Morale du cours d’éthique et de l’histoire de la religion.

Aux enfants la morale, aux adultes la philosophie.

Tribune libre

Ils ont en très grand nombre fait le déplacement de Drummondville ce samedi 25 avril. De diverses régions et de différentes religions, de diverses souches et couches, diverses cultures et races. Ils ont noblement défilé sous un soleil tropical dans quelques rues de notre paisible petite ville, ceinturant le Palais de Justice. Ici prochainement un parent viendra se faire valider pour lui et la société, le droit de soustraire son enfant du cours général d’éthique et de d’histoire des religions. Je les ai suivis, je les ai observés, je leur ai ouvert ma fine oreille. Ils étaient super énergisés, hyper harmonisés. La Coalition pour la Liberté en Éducation donne le ton : «Pas de cours de cultures religieuses assorti d’obligation». Mais le gouvernement avec «les deux mains sur le volant» ne semble pas vouloir écouter. La course s’annonce longue.
A Drummondville, ville des drums et des rencontres multiculturelles, les tambourins auraient pu convaincre. On aura rarement vu les ministres du Dieu unique se mettre au diapason. Le seul bémol si fausse note était, c’est que loin du défilé et du parc de la paix où la marche a éclos, la cause est demeurée morte. Les participants ont marché pour eux, et pour les médias. Drummondville me semble n’avoir été mis au parfum que par le télé journal. Oui, ce sont les médias que la marche ciblait, répondront les organisateurs, afin de leur faire parler de la question. C’est cela qui est justement problématique. Pourquoi devoir marcher pour faire valoir la raison ? Notre société accuse manifestement un important déficit d’écoute et de morale. On en est venu à ce que les lois encadrent et défendent la morale, supposée guider l’esprit des lois. Ca n’a pas bon sens !
Ils ne m’ont pas convaincu, d’une part la morale d’une marche n’est pas éthique, pour l’enjeu grand de taille, d’autre part. En filigrane, je vois le rôle des politiciens et des médias. Ces derniers sont acteurs omniprésents, en amont, en aval et dans les rapides. En particulier, les médis aident à amplifier, à multiplier la visibilité d’une manifestation, au point qu’on peut croire que toutes les rues, toutes les habitations, toutes les villes sont au pas. Or, il se peut qu’à égale mobilisation, une manifestation en faveur du cours pourrait attirer autant si pas plus d’affluence. Pour différentes raisons, les gens manifestent sans communion d’oraison. Hélas assez souvent après avoir insufflé des choix raisonnés, la majorité devient silencieuse et laisse la minorité non convaincue investir les places publiques pour réclamer le statu quo sinon un retour en arrière, sans obligations d’argumentation. Et souvent nos élus cèdent aux moifs émotifs, non rationnels, pour au premier plan éviter la confrontation et veiller au grain du vote. Ainsi des cycles se succèdent, sur place dans tous les sens. Inquiétant, n’est-ce pas, de se savoir gouverné depuis la rue, plutôt que par la lumière. Seuls y gagnent à court terme médias et précédents perdants du damier politique.
Par ailleurs, la problématique est complexe. Rappelons que l’école publique québécoise est laïque, qu’il a acquis ce statut après qu’il ait été confessionnelle il y a quelques décennies. Cette laïcité récolte l’adhésion de la très large majorité, au sein de notre société. Ni le gouvernement, ni les religieux, ni les croyants encore moins les athées voudraient le mettre en péril. Où se trouve alors le bug, et pourquoi manifester, ou ne pas manifester ?
L’éducation ou l’enseignement des valeurs constitue indéniablement le pilier de l’harmonie sociale. Ce qui manque de consensus, c’est la définition et l’hiérarchisation des valeurs. Certains parlerons de paix, de compassion, d’altruisme, de simplicité, d’intégrité, d’amour, de foi, etc., d’autres citeront la loi, les droits, les libertés, les responsabilités, les loisirs et les plaisirs, et le rêve de l’abondance. Ces divergences de perceptions sont prises en charge par les libertés d’association et de religion, qui ne sont ni extravagantes ni contestées. A noter que la laïcité est en soit une forme d’oecuménisme religieux. C’est la tribune commune à toutes les croyances, fondée sur la foi en l’égalité de tous devant le bon sens et le dieu «Loi». Elle réconcilie les religions, dans le respect de leurs différences dogmatiques. Ainsi, l’école publique sera un lieu neutre, apolitique et areligieux, milieu de vie et d’apprentissage propice à l’épanouissement non différentiel de tous, élèves, enseignants et personnels associés. Ceci semblait solidement acquis et irréversible. Quid alors de la fronde ?
