Non à l'accommodement provincial

Chronique de Patrice Boileau

La poussière commence à retomber doucement sur le Québec, suite à l’élection du 26 mars. Tous les yeux sont tournés sur le Parti québécois afin de savoir ce qu’il compte faire pour combler le recul qu’il a subi.
Pas de danger que le Parti libéral hérite d’une pareille attention médiatique. Il est vrai que lorsque l’on choisit la soumission politique, il ne reste plus beaucoup de place pour la fougue et l’imagination. Le bouillonnement des idées au PLQ n’est pas une réalité qui le caractérise…
Il en va évidemment autrement chez les péquistes. L’article 1 du PQ attire en son sein des bâtisseurs désireux de se mettre au travail. L’attentisme qu’a préconisé l’État-major du Parti québécois suite au vol référendaire de 1995 fut pour ces derniers une période frustrante. Plusieurs ont même décidé de riposter en demeurant à la maison, au scrutin de 2003. La sanction électorale qu’ont alors essuyée les péquistes a laissé croire par la suite que les choses allaient enfin bouger. Sauf que le déclenchement de la « saison des idées » n’a fait que le miroiter !
Ce qui devait survenir arriva le 26 mars dernier : traînant son boulet référendaire, le Parti québécois a davantage été boudé par les indépendantistes. Certains sont allés du côté de Québec solidaire. D’autres ont préféré le Parti vert tandis que plusieurs ont opté pour l’ADQ. Un grand nombre ont encore tourné le dos aux urnes ou ont annulé leur bulletin de vote. Le Parti québécois a subi une seconde correction populaire qui l’a relégué cette fois au rang de tiers parti.
L’ensemble des textes et des analyses qui ont été produits ces derniers jours pour ergoter sur la régression du camp péquiste -- pas ceux que publient les médias à la solde des fédéralistes mais les critiques diffusées par les réseaux alternatifs -- arrivent sensiblement à la même conclusion : l’étapisme référendaire empoisonne le projet indépendantiste. De plus en plus de Québécois les confondent. Si rien n’est fait, il ne sera plus possible de les dissocier. Comptez sur les fédéralistes pour accélérer ce processus! Le refus référendaire exprimera donc sous peu une désapprobation de l’objectif souverainiste. Il est certain que le dernier résultat électoral n’a pas amélioré la situation. L’appui à l’indépendance du Québec qui ralliait environ 45% des Québécois avant le scrutin a sûrement faibli, puisque 65% des gens ne veulent pas de référendum...
Les députés péquistes qui ont résisté au vote de mécontentement du 26 mars concluent sans surprise que la population québécoise ne veut pas de référendum. C’est ce qu’ils ont révélé au terme de leur première réunion suite à l’élection. Là s’arrête malheureusement leur introspection. Pire : ils répètent béatement le discours officiel que propagent leurs adversaires fédéralistes et contribuent tristement à raffermir cette légende urbaine qui veut que la souveraineté ne puisse se réaliser que par voie référendaire. C’est à se demander si eux-mêmes commencent aussi à croire que l’objection des gens face au référendum « le plus tôt possible dans le mandat » signifie qu’ils s’opposent simultanément à leur projet souverainiste. Navrant.
Il était triste d’entendre Bernard Landry et Jacques Parizeau comparer le référendum à un marteau, instrument qu’ils considèrent incontournable pour « construire la maison. » Bâtir un pays ne se fait-il pas plutôt avec son peuple qui en est le sang, donc l’outil essentiel? S’il consent à y participer à 50% + 1, n’est-ce pas là le critère fondamental que la communauté internationale reconnaît? Cette majorité absolue peut s’obtenir par voie élective. Il est donc faux de prétendre que seule la démarche référendaire peut le faire. Il faut le dire aux Québécois avant qu’ils ne deviennent complètement marteaux avec le référendum que les péquistes insistent à leur imposer…
Inutile de réciter la Genèse une fois de plus pour expliquer qu’il n’est plus possible d’emprunter le même processus pour faire l’indépendance. On peut néanmoins y ajouter un nouveau chapitre, soit le récent commentaire de Jean Pelletier. L’illustre ami de l’ancien premier ministre du Canada, Jean Chrétien, celui qui a sûrement applaudi les magouilles frauduleuses de son patron pour voler la victoire souverainiste de 1995, a déclaré avoir « hâte au prochain référendum! » Pas étonnant puisqu’il sait ce dont est capable l’État canadien pour le saboter. Son assurance donne froid dans le dos : il ne fait aucun doute qu’Ottawa ne reculera devant rien pour mater le peuple francophone d’Amérique du Nord. Voilà exactement ce que ne veulent pas subir les Québécois. N’est-ce pas suffisant pour que le Parti québécois comprenne qu’il doit s’ajuster?
Force est d’admettre que non. Les députés péquistes semblent déterminés à persévérer dans la voie référendaire et veulent maintenant attendre qu’une fenêtre favorable s’ouvre avant d’aller de l’avant. Le soufflet de 2007 aura donc eu pour effet de les persuader de revenir à l’attentisme. Voilà qui est surréaliste. Que doivent faire de plus les indépendantistes pour que leurs représentants l’abandonnent? Encore plus inquiétant est cette manœuvre de reporter le congrès de juin prochain afin d’empêcher les membres de s’exprimer. Que se passe-t-il au Parti québécois? Une élection risque pourtant de survenir d’ici un an : le PQ doit offrir ce qu’il est au prochain scrutin et chercher à tisser des alliances avec les formations progressistes afin de rallier l’approbation d’une majorité absolue d’électeurs.
Ce sera dorénavant aux Québécois de décider quel type de mandat ils veulent donner aux députés souverainistes des partis alliés. Il faut calmer les esprits en annonçant que ce choix sera récurrent et reviendra donc à chaque scrutin : les Québécois n’auront qu’à trancher à l’élection de leur choix. Fini le spectre d’une joute référendaire suicide, face à un adversaire malveillant, que seuls quelques caribous espèrent encore. Pendant ce temps, le PQ peut à la fois proposer aux gens une constitution et une citoyenneté, comme l’Action démocratique. De plus, pareille à l’ADQ, pourquoi ne pas promettre également l’abolition de l’impôt fédéral? D’autres actions semblables sont à ajouter, dont celle de refuser la muselière qu’Ottawa impose à l’État québécois, comme ce fut le cas à la conférence onusienne sur les changements climatiques à Nairobi l’année dernière. 45 secondes de droit de parole n’était pas une requête abusive, surtout dans le cadre d’un « fédéralisme d’ouverture »…
Mario Dumont dit qu’il veut agir « sans attendre la permission d’Ottawa » : fallait y penser… Demandons-lui simultanément comment il convaincra les nouveaux arrivants d’opter pour le mode de vie de la majorité québécoise, alors qu’il accepte qu’elle demeure une minorité canadienne! Qu’il aille dans la région du Pontiac observer ce que cela produit comme résultat! Peut-être préfère-t-il attendre que la même hostilité atteigne le West Island de Montréal pour bouger : cela fera moins de distance à parcourir à partir de Rivière-du-Loup… Voilà où se différencie le Parti québécois avec son article 1. Le PQ doit l’offrir aux Québécois maintenant : il ne peut y avoir d’accommodement provincial.
Patrice Boileau



