Pendant ce temps, à Québec

Chronique de Patrice Boileau

Le hasard a voulu que votre humble serviteur se soit trouvé la fin de semaine dernière dans la Capitale nationale, pendant que les leaders politiques du Kosovo déclaraient unilatéralement l’indépendance de leur territoire.
Ce sont des activités protocolaires qui m’ont amené à renouer avec la cité qui célèbre cette année son 400e anniversaire. La ville débordait de touristes : le Château Bonne Entente où j’ai dîné samedi n’avait plus une chambre de libre. Affairé, le personnel de l’établissement n’en fut pas moins très courtois et d’une élégance dont seuls les résidents de la célèbre ville ont le secret. Pas de doute que la fête du Carnaval explique cet achalandage !
J’ai d’ailleurs été visité dimanche le site qui abrite le traditionnel événement. Un déplacement qui n’était pas prévu à mon horaire. Il y avait des lustres que je n’avais pas fréquenté les lieux où se déroule le Carnaval. Au moins 25 ans, assurément! Depuis quelques années, je crois que ce sont surtout sur les plaines d’Abraham où les badauds sont invités à festoyer. La journée s’y prêtait à merveille : le ciel était d’un bleu immaculé et il y avait absence totale de vent. L’abondance de neige qu’a reçue la ville cette année ainsi que la froideur des derniers jours procuraient des conditions idéales pour les activités hivernales prévues à la dernière journée de l’événement.
La langue anglaise se faisait évidemment entendre partout. Qu’ils soient Étasuniens, Canadians ou Asiatiques, les visiteurs ne ressentaient absolument aucune gêne de s’exprimer bruyamment dans la langue de Shakespeare. Tant mieux, me dis-je! Québec mise énormément sur les revenus de l’industrie touristique pour remplir ses coffres. Situé dans un univers continental anglo-saxon, ce frêle poumon francophone ne doit pas se surprendre d’être l’hôte d’une clientèle qui reflète cette caractéristique linguistique.
Néanmoins, j’ai constaté à quel point la ville est subtilement l’objet d’une offensive de tous les instants par les fédéralistes. Le label canadian y est omniprésent. Installés sur le parc des Champs-de-Bataille, les kiosques du Carnaval sont sillonnés par des véhicules de Parc Canada. Également, parmi les sculptures de glace qui sont exposées sur le site, figurent celles qui sont offertes gracieusement par toutes les provinces et territoires du Canada. Elles sont disposées minutieusement à la queue leu leu afin de susciter le patriotisme canadian. Certes, leur contribution artistique n’a rien de condamnable. Sauf que le calcul politique qui se dissimule grossièrement derrière les œuvres en élimine malheureusement le caractère convivial ! J’imagine que ce subterfuge revient religieusement à tous les Carnavals…
Si j’ai cru un instant que cette guérilla idéologique s’étalait de façon insidieuse sur le site de la fête, mal m’en prit! Au pied d’une des décorations, soit un castor givré enlaçant une fleur de lys, on pouvait lire sur l’écriteau du donateur canadian « agent officiel de Propagande Canada. » Estomaqué, il me fallait prendre un cliché afin de vous prouver que mon observation n’avait rien d’une hallucination! Vous excuserez la médiocrité de l’épreuve : la stupeur générée par ma découverte, sans doute… Soudainement, ce rongeur m’a semblé étouffer l’emblème floral québécois, plutôt que de lui donner un câlin...
***
Québec ne deviendra pas une ville majoritairement peuplée d’anglo-saxons de sitôt. L’endroit qui se veut le berceau de la civilisation francophone d’Amérique du nord conservera les caractéristiques culturelles qui en témoignent encore longtemps. J’ai alors pensé aux Serbes qui venaient de perdre le Kosovo, région qui a la même valeur historique. Voilà qui est très triste pour eux. Reste qu’il est maintenant trop tard pour agir : le nouvel État est composé aujourd’hui à 90% d’Albanais. Les exactions perpétrées par l’armée serbe de Slobodan Milosevic à la fin des années 1990 pour les en chasser furent des gestes barbares et inutiles.
Des régions du Québec ne sont pas à l’abri de passer bientôt sous « emprise » non-francophone. Malgré la loi 101, ou du moins ce qu’il en reste, ces portions de territoires québécois continuent de s’angliciser. Il n’est pas exclu qu’elles demandent éventuellement des droits particuliers au gouvernement québécois, d’autant plus que ceux qui le composent et ceux qui aspirent à le former font preuve de complaisance.
Il n’est pas étonnant ainsi de constater qu’une large part de la société civile imite son élite politique, au point de se moquer des difficultés qu’éprouve Pauline Marois, la chef du Parti québécois, à s’exprimer en anglais. Curieusement, personne n’évoque les mésaventures de l’ancien premier ministre du Canada, Jean Chrétien, dans le même domaine : l’accent qui massacrait l’anglais qui sortait de sa bouche relevait pourtant de la caricature. L’homme marmonnait de toute manière deux langues secondes. Il est vrai, néanmoins, qu’il faut faire preuve de souplesse et de compréhension lorsqu’il s’agit d’un clown, fédéraliste de surcroît…
Le Kosovo n’a pas eu besoin d’organiser un référendum pour faire l’indépendance, ni d’élection décisionnelle. Il est vrai cependant que la population de deux millions d’habitants, surtout albanophones, appuyait largement le projet de pays. Une solidarité de cette ampleur ne pourra être observée au Québec, tant que les médias diffuseront largement de la propagande fédéraliste, une propagande qui ne se cache même plus pour vomir son discours partisan.
Patrice Boileau


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1 commentaire

  • Archives de Vigile Répondre

    20 février 2008

    M. Boileau écrit : «Une solidarité de cette ampleur ne pourra être observée au Québec, tant que les médias diffuseront largement de la propagande fédéraliste, une propagande qui ne se cache même plus pour vomir son discours partisan.»
    La souveraineté "le PQ" s'est appuyée, depuis sa fondation, sur les syndicats parce que le patronat appuyait déjà des partis plus à droite comme l'Union Nationale et le Parti Libéral très provincial. Le PQ avait besoin de ce groupe pour l'appuyer et l'aider à financer sa caisse électorale qui permet de gagner des élections. Ça, c'est la base.
    Si le patronat avait pensé que la souveraineté du Québec aurait amélioré la situation économique, il aurait embarqué mais il a cru, avec raison, que les nouveaux dirigeants d'un Québec souverain seraient les chefs syndicaux, en position de force au PQ, qu'ils n'apréciaient pas trop.
    M. Boileau, les patrons des médias sont,très majoritairement, des entrepreneurs, normal. Si le mouvement indépendantiste veut les avoir de leur bord, faudra que le PQ et le PI et l'UDIQ et Québec Solidaire commencent par fusionner et abandonner ce gauchisme avant la souveraineté du Québec. Après, des partis de toutes tendances pourront se former comme dans chaque pays démocratique.
    Tout ce qui précède peut être réalisé entre Québécois souverainistes.