Par la force des choses

Le Gouvernement wallon modifie l'organisation des pouvoirs locaux

Chronique de José Fontaine


Depuis 1999 - le fédéralisme en Belgique est une chose très récente - les Etats fédérés organisent politiquement les pouvoirs locaux : les communes (municipalités) et les provinces (semblables aux départements français).
Il y a 263 communes en Wallonie suite aux fusions de communes intervenues à partir de 1964 et surtout 1976, ramenant ainsi le nombre de communes de plus d'un millier à la situation actuelle. Ces communes qui remontent à Napoléon comme en France (puisque la Wallonie faisait partie de l'Empire français), pouvaient parfois être très petites (moins de 100 habitants. Cette situation s'est maintenue en France où il y a 30.000 mille communes.
Personnellement, je ne me suis jamais trop intéressé aux problèmes communaux ou locaux sauf, à certains moments de ma vie comme lorsque j'étais jeune et que nous avions fondé un mouvement à Dinant désireux de faire voter en faveur d'un “Conseil communal des jeunes” qui n'a pas été une réussite.
Récemment, en Wallonie, l'attention a été attirée sur la mauvaise gestion de la Ville de Charleroi qui est la plus importante commune wallonne avec plus de 200.000 habitants (la plus importante ville est Liège avec 600.000 habitants mais la commune ne comprend pas toute l'agglomération). Dès lors qu'il y avait irrégularités et même fraudes, le Gouvernement wallon est intervenu pour faire le ménage. Cela a attiré l'attention sur les compétences qu'il exerce dans ce domaine.
Curieusement, alors que le transfert de la tutelle sur les pouvoirs locaux semblait être plus fortement une revendication flamande que wallonne, ce sont les Wallons qui ont le plus travaillé cette nouvelles compétence.
Les réformes profondes du gouvernement wallon
Le Gouvernement wallon a proposé au parlement wallon de revoir la loi communale qui organisait les communes par un décret wallon (le décret wallon a la même force que la loi).
La réforme porte sur plusieurs points:
* la désignation du bourgmestre: autrefois il était nommé par le Roi (Gouvernement belge), sur proposition du Conseil communal, aujourd'hui il est la candidate ou le candidat qui a obtenu le plus de voix sur le parti le plus populaire de la coalition qui organise le collège communal (autrefois appelé collège échevinal et qui réunit le bourgmestre et ses échevins, ses maires-adjoints). Ce collège communal est formé après la conclusion d'un “pacte de majorité” qui va gouverner la commune
* la responsabilité politique du collège communal: autrefois le collège communal (collège échevinal), rendait certes compte de ses actes devant le Conseil communal mais celui-ci ne pouvait le renverser. Cette disposition a été introduite dans la nouvelle loi, ce qui est assez révolutionnaires chez nous (on ne le fait pas dans le reste du pays en Belgique ni en France). Le Conseil communal peut déposer une motion de défiance constructive qui comporte le vote de la méfiance à l'égard du collège communal en place, mais aussi la proposition de son remplacement par un autre collège communal dont les divers postes sont désignés. Cette motion ne peut être déposée que 18 mois après l'installation du Collège communal. Le mandat d'un Collège communal dure six ans (les élections communales ont lieu tous les six ans). Et quand une motion de défiance constructive a été votée, on ne peut plus en redéposer une avant un an et plus après le 30 juin de l'année qui précède les élections Ce qui signifie que en six années, si après 18 mois une motion de défiance a été votée, on peut encore en voter trois autres.
* Le Président du CPAS (Centre public d'aide sociale: il s'occupe notamment des hôpitaux publics, mais aussi du minimum de revenu d'existence, du quart-monde et ses problèmes), fera partie du Collège communal, même s'il n'est pas un élu par exemple.
C'est lors des dernières élections communales que je me suis rendu compte que la démocratie locale mobilise une partie de la population. J'avais un préjugé à l'égard des communes représentées comme la démocratie par excellence, sa cellule de base etc. car l'expérience montre aussi que les bourgmestres sont de véritables dictateurs. Ils sont par exemple les chefs de la police locale et ont certains attributs de fonctionnaires (voire de notaires dans les plus petites communes: c'est un homme très important).
Effets probables très importants
Il n'est pas impossible que les dispositions prises par le Gouvernement wallon aient plus d'effets que ce qu'on ne pense et peut-être même de revitaliser la vie démocratique locale. Le souvenir très subjectif que j'ai d'élections qui m'avaient déçu, c'est que les jeux étaient faits le lendemain des élections pour six ans, soit que la liste gagnante soit majoritaire, soit que des listes aient pu signer une majorité entre elles qui durait six ans. Ici, tous les collèges communaux (les “gouvernements”), des 263 communes wallonnes (sauf les 9 communes germanophones), pourraient être contestés parfois. Cela m'étonnerait que sur les 254 communes soumises à la Wallonie, il n'y ait vraiment nulle part une contestation du pouvoir en place, contestation qui pourra avoir diverses causes. Je parie que cela se passera.
La même chose pourra se produire au niveau des provinces.
J'ai souvent été frappé par le fait que la domination du parti socialiste en Wallonie soit avant tout appréhendée au niveau des pouvoirs locaux, ce qui, même avant la fédéralisation du pays, me donnait le sentiment d'une méprise, le pouvoir local n'étant pas le pouvoir déterminant. Mais ne l'est-il quand même pas assez bien? Aux heures troublées de la revendication ouvrière et/ou autonomiste de la Wallonie on vit des communes mettre leur personnel policier quasiment au service des grévistes. La tradition des communes est commune (c'est le cas de le dire) avec les traditions flamandes et françaises en la matière, avec une importante prise en compte de l'autonomie communale, très forte en France aussi.
Tous ces sujets - avec les scandales et d'autres affaires - font la Une des médias. Avant que la Belgique ne devienne fédérale, je m'étonnais qu'au Canada existe une “scène” canadienne et une “scène” québécoise. Mais c'est bien cette différenciation qui est en train de se reproduire chez nous, la Wallonie étant logiquement appelée à prendre de plus en plus d'importance, non pas nécessairement parce que ses dirigeants seraient des militants wallons mais par la force des choses, cette grande alliée des vrais combats.
José Fontaine

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Né le 28/6/46 à Jemappes (Borinage, Wallonie). Docteur en philosophie pour une thèse intitulée "Le mal chez Rousseau et Kant" (Université catholique de Louvain, 1975), Professeur de philosophie et de sociologie (dans l'enseignement supérieur social à Namur et Mirwart) et directeur de la revue TOUDI (fondée en 1986), revue annuelle de 1987 à 1995 (huit numéros parus), puis mensuelle de 1997 à 2004, aujourd'hui trimestrielle (en tout 71 numéros parus). A paru aussi de 1992 à 1996 le mensuel République que j'ai également dirigé et qui a finalement fusionné avec TOUDI en 1997.

Esprit et insoumission ne font qu'un, et dès lors, j'essaye de dire avec Marie dans le "Magnificat", qui veut dire " impatience de la liberté": Mon âme magnifie le Seigneur, car il dépose les Puissants de leur trône. J'essaye...





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