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1 commentaire

  • Luc Bertrand Répondre

    4 avril 2007

    Je suis 200% d'accord avec votre analyse de l'élection du 26 mars dernier. Malheureusement, les vrai(e)s indépendantistes parmi le dernier contingent de candidat(e)s du Parti Québécois qu'André Boisclair a envoyé(e)s à l'abattoir ont tou(te)s été battu(e)s. J'en ai été témoin dans L'Assomption. L'écoeurement des électeurs était tel qu'on a préféré élire des "pancartes" de Mario Dumont (les candidat(e)s étaient souvent à la fois inconnu(e)s de la population et invisibles sur le terrain). À titre d'exemple, mon propre patron, résident de St-Jean-sur-Richelieu, m'a livré le même témoignage. Également, Daniel Fournier, candidat libéral arrivé troisième dans le comté de Pointe-aux-Trembles, a confié au journal local L'Avenir que le candidat adéquiste (qui a fini au deuxième rang après André Boisclair) ne s'était à peu près jamais pointé dans le comté pendant la campagne!
    De ce que j'ai jugé à partir du pointage téléphonique, je dirais que les "sympathisant(e)s" péquistes ont voté, en moyenne, à 80% pour le parti, 15% pour le candidat (Jean-Claude St-André était apprécié pour sa grande franchise, sa ténacité et son attachement aux gens du comté) et à peine 5% pour le chef. Certains "indécis" nous ont avoué demeurer près du parti, mais la plupart ne nous ont pas caché leur extrême déception envers le chef et le Parti Québécois lui-même au point de refuser de changer d'avis, même en citant les divergences d'opinion de leur député avec la "ligne de parti". Il n'y avait absolument rien à faire. La nouvelle de la défaite de Jean-Claude et du quasi-balayage adéquiste dans les régions de Lanaudière et des Laurentides a été une terrible douche froide pour tout le monde.
    Mon pronostic sombre de la semaine précédant la rencontre d'André Boisclair avec les président(e)s de comté s'est ainsi réalisé. Je prévoyais, en effet, que le PQ allait même perdre son titre d'opposition officielle.
    Après avoir dû, à contrecoeur finalement, se ranger derrière le chef et réprimer nos critiques (au point d'en perdre toute crédibilité lorsque Boisclair a déliré au point de promettre SON référendum même dans un contexte de gouvernement minoritaire), ce sera indiscutablement le chef et ses conseillers qui devront rendre des comptes aux membres du parti. En fait, le poids de la défaite incombe également aux prédécesseurs d'André Boisclair, Bernard Landry et Lucien Bouchard ayant aliéné les souverainistes à la cause et au parti la défendant à cause des décisions radicales et improvisées (mise à la retraite de milliers de médecins et d'infirmières, coupures aveugles pour atteindre le déficit zéro, fusions municipales forcées, réforme de l'enseignement, etc.) qu'ils n'ont jamais cherché à excuser ni justifier de manière cohérente avec la raison d'être du parti.
    Donc, si le parti refuse de revenir essentiellement à sa mission fondamentale (faire l'indépendance du Québec) et, encore plus, omet de revoir sa stratégie pour, enfin, revenir à l'approche élective et aux "gestes de rupture", je considère que nous nous devrons de fonder rapidement un nouveau parti politique prônant un tel programme (que nous pourrions nommer "Parti National" ou tout simplement "Ralliement pour l'indépendance nationale" par respect pour les d'Allemagne, Chaloult et Bourgault) et refusant par principe toute gouverne provinciale. Le parti, comme certains l'ont proposé, devrait même prévoir sa propre dissolution au lendemain de la réalisation de son objectif, pour signifier implicitement la nécessité du réalignement politique des partis lors de la construction du nouveau pays du Québec.