapport à mes vacances de famille, j’ai dit absolument. [...] C’est important pour les citoyens de savoir [...] qu’il y a une mesure objective [qui juge] si les gens sont en train de suivre les règles ou non. Et d’avoir ce bureau du commissaire à l’éthique pour pouvoir dire « voici ce qui aurait dû être fait, voici ce à quoi je m’attends la prochaine fois », c’est une assurance pour les citoyens.





L’ex-commissaire a quand même dit que vous avez enfreint la loi. Certains termes que vous utilisez laissent penser que vous minimisez l’affaire.


Non, pas du tout. C’est une chose sérieuse que de reprendre un premier ministre d’avoir enfreint le code d’éthique. On le prend très au sérieux [...]. Je me suis excusé auprès des Canadiens pour ça.




L’ex-commissaire a dit que la loi devait être changée. Est-ce que c’est quelque chose à quoi vous vous engagez?


Je suis toujours ouvert à ça. C’est une décision pas seulement pour un gouvernement, mais pour tous les députés parce que le bureau du commissaire est là pour protéger tous les députés et je pense que tous les différents partis vont avoir leur mot à dire là-dessus. C’est pour ça que c’est une très bonne chose que le comité de l’éthique soit en train d’étudier cette législation-là et comment on peut l’améliorer. On est tout à fait ouverts à ça.




Au-delà d’être ouvert à une réforme, il n’y a pas d’enga­gement formel de votre part?


On est en train d’attendre que le comité fasse son étude et on va regarder les recommandations.




Pourrait-il y avoir un remaniement ministériel en 2018?


On est extrêmement contents de l’équipe qu’on a. Il n’y a aucun plan, dans le court ou le moyen terme, pour faire un remaniement.




Mais plusieurs ministres se sont mis dans l’embarras, entre autres Mélanie Joly, qui a peiné à défendre l’entente avec Netflix, Diane Lebouthillier, qui a de la difficulté à porter ses dossiers, Kent Hehr, qui a tenu des propos jugés insultants à l’endroit de citoyens. Vous leur faites confiance ?


Nos ministres sont en train de livrer sur la plateforme ce sur quoi les Canadiens nous ont demandé de livrer. Je suis extrêmement fier de tous mes ministres. Mélanie [Joly], qui reconnaît, même s’il y en a d’autres ailleurs qui ne veulent pas le reconnaître, que le monde est en train de changer ; [...] Kent Hehr, qui est en train de créer une stratégie nationale sur l’accessibilité [...] ; Diane Lebouthillier, qui est une personne fantastique et une ministre exceptionnelle, est en train d’amener l’Agence du revenu à [améliorer] son service envers les citoyens. [Mme Lebouthillier] est en train de contrer de façon concrète l’évasion et l’évitement fiscal.




Un exemple de ce que vous comptez faire en 2018 ?


On est en train de regarder comment on va aider les travailleurs à faible revenu pour [que ce soit payant de] prendre des emplois et passer au-delà des dépenses du bien-être social [...] en investissant presque 500 M$ par année dans un programme.


LE QUÉBEC N’A PAS BESOIN DE PROTECTION DANS L’ENTENTE NETFLIX


S’il n’y a pas de quotas francophones dans l’entente d’Ottawa avec Netflix, c’est tout simplement parce que le Québec n’a pas besoin de cette aide spéciale, estime le premier ministre.


« On sait [...] que Netflix [...] reconnaît la qualité extraordinaire qu’on a au Québec en termes de production, en termes de cinéastes, en termes d’équipes cinématographiques. On a des avantages énormes au Québec et je sais que le Québec n’a pas besoin d’être soutenu de façon particulière, parce que la qualité de ce qu’on fait est aussi bonne, sinon meilleure, que ce qui se fait ailleurs au Canada », assure Justin Trudeau lorsqu’on lui demande d’expliquer l’absence de tels quotas.


L’entente qui a fait couler beaucoup d’encre cet automne prévoit que le géant américain devra investir 500 M$ sur cinq ans en production originale au Canada. L’accord n’impose toutefois aucun contenu minimal en français. Seulement 25 M$ pour explorer la possibilité de produire du contenu francophone.


L’accord a été taillé en pièces au Québec en raison de cette absence, mais surtout à cause du congé de taxes accordé à Netflix.


En effet, le géant américain n’a pas à facturer les taxes aux consommateurs d’ici. Il n’aura pas non plus à cotiser au Fonds des médias du Canada, comme les câblodistributeurs d’ici.


En décembre, des personnalités québécoises de divers milieux ont fait front commun pour dénoncer l’« injustice » des politiques fédérales face aux géants du web. Celles-ci fragilisent la culture québécoise et canadienne, selon elles.


Juste ou pas ?


À savoir s’il considère, lui, que le congé de taxes accordé à Netflix est juste par rapport aux entreprises et artisans d’ici, le premier ministre Trudeau a évité la question en réitérant que son gouvernement n’avait aucune intention d’appliquer la taxe.


« C’est une promesse que j’ai faite, a-t-il répété. Je trouve que la classe moyenne paie assez en impôts et je ne veux pas augmenter [leur fardeau fiscal]. »


Il demeure convaincu qu’une partie de la cagnotte sera investie par Netflix au Québec, quotas ou pas.


Netflix n’est qu’un exemple des divers dossiers fédéraux qui ont suscité de la grogne ou de l’inquiétude au Québec ces derniers mois.


Certaines voix se sont élevées pour dire que le premier ministre et son entourage n’étaient pas à l’écoute du Québec. Ce que dément M. Trudeau, tout en se défendant bien de tenir la province pour acquis.


Positifs sur le terrain


« Je comprends qu’ils ont des préoccupations et on est content de pouvoir en parler et de pouvoir rassurer les gens, assure le premier ministre. J’ai entendu certaines personnes grogner, mais moi, quand j’étais sur le terrain, [mes conversations avec les citoyens] ont été extrêmement positives », assure le premier ministre.


Et « les vraies conversations avec le monde, c’est ça qui compte », dit-il.