Ottawa injecte 12 milliards pour les infrastructures, à utiliser ou à perdre

Le plan de relance replonge le pays en déficit pour au moins cinq ans

Crise politique canadian

Hélène Buzzetti, Jeanne Corriveau - Stimulus par ci, stimulus par là. Le mot a été maintes fois entendu au cours des dernières semaines et le gouvernement de Stephen Harper a finalement dévoilé hier l'ampleur de son plan de relance économique. Coûteux et ambitieux, ce plan signe le retour aux déficits fédéraux pour encore au moins cinq ans et l'accroissement de la dette du pays. Il annonce toutefois la multiplication des chantiers de construction au pays.

La valeur réelle du plan de relance d'Ottawa est de 23 milliards de dollars pour l'année 2009-10 et de 17 milliards l'année suivante, pour un total de 40 milliards. L'élément central de ce plan consiste en un investissement ponctuel et non récurrent dans les infrastructures du pays de 12 milliards en deux ans. Cette somme, jure-t-on à Ottawa, s'ajoute aux précédents programmes annoncés par les conservateurs, dont le fonds Chantiers Canada doté de 8,8 milliards sur sept ans. Une partie de ces 12 milliards (1,5 milliard) consiste toutefois en une accélération du versement de montants promis aux provinces et aux petites collectivités en 2007.
Quatre milliards de dollars seront offerts cette année et l'année prochaine pour rénover ponts, routes, aqueducs et réseaux de transport en commun. Ottawa s'engage à payer jusqu'à 50 % des projets admissibles, les provinces et/ou les villes devant s'acquitter de la balance.
La différence entre ce programme et Chantiers Canada, c'est que ce nouvel argent devra être utilisé dans «l'urgence». Tout argent non utilisé sera retourné dans le fonds consolidé du gouvernement. «Utilisez-le ou perdez-le», a mis en garde le ministre des Finances, Jim Flaherty, en conférence de presse.
Montréal exaspéré
Chantiers Canada a exaspéré le milieu municipal, incluant le maire de Montréal, Gérald Tremblay, qui déplore la lenteur d'Ottawa à débloquer les fonds. On promet que le scénario ne se répétera pas. Le gouvernement s'engage à faire un rapport d'étape cet été et un rapport au Parlement dans la semaine suivant le retour du congé d'été pour s'assurer que les fonds sont versés.
Ottawa compte beaucoup sur la participation des autres paliers de gouvernement: il espère que les villes et provinces avanceront 5,3 milliards de dollars dès cette année et autant l'année prochaine. Est-ce réaliste? M. Flaherty estime que cela est d'autant plus possible qu'il met aussi en place un programme de prêts remboursables de 2 milliards de dollars pour les villes. Les villes pourront ainsi obtenir un prêt pour se qualifier à la subvention pour les infrastructures.
Les municipalités, dont les attentes étaient élevées, ont poussé un soupir de soulagement. Gérald Tremblay s'est réjoui de la volonté d'Ottawa d'accélérer les investissements et d'éliminer les tracasseries administratives. Il estime à 250 millions la somme que la métropole devrait obtenir pour ses infrastructures. «Dans les jours qui viennent, le gouvernement fédéral va recevoir nos demandes, tout comme le gouvernement du Québec», a-t-il indiqué. Parmi les projets prioritaires de son administration, il a cité la phase deux du réaménagement du canal Lachine, les rénovations envisagées dans les immeubles de l'Office municipal d'habitation et des investissements dans le réseau de bibliothèques.
Les modalités entourant l'octroi de tous ces milliards devront être précisées, a toutefois reconnu le maire de Sherbrooke et président de la Fédération canadienne des municipalités, Jean Perrault. «Les municipalités partout au Canada investissent déjà 15 milliards dans les infrastructures en 2009, dit-il. Est-ce que le gouvernement va accepter d'inclure ces sommes dans la contribution des villes?»
Dette plus lourde
D'autres copieux investissements en infrastructure ont été annoncés hier, notamment la construction sur les réserves indiennes de 10 écoles (200 millions) et d'usines de traitement d'eau (165 millions), le rafistolage des arénas, terrains de soccer, piscines et autres infrastructures de loisir au pays (500 millions) ainsi que l'achat d'équipement de surveillance des passagers aériens (296 millions).
Via Rail obtiendra aussi 407 millions de dollars pour ajouter des voies sur certains tronçons ferroviaires entre Montréal et Toronto. On espère ainsi réduire de 30 minutes le trajet entre les deux métropoles. Ottawa investira 212 millions pour la réfection du pont Champlain, à Montréal. On prévoit également 2 millions pour élaborer «un plan d'avenir» pour le site du manège militaire ayant flambé à Québec.
Tout ce déferlement de millions et de milliards n'est pas sans effet sur le solde budgétaire du Canada. Si rien n'avait été fait, Ottawa aurait quand même enregistré en 2009-10 un déficit de 15,7 milliards. Parce qu'il agit, ce montant atteindra 33,7 milliards. En fait, les déficits se suivront jusqu'en 2012-13 inclusivement: 29,8 milliards l'an prochain, 13 l'année suivante et 7,3 l'année d'après. Ottawa compte afficher un léger surplus, de 0,7 milliard, en 2013-14. Au total, Ottawa dépensera donc au cours de cette période 85 milliards de dollars de plus que ce qu'il récoltera en recettes. Un tel bilan ramènera la dette canadienne à 541,8 milliards, soit un niveau qui jamais égalé depuis 1999.


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