L’imposition et la contestation d’un cours élémentaire d’histoire des religions cachent un profond malaise à double fond. Au premier plan, j’entrevois l’entrée du cours par la brèche frayée par l’explosion et les ondes de choc de la récente bombe des «désaccommodements». Peut-être l’idée faisait son chemin depuis fort longtemps, alors ce fut l’occasion en or de faire fondre le fer pour y glisser le clou. Ou alors elle aura germé précipitamment sur un terreau en serre. On le sait, des frictions enregistrées ont pris l’amplitude de la démesure médiatique. On a vite conclu à l’urgence d’une éducation à la diversité religieuse dès le bas âge. Mais là où le bas blesse, c’est qu’ici on adresse la médecine aux jeunes esprits en pépinière, plutôt que de soigner les gros arbres aux fruits pourris. Il aurait fallu administrer une bonne cure de désintoxication des médias qui presque tous carburent aux drames. Il aurait fallu répondre aux besoins des adultes qui somme toute sommes bourrés de préjugés. Si le savoir vivre et laisser vivre est la cible de la stratégie par ce cours, on fait fausse route en voulant formater l’esprit critique des jeunes par l’imagerie religieuse. Car, les croyances religieuses ne sont ni les seules ni les plus à risques des différences. Sur l’autre plan, c’est l’illusion de clarté de la laïcité, ou de consensus de rejet de la moralité. Ainsi, laïcs et areligieux on est allergique à tout ce qui évoque la «morale». On berce la crainte d’un retour par la petite porte des endoctrineurs religieux. Mais on est tous d’avis que la bonne santé d’esprit est essentielle à l’harmonisation des rapports sociaux, et que l’éducation aux valeurs ou l’enseignement moral lui est mère nourricière. De quel contenu, par qui et quels moyens assurer et soutenir ce précieux développement mental des jeunes ?
Le gouvernement et la population sont conscients de ce que l’éducation n’est pas réductible à l’instruction. Certains croient et considèrent que le développement moral doit être imparti aux parents et aux organisations confessionnelles, que la morale n’a pas sa place dans des salles de classe. «Je ne veux pas que mon enfant fasse un cours de religion», considère un parent. Pourquoi, pour qui ? Il me semble que souvent nous les parents, oublions que les enfants ne nous appartiennent pas, que nous les aimons et les éduquons pour eux et pour la société de demain. Qu’est-ce qui est bon pour cette société dont nous assurons la tutelle ? Nous voulons sortir la morale de l’école, cependant le déficit de confiance envers l’ordre religieux et l’écart volatile de capacités parentales ne permettent pas de garantir à tous les enfants l’accès aux bons nutriments moraux, sans arbitrage gouvernemental. Le cours d’éthique répondrait-il à cette préoccupation ?
L’offre d’enseignement de l’histoire des religions qui n’est pas un cours de religion, suppose que le risque d’écoeurements inhérent à l’ignorance et aux préjugés, se résorbera par la magie du savoir. Or c’est plutôt le savoir être, le savoir vivre qu’il faut soigner. Et l’état n’en est pas capable. On n’a qu’à voir l’inflation des barèmes de pénalités d’infraction au code de la route, par exemple. Si l’État savait éduquer, les records d’infractions et les taux de sanctions iraient en diminuant. Mais voici que pour faire rêver de résultats encourageants, l’on doive mettre la police partout. Vers quelle société allons-nous dans la laïcité sans balises autorégulatrices ? Il y a manifestement un énorme déficit de la morale. Qui relèvera le défi, alors que ni les religieux, ni les politiciens ni les journalistes n’inspirent confiance à une majorité stable et convaincante ?
Chose évidente, informer assez tôt et démystifier les codes de la différence n’est pas un substitut parfait à l’éducation morale. Les deux sont plutôt complémentaires. L’école doit pouvoir éveiller et aiguiser l’esprit critique, installer à temps les amortisseurs de la pensée contradictoire, pour prévenir les excès d’endoctrinement et les risques d’intégrismes. Il revient par contre aux parents et religieux d’organiser la transmission des valeurs morales.
Rien ne justifierait donc que les manifestants soient sur les nerfs. Mais ils ont de bonnes raisons d’être alertes et s’inquiéter. Depuis que les temples ont été désertés, des mass médias de tout acabit ont pris la place et n’ont pas fait mieux sur le plan du développement moral, humain. On reconnaîtra que les médias peuvent contribuer significativement à l’éducation aux valeurs. Mais c’est une question de direction et de culture. Ne devrait-on pas offrir un cours d’éthique et d’histoire des différences et de la diversité au monde médiatique avant de surcharger les jeunes génies sans maturité de jugement ? Aussi, ne serait-ce pas plus justifié de faire valoir le mérite de l’enseignement moral à bénéficier de l’appui politique et financier de l’état, comme c’est le cas pour le cours d’éthique de d’histoire religieuse ?

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François Munyabagisha79 articles

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Psycho-pédagogue et économiste, diplômé de l'UQTR
(1990). Au Rwanda en 94, témoin occulaire de la tragédie de «génocides»,

depuis consultant indépendant, observateur avisé et libre penseur.





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