L'opinion de Bernard Landry #78

Métro, boulot...

C'est presque un mystère que les dirigeants d'une économie moderne, ouverte et concurrentielle comme la nôtre, aient agi si sottement. Les divers coûts de cette faute sont déjà élevés, et d'autres sont à prévoir.

PLQ - le pouvoir de l'argent - les petits démagogues


Notre actuel gouvernement, même sans regard partisan (les taux d'insatisfaction historiques en témoignent) a un don pour les erreurs monumentales. Défaire la ville de Montréal souhaitée par tous les maires depuis Jean Drapeau, relève de l'infâmie politique et les résultats sont d'ailleurs catastrophiques. Quand il s'est agi de remplacer les voitures du métro que le même Jean Drapeau a fait construire, dans le contexte d'autrefois sans appel d'offres, le gouvernement Charest a choisi, pour notre époque, l'option la plus désastreuse. Les règles du droit international ont évolué profondément, et l'économie du Québec aussi. Procéder sans appel d'offres alors que nous avons deux fabricants qualifiés sur notre territoire national constitue une injustice inacceptable.
Quand nous avons attiré ici la française Alstom, nous lui avons dit fermement: "Si vous investissez ici, vous êtes d'ici, et aucune discrimination ne vous menace". Même si nous n'avions pas fait cette promesse, le droit international est clair, cela s'appelle "la règle du traitement national", qui interdit la discrimination. C'est le bon sens, un travailleur de Sorel a droit au même respect qu'un travailleur de La Pocatière, même si sa direction ultime n'est pas au Québec.
Pire encore, et presque invraisemblable, l'une des deux entreprises installées ici, Bombardier, est le plus grand fabricant de matériel ferroviaire de la planète. Ses produits sont vendus sur tous les continents, aux États-Unis comme en Chine, à Toronto comme à Paris. C'est Bombardier qui a construit le célèbre chemin de fer reliant Beijing à Lhassa. Bref Bombardier domine le monde dans son secteur, et par appel d'offres, bien entendu...
Comment notre gouvernement n'a-t-il pas pensé aux torts qu'il ferait à Bombardier à travers le monde, et aussi à nos autres exportateurs, en contournant le procédé universel de soumissions publiques qui conduit en plus aux meilleurs prix. Tous les protectionnistes de la terre, et il en reste, allaient se ruer sur Bombardier au moindre appel d'offres local en disant "Comment pouvez-vous y participer, alors que chez vous, les contrats se donnent de gré à gré?"
Le Québec, toutes proportions gardées, est parmi les plus grands exportateurs du monde. La moitié de ce que nous produisons ici est vendu ailleurs. Plus de la moitié de nos salariés industriels rentrent au travail chaque matin parce que le fruit de leur labeur est vendu dans des marchés hors de nos frontières. Combien y aurait-il de travailleurs chez Bombardier Aéronautique à Mirabel, si leurs avions ne se vendaient qu'au Québec? Serions-nous un des premiers fabricants d'hélicoptères au monde si ces appareils ne survolaient que notre beau et vaste territoire? Et tous ces formidables produits, quand ils sont destinés aux secteurs publics et même privés étrangers, sont achetés par appel d'offres, en concurrence avec d'autres firmes. Si nous gagnons si souvent, c'est parce que nous sommes efficaces et que notre économie est loyale et ouverte.
Quand on est ministre du gouvernement du Québec, on est au service de l'ensemble du Québec. Il est louable pour un député de vouloir servir son comté, mais cela ne peut se faire contre les intérêts de la nation, surtout si le député est ministre. Même chose pour la solidarité entre les travailleurs. Un travailleur de La Pocatière doit songer qu'il a un devoir de solidarité avec ses "confrères et camarades" de Sorel ou de Mirabel: So! So! So! Quand la Pocatière gagne par son efficacité et suivant les processus conformes au droit international d'aujourd'hui, comme c'est arrivé si souvent, bravo! Cela donne, par ailleurs, des raisons profondes pour agir correctement envers les autres, d'ici ou d'ailleurs.
Le protectionnisme qui se traduit par "je vends chez toi, mais pas toi chez moi", est une vieille tendance aussi naturelle que rétrograde, et difficile à mettre de côté. C'est celui des Américains en particulier, qui a retardé de plusieurs années la sortie de la crise de 1929. Ils ont même été tentés d'y revenir il y a quelques années. Mais le concert international de protestation et leur propre sagesse tirée de l'histoire, les en a heureusement empêchés quasi totalement.
C'est presque un mystère que les dirigeants d'une économie moderne, ouverte et concurrentielle comme la nôtre, aient agi si sottement. Les divers coûts de cette faute sont déjà élevés, et d'autres sont à prévoir. Espérons que, malgré le retard, nos vieux wagons ne dérailleront pas comme l'a fait, sans surprise et une fois de plus, le gouvernement de Jean Charest.
Bernard Landry


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