Marine Le Pen : "La mondialisation va profondément à l'encontre de la nature humaine"

Que pensent les candidats de la liberté, de la nature, de l'Histoire ? François Gauvin leur a fait passer un oral de philo.

Élection présidentielle française

Pour un livre (1) à paraître le 7 mars, notre collaborateur François Gauvin a rencontré, de novembre à fin janvier, les candidats à la présidentielle pour qu'ils se livrent à un exercice inédit : répondre à des questions strictement philosophiques. Le Point.fr publie depuis le vendredi 2 mars six de ces entretiens. Aujourd'hui Marine Le Pen répond à la question "Qu'est-ce qu'un peuple ?"

L'homme est-il naturellement bon, comme le disait Rousseau ? Ou serait-il au contraire un loup pour l'homme, comme le pensait Hobbes ?
Je ne suis pas aussi optimiste que Rousseau. Je pense que l'homme a mis des siècles, et même des millénaires, à se construire des règles du jeu. Elles doivent en permanence être rappelées et défendues, car elles s'oublient, se perdent. Elles sont issues de l'expérience de l'histoire, et rien ne fonctionne sans règles. C'est toute la critique que je fais de l'ultralibéralisme, qui est en fait une tyrannie du chaos. Le problème, c'est que ces règles s'affaiblissent. Elles sont idéologiquement combattues, et il m'apparaît que l'absence de règles fait toujours souffrir le plus faible. Le plus fort peut survivre sans les règles en question....
Vous vous réclamez beaucoup du peuple. Mais qui est le peuple ?
L'ensemble de tous ceux qui participent de la communauté nationale, la seule qui est à mon avis en même temps légale et morale.
C'est donc une communauté...
Oui, mais nationale, et qui n'a donc rien à voir avec l'effritement communautaire régional, religieux, sexuel, social, qui est un réflexe d'angoisse qui conduit à une espèce de tribalisation de la France. On assiste aujourd'hui à un retour de tout ce que la France a combattu pendant des siècles : tribalisations, féodalités... La France a eu le plus grand mal à créer son unité, et aujourd'hui elle ne la défend pas. Elle s'en rendra compte quand elle l'aura perdue.
C'est la mondialisation qui est responsable ?
Elle est d'une extrême violence, c'est pour cela que j'ai parlé de "totalitarisme mondialiste".
C'est-à-dire ?
C'est une idéologie dont l'objectif est d'effondrer toutes les structures naturelles qui rassurent les hommes : la famille, les nations, les frontières, l'appartenance à une histoire. Pour suggérer une espèce d'homo economicus individualiste qui devrait se résumer à ses qualités de producteur et de consommateur. Cela va profondément à l'encontre de la nature humaine. D'où l'inquiétude, qui pousse les gens à se recroqueviller dans un réflexe tribal : le quartier, la religion, l'origine, etc.
Mais l'idée de nation n'a que deux siècles, pourquoi dites-vous qu'elle est "naturelle" ?
Enfin, naturelle... C'est à mon avis la structure la plus performante que les hommes se sont donnée pour assurer leur sécurité, leur identité et leur prospérité. Et d'ailleurs, on voit bien que le phénomène tribal est particulièrement vif dans ce que j'appelle les "nations artificielles", qui ont été constituées à l'issue de conflits armés. Voyez aujourd'hui l'Irak, la Libye et même la Belgique.
En démocratie, le peuple a-t-il toujours raison ?
Oui, parce que personne ne peut avoir raison contre lui. Je suis profondément démocrate, au sens premier du terme, profondément convaincue que le peuple est le plus sage. Et je suis toujours frappée de voir les experts nous expliquer que le peuple a tort. Cette espèce de peur des élites pour le peuple, qu'on ressent dans la France et dans l'Europe actuelle, est liée au fait que nous sommes entrés dans un mode oligarchique.
Il ne se trompe donc jamais quand il élit les gouvernants ?
Encore faut-il qu'il ait accès aux informations. C'est tout le problème du rôle des médias, beaucoup plus lourd, grave et important que ces derniers l'imaginent. Les médias doivent participer pleinement à la démocratie en donnant la capacité du raisonnement et donc du choix. Mais un choix libre n'a pas de sens s'il est fondé sur des informations qui sont fausses : la fausse information entraîne le faux choix, ou l'erreur du choix. Il y a là matière à une vraie réflexion sur la déontologie médiatique. Les médias sont aujourd'hui un pouvoir dont on a le sentiment qu'il s'est extrait de toute responsabilité.
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Propos recueillis par FRANÇOIS GAUVIN

(1) Bayrou, Hollande, Joly, Le Pen, Mélenchon, Sarkozy... leur philosophie, éditions Germina, 209 pages, 11,90 €


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