« OBAMA, au plus haut des cieux! »

Chronique de Patrice Boileau

Êtes-vous tannés d’en entendre parler? Moi si. Et voilà pourtant ce texte à son sujet! Je ne pouvais faire autrement, cependant. Peut-être était-ce l’unique moyen à mes yeux d’exorciser une fois pour toutes cet événement hyper-médiatisé où règne la démesure en terme de superlatifs pour qualifier le 44e président des États-Unis.
Car c’est bien de l’événement dont je ne peux plus entendre parler. Pas du successeur de George W. Bush, celui qui symbolise le progrès pour toute la communauté noire du continent. L’homme mérite légitimement sa chance, veine qui lui sourit déjà extraordinairement, par les nombreuses gaffes commises par le Président républicain sortant.
C’est l’assermentation transformée en happening par l’industrie du show-business qui m’a donné la nausée. Seuls, nos voisins du Sud sont capables de pareil artifice! Eux seuls parviennent à multiplier les analyses sur des sujets futiles et surtout à convaincre le reste de la planète à donner dans la surenchère! Il n’y a qu’à évoquer les débats autour des vêtements que portait la conjointe du nouveau président pour réaliser combien une mise en marché bien ficelée peut rendre l’insignifiance fondamentale. Idem pour ce babillage ésotérique au sujet du chef de la Maison Blanche qui est gaucher! Quelle inanité!
Remarquez que l’élu, quasiment transformé en divinité vivante, est quelque peu complice de cette exubérance autour de sa personne. En décidant d’emprunter le même itinéraire ferroviaire qu’Abraham Lincoln pour l’amener à Washington et y être assermenté, le nouveau président a soulevé les passions. Et que dire de son idée de prêter serment sur la même bible que son mentor! Doit-on de nouveau rappeler ici cette qualité qu’ont les Étasuniens pour transformer une cérémonie protocolaire en véritable conte de fée hollywoodien?
L’engouement mondial qu’a soulevé l’avènement de Barack Obama à la tête des États-Unis montre à quel point ce pays domine la planète. N’ont-ils pas d’ailleurs été plusieurs à l’identifier spontanément comme leur président? Au Québec, certains analystes politiques et chroniqueurs ont soupiré publiquement, tellement ils envient ce qui se passe de l’autre côté de la frontière!
Cette influence quasi dictatoriale qu’exercent les États-Unis sur le reste du monde n’est pas récente. Elle a émergé après la Première Guerre mondiale et s’est véritablement raffermie suite à la seconde. Forte de toute cette richesse découlant de mirobolants prêts de guerre et de ventes massives d’armement, la nation étasunienne a imposé en quelque sorte son agenda industriel et culturel à la communauté internationale. Cette dernière a développé par la suite une sorte d’asservissement qui est encore bien en place aujourd’hui.
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Le dernier épisode de cette dépendance collective envers l’oncle Sam est cette crise financière qui a débuté l’année dernière. Le sacro-saint libéralisme économique, modèle érigé en vertu immuable par les gouvernements étasuniens, ce néolibéralisme où l’interventionnisme étatique n’a pas sa place puisque synonyme de gaspillages et de déficits budgétaires abyssaux, a éclaboussé dans sa chute tous les pays qui y ont cru, dont la Chine. Pour la classe politique de Washington, l’humiliation est cinglante. Forcer le peuple de leur pays à payer la note pour la cupidité des chefs d’entreprises bancaires et autre « fleurons industriels » s’avère en effet un exercice prodigieusement embarrassant. Secourir à l’aide de fonds publics des dirigeants qui n’ont pas hésité à sacrifier les travailleurs sur l’autel du Dieu profit, oblige le nouveau chef des États-Unis à solliciter la clémence internationale.
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Pour réussir à l’obtenir, le leader démocrate a commencé à poser des gestes qui marquent une rupture avec l’ancienne administration. Il lui pressait de reconstruire ces ponts avec les autres pays, car le précédent gouvernement républicain a agi de manière à isoler les États-Unis. Ainsi, ces guerres déclenchées en Afghanistan et en Irak ont soulevé l’indignation générale. Les prisons clandestines qui se sont multipliées durant ces agressions armées ont ajouté à l’exaspération planétaire. Idem dans le dossier environnemental. L’entêtement de l’administration Bush à ne pas reconnaître la thèse du réchauffement climatique, son refus catégorique de signer le protocole de Kyoto, a irrité profondément les diplomaties étrangères -- sauf Ottawa -- et autres leaders écologistes. Les trois « géants de l’auto » de Détroit, encouragés par la folie de Washington, sont aujourd’hui en faillite technique, incapables d’écouler leurs stocks de mastodontes inutiles, polluants et énergivores…
Il était donc naturel pour l’ancien gouverneur de l’Illinois de décréter, dès le lendemain de son assermentation, la fermeture de la prison de Guantanamo et celle d’autres centres d’incarcération secrètement gérés par la CIA. Quelques jours plus tard, il a annoncé l’intention de son gouvernement d’imposer de nouvelles normes en matière d’économie de carburant pour les véhicules automobiles. Du même souffle, des fonds seront investis pour encourager le développement d’un modèle propre, mu électriquement. Assisterons-nous à un nouveau concours technologique, un peu à l’image du défi que Washington avait lancé à ses scientifiques, lors de cette « course pour la lune » dans les années 60? Chose certaine, la nouvelle administration démocrate semble déterminée à relancer l’économie moribonde du pays en misant sur un virage vert.
Voilà un réchauffement qui plaira à la communauté internationale, celui des relations diplomatiques avec les États-Unis. Certains évoquent déjà le génie du nouveau leader démocrate. D’autres, dont je suis, préfèrent parler d’actions incontournables, mesures qui devaient impérativement être adoptées pour réparer le gâchis politique, économique et environnemental qu’a causé cet État dans le monde. Washington n’avait tout simplement pas le choix. Pour le reste, n’en déplaise à ces chroniqueurs, dont Denise Bombardier, qui décrètent gratuitement l’interdiction d’exprimer sa prudence dans ce concert d’éloge qui rappelle à nouveau cette inféodation internationale malsaine, j’exige le droit d’attendre et d’observer la suite des choses, avant d’y ajouter ma voix.
Patrice Boileau



