L'opinion de Bernard Landry #31

Mur à murs

L'opinion de Bernard Landry


Il y a quelques années, en faisant à l'aube ma marche quotidienne dans une belle avenue de Berlin qui s'appelle Unter Der Linden Allee, je suis passé avec émotion sous l'arche majestueux de la porte de Brandenburg. Peu de temps auparavant je n'aurais pu le faire: le célèbre et infranchissable mur passait là.
Ce mur qui divisait la ville en deux et d'une certaine manière aussi, le monde, a été démantelé matériellement et symboliquement il y a vingt ans cette année. Cet événement s'inscrit dans une série d'autres d'une importance vitale pour l'humanité, au premier rang desquels on retrouve la fin de l'Union Soviétique et la mise au rencart du communisme pratiquement partout. Comme la Chine elle-même a tourné le dos à ce système, on peut dire que ces années ont changé radicalement le destin de plus d'un milliard et demi d'êtres humains: un sur quatre. Sans compter l'impact de ces changements sur l'ensemble de l'économie planétaire donc sur toute l'humanité.
Il est à espérer que ce vingtième anniversaire, qui survient dans une période de tourmente pour le système capitaliste libéral lui-même, contribuera à une réflexion profonde sur les réorganisations qui sont visiblement nécessaires maintenant. Mais au chapître de la liberté de passage elle-même, de nouveaux murs nous obligent à réfléchir à l'odieux de tout genre de barrières physiques à la mobilité des personnes.

S'il n'y a plus de murs sous la porte de Brandenburg, d'autres se sont donc élevés ailleurs et témoignent de diverses tensions. Il y a à Jérusalem un hôtel d'un charme indéfinissable, chargé d'histoire, et qui s'appelle Magen David (le Roi David). Des splendides jardins de cet hôtel, on a une vue imprenable sur la ville si chère aux juifs, aux musulmans et aux chrétiens. On y voit de ce promontoire de belles collines comme le Mont des Oliviers, des monuments célèbres mais, se profilant à l'horizon, un mur d'une laideur grandiose qui perturbe ce paysage si sacré pour tellement de gens.
Pour des raisons de sécurité que l'on peut comprendre, l'état d'Israël se protège ainsi contre des intrusions palestiniennes qui ont viré maintes fois à la tragédie. Les représailles israéliennes, on le sait, ont fait des dégâts humains et matériels bien plus importants et presque toujours excessifs même quand elles sont justifiées.
Quand ce mur tombera-t-il? Sans avoir la signification de la chute du mur de Berlin, son démantèlement sera un grand jour pour l'humanité. Ce conflit désespérant assombrit le ciel mondial depuis beaucoup trop longtemps. L'arrivée de Obama pourrait avoir sur ce mur l'influence que celle de Gorbachev avait eu sur l'autre. C'est l'heure de la bonne volonté à partir de tous les horizons. Il faut que la paix redonne leur beauté intégrale aux belles collines qui entourent Jérusalem.
Très loin de là, et près de nous, un autre mur contemporain n'es pas
à l'honneur de la première puissance du monde et de celle qui a inventé la démocratie: les États-Unis d'Amérique. Ils ont érigé une barrière physique entre eux et leurs voisins mexicains qui sont pourtant, comme nous, leurs partenaires dans l'ALENA. Déjà des dizaine de millions de mexicains vivent aux États-Unis, pour le plus grand avantage de ce pays. Ils sont le contraire de terroristes et leur culture sympathique influence même la gastronomie américaine qui en avait grand besoin.

Il est vrai que l'immigration doit être régulée et surveillée et que l'on ne peut voler son appartenance à un nouveau pays car la planète ne serait pas gérable autrement. Mais il y a la manière et l'usage de murs est sûrement la plus inhumaine et la plus déshonorante.

S'il y a eu un mur à Berlin, c'est que le régime de l'Est désespérait à ce point ses citoyens, qu'ils voulaient s'en échapper à tout prix. Sans qu'il ne s'agisse de situations comparables, si les Mexicains veulent aller au nord, c'est qu'ils rêvent d'une vie matérielle meilleure.
C'est l'économie qui est en cause. Le revenu par tête, au Mexique, est d'environ quatre fois inférieur à celui de ses deux voisins du nord. Si l'on veut que les Mexicains ne quittent pas leur beau pays, ce n'est pas un mur qu'il faut élever mais leur niveau de vie par une coopération internationale fraternelle et efficace.
Notre ALENA ne doit pas être que matérielle, elle doit suivre le formidable exemple de l'Union Européenne et chercher la prospérité de tous ses participants dans un climat d'amitié. La bourde canadienne des visas incarne hélas le contraire de cette nécessaire amitié.
Bernard Landry


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