Quand octobre se pointe, me revient en mémoire la Crise d'octobre qui a ébranlé le Québec il y a tout juste 40 ans. Pendant cette crise politique, la cellule Chénier du Front de libération du Québec (FLQ) entre en action. Elle est composée de quatre jeunes idéalistes prêts à tout pour amener le Québec vers son indépendance par la voie socialiste. La cellule Chénier sera tenue responsable de l'enlèvement et de la mort du ministre libéral Pierre Laporte. Et si tout avait commencé à Percé, en Gaspésie?
Au cours des années 1960, la jeunesse du monde entier se fait contestataire et revendicatrice sous le signe du Peace and love. Les hippies prennent la direction de Katmandou ou de San Francisco, lieux mythiques étroitement associés au mouvement de contre-culture. Au Québec, Percé est identifié comme un tel lieu et la jeunesse d'ici et d'ailleurs s'y donne rendez-vous.
À cette époque, Percé, c'est bien sûr le rocher, les touristes et les hôtels. C'est aussi le Centre d'art fondé par les artistes Suzanne Guité et Alberto Tommi. On y offre des ateliers artistiques, on y diffuse des expositions et des spectacles de Pauline Julien, Félix Leclerc, Gilles Vigneault, Claude Gauthier, Gaston Miron et bien d'autres.
À l'été 1969, tout près du Centre d'art, s'ouvre la première auberge de jeunesse québécoise initiée par les felquistes Jacques Beaulne et Paul Rose, suivie de près par Jacques Rose et Francis Simard. Ces jeunes décident de louer un ancien bâtiment de pêche de la compagnie Robin pour le transformer en un lieu de rassemblement de jeunes chômeurs et d'étudiants désirant passer l'été à Percé pour presque rien. On nomme l'endroit: la Maison du pêcheur.
Les policiers s'en mêlent
«En quelques heures, la discothèque, la taverne, l'hôtel se sont vidés. Chez nous, c'était moins cher, plus libre. Chez les notables de Percé, ça a été presque tout de suite la rage», relate Francis Simard dans son livre Pour en finir avec Octobre. Ce qui n'empêche pas les pêcheurs et autres gens de l'endroit de tisser des relations amicales avec ces jeunes.
Conséquemment, le chef de police de Percé, appuyé par les commerçants, débarque à la Maison du pêcheur à la fin juillet. Il prétend que l'établissement est dans une zone résidentielle et qu'on doit fermer boutique sur-le-champ. Devant le refus des jeunes, la riposte ne tarde pas. «Les policiers sont arrivés avec le camion d'incendie. Sans avertir personne, ils sont entrés et ont ouvert les boyaux d'arrosage. Toute la maison y est passée et nous avec», relate Francis Simard.
Les jours suivants, Simard et des amis prennent la direction de Montréal afin d'y tenir une conférence de presse dénonçant la brutalité policière et l'intolérance des autorités de Percé. En un temps record, la nouvelle fait le tour de la province. La Maison du pêcheur se retrouve à la une des journaux et, fait étonnant, la plupart des médias de l'époque, Radio-Canada comprise, sont sympathiques à la cause des jeunes. Même chose pour les différents groupes de gauche présents au Québec à l'époque, ce qui n'empêchera pas le retour des policiers et des tuyaux d'incendie la semaine suivante. Une quarantaine de résidants de Percé se feront assermenter à titre d'«agents de la paix» à la vitesse de l'éclair afin de pouvoir prêter main-forte à la police provinciale.
«Ce qui avait été épargné la première fois est entièrement démoli, brisé, noyé. Nous étions une cinquantaine de personnes dans la maison, mais personne n'a eu le temps de sortir», mentionne Simard.
Composition de la cellule Chénier
C'est dans ce contexte que les frères Rose et Francis Simard rencontrent Bernard Lortie, 19 ans, de Gaspé, le quatrième membre de la cellule Chénier. Obstinés, les initiateurs de la Maison du pêcheur ne quittent pas Percé pour autant. Ils transforment plutôt le lieu en résidence privée en accueillant gratuitement les jeunes voyageurs, stratégie visant à empêcher une nouvelle visite des policiers et la fermeture du lieu.
À l'été 1970, les membres de la cellule Chénier retournent à Percé, ouvrant la Maison du pêcheur libre, mais cette fois dans un autre bâtiment. Comme par hasard, le bâtiment sera rasé par les flammes à l'automne. «Après la Maison du pêcheur, nous avons décidé de disparaître. La priorité a été donnée à la mise sur pied d'un réseau clandestin. À Percé et à Gaspé, nous avions discuté avec des centaines de personnes. Ce qui revenait, chaque fois, c'était l'absence de moyens, l'isolement. Les gens voulaient se battre pour une vie meilleure. À partir de ce que nous avons appris en Gaspésie, nous avons généralisé», écrira Francis Simard.
En octobre, la cellule Chénier passera à l'action de façon précipitée à la suite de l'enlèvement du diplomate britannique d'origine irlandaise James Richard Cross, par la cellule Libération. Quarante ans plus tard, il est toujours possible de visiter cette première Maison du pêcheur, à Percé. Il suffit de se rendre au restaurant du même nom, où on peut voir des graffitis datant de cette époque révolue.
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