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3 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    2 février 2009

    Oui, restons observateurs et quelque peu prudents, même si, je l'avoue, le flegme d'Obama et son humanisme (qui frôle l'authenticité) nous permet de rêver mieux.
    L'idolâtrie a ses pièges. C'est un pauvre luxe que nous ne pouvons plus nous payer.

  • Archives de Vigile Répondre

    29 janvier 2009

    Je pourrais certes chipoter sur certains détails. Mais l'essentiel n'est pas là. Avec des analyses d'une telle qualité (et d'autres publiées ailleurs), la question qu'il faut se poser est encore de savoir s'il est nécessaire d'acheter (s'abonner ?) à un journal comme La Presse ? Quand on a fait le tour d'un certain nombre de sites internet j'estime que nous sommes cent fois mieux informés. Pourquoi alors ne pas enrichir ce genre d'articles de liens vers des sites de références qui pourraient nous permettre de contourner durablement La Presse et les merdias officiels ?
    GV

  • Archives de Vigile Répondre

    28 janvier 2009

    Vous avez ma permission et personne ne pourra vous y obliger. Je suis d'accord à juger l'homme Obama à ses réalisations mais je lui donne le bénéfice du doute jusqu'à preuve du contraire, Yes, I can.
    Les États-Unis n'auraient pas changé de cap si les Républicains avaient été élus avec M. McCain, un ancien militaire et Mme Palin qui aime bien tuer à la chasse, tous les 2 des admirateurs de W. Bush.