Montréal 2017 ou l'échec du coup de la Brink's

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«Il ne faut tenir aucun électorat pour acquis, pas même celui que l’on croit le plus captif»

Ça y est, Valérie plante Coderre.


Le taux de participation était quant à lui désastreux. Soixante pourcent des Montréalais ne sont pas allés voter. Les analystes ont pointé du doigt le mauvais temps. Si le mauvais temps a effectivement dissuadé un si grand nombre de gens d'aller voter, c'est pitoyable. Il pleuvait. Il n’y avait pas d'ouragans, pas de chute de météorite, pas de tremblement de terre. À Montréal, les bureaux sont nombreux et bien dispersés. La journée aurait été chaude et ensoleillée qu’on aurait plaidé le beau temps pour justifier l’abstention...


En voyant le faible taux de participation, on pouvait alors croire que Denis Coderre allait l’emporter. Normalement, quand le taux de participation est fort, c’est qu’on veut te sortir. Or, hier, ce sont plutôt les partisans de madame Plante qui sont allés voter. Cela m’amène à présenter un aspect négligé par les analystes de l’élection municipale: la polarisation linguistique.


Comme mon ami Sylvain Lévesque –qui blogue également pour ce journal- me le mentionnait ce matin, la carte électorale indique une forte division entre les groupes linguistiques. Les arrondissements allophones ont voté pour Denis Coderre tandis que les francophones ont principalement appuyé Valérie Plante. Plusieurs anticipaient d’ailleurs que monsieur Coderre pourrait conserver son poste à cause du fameux « vote ethnique » ciblé maladroitement par Jacques Parizeau pour expliquer le résultat du référendum de 1995.


Cependant, quand on regarde d’encore plus près, on constate que c’est la faible participation du côté allophone qui a causé la défaite de Denis Coderre. On laissera de côté l’analyse des motivations des francophones en faveur de Valérie Plante puisque celles-ci ont déjà été suffisamment exposées par les commentateurs.


Du côté des allophones, le peu de mobilisation en faveur de Denis Coderre trouve plusieurs explications dans les actions du maire. Cependant, il lui aurait été possible de les motiver par dépit s’il avait pu agiter la menace séparatiste et la catastrophe qui s’ensuivrait inévitablement. Si la question nationale ne passionne plus le Québec français, elle continue d’être un hochet extrêmement utile pour les fédéralistes issus des communautés culturelles.


Vous vous souvenez du coup de la Brink’s en 1970 ? Pas moi, car je n’étais pas né, mais je sais de quoi il s’agit. Le dimanche 26 avril 1970, neuf camions blindés de la firme de sécurité Brink’s, escortés par une trentaine d’agents armés, ont quitté le bâtiment de la Royal Trust à Montréal pour déménager à Toronto des milliers de certificats en valeurs mobilières. Le fait que des journalistes aient été avertis et que les camions auraient pu tout bonnement se stationner dans les souterrains ne fait aucun doute sur le fait qu’il s’agissait d’une opération médiatique. Détail important: l’élection provinciale, la première où le Parti québécois participait, avait lieu trois jours après. Il fallait donc marquer l’imaginaire collectif en « démontrant » que l’option indépendantiste représentait purement et simplement la ruine.


En 2009, il avait été très facile pour Gérald Tremblay de créer son « coup de la Brink’s ». Les scandales de corruption avaient beau se succéder, il avait toutefois face à lui Louise Harel, une ancienne ministre péquiste responsable des fusions municipales forcées. L’épouvantail séparatiste était ô combien facile à agiter. Better crooks than separatists.


Or, dans l’élection qui vient de se terminer, l’équipe Coderre n’est pas parvenue à répéter la manœuvre. Valérie Plante a certes refusé de dire quelle option elle avait choisie lors du référendum d’il y a 22 ans, mais la prise était mince. Par conséquent, la sortie virulente de l’Équipe Coderre, jeudi dernier, décrivant la montée de Projet Montréal comme s’il s’agissait de l’entrée imminente des troupes de Fidel Castro à La Havane, n’a pas eu l’impact escompté.


Les libéraux apprendront qu’il ne faut tenir aucun électorat pour acquis, pas même celui que l’on croit le plus captif.


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Simon-Pierre Savard-Tremblay179 articles

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Simon-Pierre Savard-Tremblay est sociologue de formation et enseigne dans cette discipline à l'Université Laval. Blogueur au Journal de Montréal et chroniqueur au journal La Vie agricole, à Radio VM et à CIBL, il est aussi président de Génération nationale, un organisme de réflexion sur l'État-nation. Il est l'auteur de Le souverainisme de province (Boréal, 2014) et de L'État succursale. La démission politique du Québec (VLB Éditeur, 2016).