Cousineau, Sophie - Après avoir écorché son homologue fédéral Jim Flaherty il y a 12 jours à Toronto, après avoir déploré les moyens "disgracieux" employés par la Bourse de Toronto il y a une semaine, la ministre Monique Jérôme-Forget en a remis hier.
"Il y a un mouvement extrêmement agressif de la part d'Ottawa pour mettre en place une (seule) commission des valeurs mobilières", a dénoncé la ministre des Finances du Québec à la suite du discours qu'elle a prononcé lors d'un colloque organisé par l'Autorité des marchés financiers.
Monique Jérôme-Forget a ainsi évoqué une rumeur selon laquelle le gouvernement de Stephen Harper imposerait une commission nationale à toutes les provinces du pays après avoir demandé à la Cour suprême du Canada de statuer sur ses compétences en valeurs mobilières.
"Cette prise de position du gouvernement fédéral laissera plus qu'un goût amer, a-t-elle déclaré dans son discours. Le premier ministre du Canada devrait mettre en pratique le fédéralisme d'ouverture qu'il prêche plutôt que de référer le dossier aux tribunaux."
Ce n'est pas la seule rumeur à laquelle la ministre des Finances a prêté foi. Monique Jérôme-Forget a révélé qu'un rapport du Fonds monétaire international (FMI) à être publié prochainement recommande "de façon claire et précise" la mise en place d'une commission unique à la place du système actuel, où chaque province réglemente ses marchés financiers. La ministre aurait obtenu une version préliminaire de ce rapport, mais n'en avait aucune copie avec elle hier.
"Comment expliquer une telle ingérence du FMI dans un dossier faisant l'objet d'un débat politique au Canada? Le lien étroit entre le ministère des Finances du Canada et le FMI en est certainement l'une des raisons. Des pressions ont certainement été exercées par le gouvernement fédéral pour encourager une telle intrusion du FMI dans nos débats internes."
On frise la théorie du complot! Si un ministre péquiste avait lancé en public une telle accusation, on lui aurait tout de suite reproché son manque de rigueur. Cela étonne d'autant plus que Monique Jérôme-Forget n'a pas l'habitude de tourner les coins rond.
La ministre se drape dans le fleurdelisé, et ce n'est sans doute pas étranger au fait que son gouvernement soit minoritaire. C'est encore payant, à l'évidence, d'abattre la carte de l'Ontario contre le Québec.
Cela dit, la ministre des Finances a raison de fulminer contre l'Ontario, qui essaie de saboter le nouveau système de "passeport".
En vertu de ce système que les provinces comptent mettre en place d'ici la fin de 2008, une entreprise qui souhaite émettre des actions au Canada n'aurait plus à frapper à la porte de toutes les commissions du pays. La commission de sa province fera office de guichet unique, maintenant que les provinces ont harmonisé leur réglementation. De la même façon, un courtier qui souhaite négocier des actions partout au Canada aura seulement à s'inscrire auprès de sa juridiction pour être reconnu par les autres provinces.
Ce système a le mérite de mettre un terme à la paperasserie coûteuse, le principal facteur irritant de la multiplication des juridictions, sans attendre de régler ce qui s'annonce comme un autre débat constitutionnel.
Après avoir promu le passeport, l'Ontario s'est désisté. L'ironie, c'est que ce sont les entreprises ontariennes qui profiteront le plus de ce système. En effet, les promoteurs du passeport ont décidé de reconnaître les autorisations délivrées par la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario. De sorte que les sociétés ontariennes n'auront plus qu'à obtenir l'aval de leur commission, tandis que les entreprises québécoises devront tout de même faire l'exercice d'approbation deux fois, soit au Québec et en Ontario.
Si la ministre des Finances a raison d'en vouloir à l'Ontario, elle ne devrait pas essayer de faire du kilométrage sur les ambitions de la Bourse de Toronto dans les produits dérivés. Surtout pas en insinuant que la Bourse torontoise est malhonnête.
Pour reprendre une expression qui est chère à la ministre, le Québec s'est lui-même tiré dans le pied en signant un accord de spécialisation qui lui accordait une exclusivité se terminant au bout de 10 ans.
Dès le départ, la Bourse de Toronto a claironné son intention de revenir dans le marché des produits dérivés à la première occasion, soit en mars 2009. Et c'est compréhensible: ce marché connaît une croissance beaucoup plus rapide que la négociation d'actions. Aussi, il ne s'agit pas d'une contre-attaque soudaine.
Le Québec est d'autant plus fautif qu'il a lui-même permis à la Bourse de Toronto de revenir dans ce marché dès 2004. La Bourse de Montréal a ainsi laissé la Bourse de Toronto acquérir NGX Canada, une spécialiste des transactions dans le gaz naturel et l'électricité qui est archi rentable. Il a bradé sa souveraineté en échange de 5 millions de dollars!
Que la Bourse de Toronto ravisse la négociation de l'indice Standard & Poor's60 à la Bourse de Montréal à l'expiration de la période d'exclusivité, c'est un coup dur pour la métropole, personne ne le conteste. Mais c'est de bonne guerre, comme on dit. Depuis quand la concurrence est-elle gentille?
Monique s'en va-t-en guerre
La ministre se drape dans le fleurdelisé, et ce n'est sans doute pas étranger au fait que son gouvernement soit minoritaire.
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