Nommer un juge est un geste politique, dit Bastarache

Une autre source confirme les allégations de Bellemare

Commission Bastarache

Québec — Michel Bastarache estime qu'il existe une «confusion» dommageable dans le discours public entre «nomination politique» et «nomination partisane», a-t-il confié au Devoir hier. L'ancien juge de la Cour suprême chargé par le gouvernement Charest, dans la foulée des allégations de Marc Bellemare, de présider une commission sur la nomination des juges «espère que la commission va aider à clarifier ces choses-là». M. Bastarache s'inquiète aussi de «l'espèce de frénésie qui s'est emparée des gens pour écarter tout le monde qui a touché de loin ou de près à la politique».
Selon lui, il faut accepter le fait que la nomination à la magistrature est «politique», puisqu'elle est faite, en définitive, par un élu. L'important, c'est qu'elle ne soit pas «partisane» au sens où un tiers partisan interfère dans le processus. Justement, en soirée hier, Radio-Canada révélait qu'un libéral notoire de l'Outaouais, Gatien Fournier, deviendra juge à la Cour du Québec demain. Le ministre régional, Norm MacMillan, a admis la semaine dernière avoir mentionné, en 2003, au ministre de la Justice Marc Bellemare, la volonté d'un autre libéral notoire, Guy Bisson, de voir son fils Marc devenir juge.
Pour M. Bastarache, d'une part «on demande aux gens de s'intéresser à la politique, de jouer un rôle social». Or quand ils le font, «on ne devrait pas les punir tout de suite en disant: "dès que vous avez fait une donation politique ou participé à un événement politique, [êtes] devenu membre d'un parti, vous êtes disqualifié pour la vie d'une fonction de juge"», a fait remarquer M. Bastarache.
Ce dernier a répété du reste qu'il examinerait si «le premier ministre respecte ou non le système établi». Vendredi dernier, la ministre de la Justice, Kathleen Weil, a révélé qu'elle discutait de la liste de candidats à la magistrature avec le premier ministre, ce que ce dernier a par la suite qualifié de «tout à fait normal». M. Bastarache n'a pas écarté le fait que cela puisse poser «problème», puisque cela marquerait une rupture avec la procédure habituelle apparemment respectée par les premiers ministres depuis René Lévesque.
Les partis d'opposition sont revenus sur ces révélations, hier. La chef péquiste, Pauline Marois, a soutenu que la ministre Kathleen Weil était trop inexpérimentée pour s'acquitter de sa tâche. Le chef de l'ADQ, Gérard Deltell, a quant à lui reproché à Jean Charest d'avoir «vicié» le processus de nomination des juges et de se «cacher» derrière la commission Bastarache.
La commission en question se donnera un secrétaire cette semaine. Quand Le Devoir l'a contacté hier, M. Bastarache était en train de dresser un «plan préliminaire de travail». Il se penchait aussi sur une liste de noms de personnes qu'il rencontrera très bientôt pour faire la sélection des procureurs de la commission. «Dès que ces gens-là sont choisis, on va faire une première réunion pour arrêter le plan de travail», a-t-il déclaré sans donner plus de détails.
Allégations confirmées
D'autre part, une source très reconnue dans le monde juridique à Québec et qui connaît très bien le processus de sélection des juges nous a confié ce qui suit, au sujet des allégations de Marc Bellemare: «Ce n'est pas la première fois que j'entends dire qu'un financier du Parti libéral ou un financier tout court est au courant de la composition d'une liste.» Notre source soutient toutefois que le processus de nomination à Québec est «de loin» meilleur et plus transparent que les nominations à Ottawa, faites par un comité de sélection «anonyme», et sans examen. «C'est un processus souterrain.»
La conjointe de Marc Bellemare deviendra bâtonnière
Fait cocasse, l'avocate Lu Chan Khuong, associée et conjointe de l'ancien ministre de la Justice Marc Bellemare, deviendra bâtonnière de Québec le 6 mai prochain, a appris Le Devoir. Actuellement «première conseillère» dans le Conseil du barreau, Mme Lu Chan Khuong est la seule à avoir soumis sa candidature à ce poste, et la période de mise en candidature est terminée. L'actuelle bâtonnière, Lise Bergeron, ne sollicite pas de nouveau mandat. Il s'agit d'une tradition à Québec de voir la première conseillère devenir bâtonnière au terme du mandat, d'une durée d'un an. Mme Khuong est devenue avocate en 1998. Notons que lorsqu'un poste de juge est vacant dans le territoire du barreau de Québec, le bâtonnier de cette région est nommé au comité de sélection de trois personnes chargées de dresser la liste des candidats soumise au ministre. Avoir occupé le poste de bâtonnier est vu comme un élément favorisant une éventuelle nomination à la magistrature. Plusieurs anciens bâtonniers de Québec ont obtenu dans le passé un poste de juge plus tard dans leur carrière. Le dernier en date est Jean-Louis Lemay, qui a été nommé le 25 mars à la Cour du Québec.
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Avec La presse canadienne


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